Radio-Canada Info

On court la Mi-Carême à Natashquan

- Renaud Chicoine-McKenzie

On se masque et on dit « Brutt! Brutt! » à Natash‐ quan par les temps qui courent, à l’occasion de la Mi-Carême, cette fête mé‐ connue mais bien en vie au bout de la route 138. Forcés de la souligner en virtuel lors des trois dernières an‐ nées en raison de la pandé‐ mie, les habitants du vil‐ lage vont de nouveau de porte en porte, déguisés, espérant ne pas se faire re‐ connaître.

On défile de maison en maison en petit groupe de trois ou quatre […] Le but c’est de ne pas se faire reconnaîtr­e. On peut faire des sons, des bruits. On évite de parler ou on trafique sa voix, on change sa démarche, pour être cer‐ tain de ne pas se faire recon‐ naître, raconte Guillaume Hu‐ bermont, ex-animateur de l’émission Boréale 138 et his‐ torien amateur.

Quand les masques sont levés, car ils se lèvent, on boit un coup, on mange une bou‐ chée puis on file à la pro‐ chaine maison. C’est un car‐ rousel qui dure quelques jours, mais qui change aussi de forme de village en village.

À Natashquan, d’après Guillaume Hubermont, qui y a longtemps vécu et couru la Mi-Carême, la fête est asso‐ ciée aux mauvais coups.

À Fatima, aux Îles-de-laMadelein­e, on déambule en plus grands groupes, et une trentaine de maisons si‐ gnalent leur hospitalit­é avec des décoration­s de Noël. On boit de la bière ou de la ba‐ gosse et, surtout, on joue de la musique.

Après les mauvais coups et la musique, c’est le raffine‐ ment des costumes qui fait la marque de la Mi-Carême de l’Île-aux-Grues.

Enfin, à Chéticamp, en Nouvelle-Écosse, on a décidé de monnayer l’affaire en fai‐ sant payer les watcheux cinq dollars pour regarder les micarêmes passer.

Un archipel festif

Fatima, Île-aux-Grues, Ché‐ ticamp et Natashquan : toutes des petites villes iso‐ lées, presque insulaires. Il faut que tout le monde se connaisse, explique Guillaume Hubermont. Ces petites communauté­s, ce sont les seules qui, irréduc‐ tibles, ont su préserver cette fête datant du Moyen-Âge.

C’est dans ces temps bien lointains que s'institutio­nna‐ lisent en Europe les 40 jours de jeûne et de privation du carême. Frustrés, les paysans ont lutté, selon Guillaume Hu‐ bermont, pour couper le ca‐ rême en deux. À la Mi-Ca‐ rême, on mange tout ce qu’on a laissé reposer pendant deux semaines qu’on ne pouvait plus conserver parce qu’on n’avait pas de frigo, expliquet-il.

Mais c'est le déclin de l'Église catholique, selon Guillaume Hubermont, qui explique en partie la dispari‐ tion de la Mi-Carême ailleurs au Québec. Moi, j’ai retrouvé des mentions de Mi-Carême dans toutes les régions : en Beauce, au Saguenay, en Gas‐ pésie, dans Charlevoix, au Bas-Saint-Laurent, précise l'historien amateur.

Là où elle perdure, la MiCarême joue un rôle impor‐ tant dans la cohésion sociale. C’est le moment où il n’y a plus de chicane, il n’y a plus de clans, il n’y a plus de bisbille. C’est le moment où on com‐ prend qu’on fait partie d’une belle grande famille, raconte Guillaume Hubermont.

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