Des télépharmaciens du privé à 150 $ l’heure
Les représentants des pharmaciens oeuvrant dans les hôpitaux et CHSLD du Québec dénoncent l'oc‐ troi, par les établissements de santé, de contrats de té‐ lépharmacie au privé.
Lors de leur témoignage, mercredi, dans le cadre de l'étude du projet de loi 10 sur les agences de placement en santé, les représentants de l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (APES) ont deman‐ dé au ministre de la Santé de considérer la télépharmacie offerte par les agences privées comme de la main-d’oeuvre indépendante et, par consé‐ quent, d'en limiter le recours.
De leur domicile, ces phar‐ maciens reçoivent les ordon‐ nances à leur écran et véri‐ fient qu’il n’y a pas d'interac‐ tion majeure entre les autres médicaments indiqués au profil et ça s’arrête là, essen‐ tiellement, a expliqué la prési‐ dente de l’APES, Julie Racicot.
La télépharmacie offerte par le privé ne correspond pas aux standards de pra‐ tique, c’est contraire à l’Ordre des pharmaciens [...] la com‐ munication avec le personnel infirmier, les médecins, est quasi nulle.
Julie Racicot, pharma‐ cienne et présidente de l'Asso‐ ciation des pharmaciens des établissements de santé du Québec
Le taux horaire pour ce service de télépharmacie est parfois faramineux et peut at‐ teindre 150 $ l’heure pour moins de service, a précisé la directrice générale de l’APES, Linda Vaillant.
C’est dramatique!, s’est ex‐ clamé le député solidaire Vincent Marissal.
L'étude du projet de loi 10 permet de mettre en relief le fait que le recours à la maind'oeuvre indépendante ne touche pas que les infirmières ou les préposés.
Selon une analyse réalisée par le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), affi‐ lié à la FTQ, le recours à des pharmaciens de l'extérieur a coûté au réseau public près de 80 millions de dollars en six ans. Au total, tous métiers confondus, la facture s’est éle‐ vée en six ans à 3 milliards de dollars pour le réseau public, dévoilait Radio-Canada le mois dernier.
Le projet de loi 10 vise à li‐ miter le recours aux services d’une agence de placement de personnel et à de la maind’oeuvre indépendante dans le secteur de la santé et des services sociaux.
Selon le plan du ministre, Québec veut abolir le recours aux agences privées d’ici 2026.
30 bourses de 40 000 $ disponibles
Lors de leur présentation, les représentants de l’APES ont cependant souligné que la majorité des dépannages pour combler des quarts de travail dans les hôpitaux et CHSLD sont réalisés par des pharmaciens du public durant leurs vacances ou lors de congés sans solde.
L’APES a relevé plus de 6200 jours de dépannage ef‐ fectués en 2020-2021, ce qui représente un taux de pénu‐ rie de quelque 18 % pour l’en‐ semble du Québec, estime-ton.
Pour la directrice générale de l’APES, Linda Vaillant, le re‐ cours à ces pharmaciens dé‐ panneurs doit demeurer pos‐ sible dans toutes les régions du Québec tant que l’effectif des pharmaciens d’établisse‐ ment ne sera pas augmenté.
Sa collègue Julie Racicot a déploré que 30 bourses uni‐ versitaires de 40 000 $, sur un total de 110, n’ont pas trouvé preneurs cette année pour devenir pharmacien en éta‐ blissement.
Tous les acteurs concer‐ nés, dont le gouvernement, doivent valoriser et promou‐ voir la pharmacie d’établisse‐ ment pour améliorer le recru‐ tement dans le réseau, a ajou‐ té la pharmacienne Linda Vaillant.