La réconciliation, au coeur des nouveaux projets énergétiques
Le projet de gaz naturel li‐ quéfié Cedar LNG, approu‐ vé par Victoria et Ottawa cette semaine, est le pre‐ mier au Canada à être me‐ né par une Première Na‐ tion. Ce nouveau partena‐ riat semble devenir un mo‐ dèle pour les futurs projets énergétiques de la Colom‐ bie-Britannique.
Quand le premier ministre de la Colombie-Britannique, David Eby, a annoncé le feu vert environnemental donné par la province au projet de construction de terminal ga‐ zier Cedar LNG, à Kitimat, la conseillère en chef de la na‐ tion Haisla, Crystal Smith, en avait les larmes aux yeux.
Pour elle, ce n'était pas seulement un jour historique, mais un vrai changement du cours de l'histoire pour la Pre‐ mière Nation Haisla, puisque jusqu'à maintenant, les Au‐ tochtones ont été laissés pour compte dans le dévelop‐ pement économique de leur propre territoire, dit-elle.
Il n'y a pas à remonter très loin pour trouver des exemples de projets énergé‐ tiques auxquels les Premières Nations étaient farouche‐ ment opposées, selon Mark Jaccard, professeur à l’École de gestion des ressources et de l’environnement de l’Universi‐ té Simon-Fraser. Pendant la dernière phase de projets énergétiques au Canada, les Premières Nations ont été vues comme un obstacle, ex‐ plique-t-il.
Les Premières Nations di‐ saient : "Attendez une minute, c'est notre terre!"
Mark Jaccard, professeur à l'École de gestion des res‐ sources et de l'environne‐ ment à l'Université Simon-Fra‐ ser
Entre 2004 et 2016, le pro‐ jet de pipeline Northern Gate‐ way, d'Enbridge, a suscité une forte opposition, entre autres de la part des Premières Na‐ tions de Colombie-Britan‐ nique et d'Alberta, qui esti‐ maient ne pas avoir été assez consultées. Le tollé a fini par mener à l'abandon de ce pro‐ jet de près de 8 milliards de dollars.
Selon Adam Pankratz, pro‐ fesseur d'économie à l'École d'administration Sauder de l'Université de la ColombieBritannique, il y avait des pro‐ blèmes avec ce qu'avait fait Enbridge. Ils n'ont pas aussi bien fait leur travail que Ce‐ dar LNG ou TransMountain. Il croit qu'il y a maintenant une reconnaissance que si on n'a pas l'engagement et l'appui des Premières Nations, il n'y a aucune chance que ces pro‐ jets soient acceptés.
Un projet de mine crée un précédent
En juin 2022, un projet de mine d'or et d'argent à Eskay Creek, dans le nord de la Co‐ lombie-Britannique, est deve‐ nu le premier à bénéficier de permis environnementaux délivrés par une Première Na‐ tion. L'accord entre la nation Tahltan et l'entreprise vancou‐ véroise Skeena Resources res‐ pecte l'esprit de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autoch‐ tones, qui a été adoptée par la Colombie-Britannique en 2019.
Les
Premières
Nations comme les Haisla ou les Tahl‐ tan comprennent très bien qu'elles ont sur leurs terri‐ toires des ressources énormes qui peuvent appor‐ ter beaucoup de richesse et de prospérité économique à leur peuple, explique Adam Pankratz.
Des projets bons pour l'environnement?
L'implication
des
Pre‐ mières Nations dans les pro‐ jets énergétiques rend la tâche des environnementa‐ listes plus complexe, selon Mark Jaccard. Maintenant, on a cette phase intéressante où ça devient de plus en plus dif‐ ficile, même pour les environ‐ nementalistes. de dire : "Ne faites pas ce projet parce que les Premières Nations n'en veulent pas", explique-t-il.
Donc, vous avez des ges‐ tionnaires de projets qui com‐ prennent maintenant qu'il faut impliquer les Autoch‐ tones dans ces projets. Que ce soient des projets bons pour l'environnement ou pas, cela reste à voir.
Cette semaine, quand le projet Cedar LNG a été ap‐ prouvé, la Fondation David Suzuki a d'abord rappelé qu'elle accueille avec beau‐ coup d'enthousiasme la ré‐ conciliation avec les Pre‐ mières Nations et leur droit d'avoir de l'activité écono‐ mique sur leur territoire, se‐ lon les mots du conseiller principal sur la politique cli‐ matique, Tom Green.
La fondation a dit cela avant d'ajouter sa critique du projet : Mais le gaz de schiste et le gaz naturel liquéfié (GNL), toute l'énergie que ça prend et toutes les émissions que ça entraîne, ce n'est pas un projet qui va aider l'huma‐ nité à long terme.
Le responsable de la cam‐ pagne sur le climat pour Sier‐ ra Club BC, Jens Wieting, abonde dans le même sens :
Je crains que n'importe quel projet d'énergie fossile dans lequel une communauté in‐ vestit en appelant ça une contribution à la réconcilia‐ tion puisse finir de manière tragique.
Des Premières Nations divisées
Les Premières Nations sont également divisées à propos des projets énergé‐ tiques. Une partie des Wet'su‐ wet'en est d'ailleurs encore opposée à la construction du gazoduc Coastal GasLink, qui alimentera entre autres le ter‐ minal gazier Cedar LNG.
Selon le grand chef Ste‐ wart Phillip, de l'Union des chefs autochtones de la Co‐ lombie-Britannique, l'expan‐ sion de l'industrie du GNL et de la fracturation hydraulique approuvée cette semaine est terrifiante quand on pense à la manière dont cela va tou‐ cher les terres et les étendues d'eau dans cette province, ainsi que dans le monde.