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Santé mentale : « attention à la stigmatisa­tion », disent des experts

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Des experts ont rappelé mercredi l'importance d'éviter de stigmatise­r les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale à la suite des évé‐ nements survenus à Amqui lundi et rappelé l'impor‐ tance du soutien social et la nécessité d'investir en santé mentale.

C’est clair que je ne m’op‐ pose pas à l’idée qu’on ait un filet de sécurité, qu’on soit sensible aux gens autour de nous, et les citoyens font par‐ tie du filet social, a dit la mé‐ decin psychiatre et profes‐ seure adjointe de clinique à l'Université de Montréal, Ma‐ rie-Ève Cotton, qui réagissait à l’appel à la vigilance collective lancé par le premier ministre François Legault la veille.

Je pense qu’on a une res‐ ponsabilit­é collective, d'abord d’identifier puis d’agir pour que ces personnes-là re‐ çoivent des services. Le gou‐ vernement ne peut pas être dans tous les milieux, à identi‐ fier chaque personne qui peut avoir des idées néga‐ tives.

François Legault, premier ministre du Québec

Là où ça passe moins bien, c’est du côté de l’accessibil­ité aux services publics.

Davantage de consulta‐ tions, moins d'argent

À l'émission Tout un matin, mercredi, sur les ondes ICI première, la Dre Cotton a dé‐ noncé le manque de res‐ sources allouées à la santé et le manque de services en ma‐ tière de traitement des dé‐ pendances ainsi que la diffi‐ culté d’avoir accès à des ser‐ vices publics en psychothér­a‐ pie.

Je veux bien qu’il fasse un appel à la population, mais j'aimerais d’abord qu’il rem‐ plisse sa responsabi­lité de premier ministre et de gou‐ vernement de rendre acces‐ sibles les services en santé mentale et les traitement­s des dépendance­s et de toxi‐ comanie.

Les coupes dans le réseau de la santé ont des consé‐ quences, encore aujourd'hui, particuliè­rement du côté de la santé mentale et de la pré‐ vention. Près de 33 % des consultati­ons médicales concernent un problème de santé mentale alors que ce secteur se voit octroyer le septième du budget de la san‐ té au Québec, a évoqué la psychiatre qui a mis en garde contre la stigmatisa­tion des personnes souffrant de mala‐ dies mentales sur de nom‐ breuses tribunes publiques par le passé.

En termes de services à la détresse, si les gens de‐ mandent de l’aide et qu’on les place sur des listes d'attente... C’est là qu’il faut être consé‐ quent comme gouverneme­nt.

Dre Marie-Ève Cotton, mé‐ decin psychiatre et profes‐ seure adjointe de clinique à l'Université de Montréal

Pour appuyer ses propos, elle cite le fait que seuls 22 % des tueurs de masse avaient des problèmes de santé mentale, bien qu’ils puissent s’être trouvés en grande détresse au moment des faits.

En détresse assurément

Le Dr Olivier Farmer, psy‐ chiatre et porte-parole de l’As‐

sociation des médecins psy‐ chiatres du Québec, pense aussi qu’il faut éviter de créer des amalgames entre maladie mentale, crise et détresse. Il se peut que la personne vive de la colère, ait un désir de vengeance ou soit sous l’in‐ fluence de substance sans que ce soit relié à une maladie mentale, dit celui qui pratique à l'hôpital Notre-Dame.

Très souvent, cela ne l’est pas, a-t-il expliqué à L’info maintenant sur les ondes de RDI.

Qu’on recommande aux gens d’aller chercher de l’aide quand c’est nécessaire, mais le gouverneme­nt a sa part de responsabi­lité dans l’accessi‐ bilité des soins en santé men‐ tale, et ça, je trouve qu’il ne remplit pas son mandat [à cet égard], réitère la Dre Cotton qui pratique au Nunavut de‐ puis des années. Elle est aux premières loges pour consta‐ ter le manque de ressources, notamment dans le traite‐ ment des dépendance­s et des violences familiales.

De son côté, le Dr Farmer estime que l’entraide peut aussi s’avérer une bonne stra‐ tégie entre collègues ou ca‐ marades de classe, estime-t-il. Dans n’importe quel groupe, il faut avoir la notion de s'occu‐ per les uns des autres, de ne pas créer des conflits inutiles. [...] il y a de la place pour de l’entraide, il y a de la place pour de la vigilance.

Agir en amont

La prévention s’avère un précieux allié. Et selon la Dre Cotton, il faut voir plus large que les services en san‐ té, il faut miser sur la préven‐ tion, réduire l’exclusion sociale et enrayer l’intimidati­on.

Celle-ci a mentionné des faits qu'il est bon de rappe‐ ler : 70 % des tueurs de masse sont des gens très isolés et ceux-ci ont souvent été inti‐ midés dans leur vie, dans leur jeunesse.

[Sachant cela] qu’est-ce qu’on fait pour lutter contre l’exclusion sociale? demandet-elle.C’est un facteur impor‐ tant dont on n'entend jamais parler. Qu’est-ce qu’on fait comme lutte à l’intimidati­on? Ça aussi, ce sont des ques‐ tions qu’on devrait se poser.

Le Dr Olivier Farmer, de l’Associatio­n des médecins psychiatre­s du Québec, conseille quant à lui de parler à nos proches si on voit que certains d’entre eux vivent des moments difficiles ou semblent avoir des comporte‐ ments imprévisib­les. Vrai‐ ment, la première chose à faire est de parler à cette per‐ sonne, de voir ce qui se passe et de voir pourquoi c’est comme cela. [...] beaucoup de choses peuvent être faites par des proches.

La prévention, ce n’est pas juste bon pour les quelques jours avant qu’une personne commette ces actes-là. Ça se construit ce genre de frustra‐ tions, qui peut-être qui va ex‐ ploser [un jour]. Ça se construit sur des années, ex‐ plique Dre Cotton, qui est aussi autrice à ses heures.

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