Des milliers de demandeurs d’asile refusés dans la nature
Que deviennent les de‐ mandeurs d’asile arrivés en grand nombre, notam‐ ment par le chemin Rox‐ ham, dans les dernières an‐ nées, lorsque leur dossier est rejeté?
Cette question n’a pas de réponse évidente. Si certains ont été renvoyés, d’autres sont peut-être encore au Ca‐ nada, indique Immigration Canada, tout en avouant qu’Ottawa est incapable de suivre la trace de ces mi‐ grants, devenus parfois des illégaux.
Selon des données fédé‐ rales, près de 52 000 deman‐ deurs d’asile déboutés se‐ raient probablement toujours au pays, même si leur dossier a été refusé.
Ces chiffres figurent dans des demandes d’information faites par des députés conser‐ vateurs au Comité permanent de la citoyenneté et de l’immi‐ gration, dont Radio-Canada a obtenu copie.
Impossible, en réalité, d’avoir un chiffre précis. Cet inventaire peut être surdécla‐ ré, est-il noté dans cette ré‐ ponse d’Immigration Canada.
Lorsqu’un demandeur d’asile débouté ne confirme pas son départ du Canada, la mesure de renvoi n’est pas exécutée et le cas demeure dans l’inventaire des renvois, explique Immigration Canada, en soulignant que le système d’immigration du Canada ne permet pas l’arrestation et la détention proactives de toutes les personnes faisant l’objet d’une procédure de renvoi.
Pas de vérifications des départs
Il existe plusieurs types de renvois. Certains se font avec une escorte d’agents fronta‐ liers, mais dans la majorité des cas, ces demandeurs d’asile déboutés doivent quit‐ ter le territoire par leurs propres moyens. Et aucun suivi précis n’est effectué.
L’Agence des services fron‐ taliers du Canada (ASFC) n’est pas en mesure, à l’heure ac‐ tuelle, d’indiquer avec préci‐ sion le nombre de deman‐ deurs d’asile déboutés qui ont quitté volontairement sans en informer l’ASFC.
Extrait d’une réponse d’Im‐ migration Canada
Le Canada ne fait pas de vérification de départ, re‐ grette Stéphanie Valois, prési‐ dente de l’Association québé‐ coise des avocats et avocates en droit de l’immigration (AQAADI).
Elle-même ignore parfois la trajectoire de ses clients. Ça m’arrive que des personnes soient déjà parties, alors qu’on a un dossier ensemble. Avant une audience, je leur écris, parfois ils ne me ré‐ pondent pas ou ils me disent qu’ils ont quitté le territoire canadien.
On ne sait pas qui quitte le territoire. Ça pourrait être utile et plus facile pour tout le monde d’avoir un système qui collige toutes ces don‐ nées.
Stéphanie Valois, prési‐ dente de l’AQAADI
Certains peuvent aller aux États-Unis ou se faire émettre un document de voyage de leur pays d’origine sans que le Canada le sache, détaille cette avocate spécialisée en immi‐ gration.
Les renvois sous escorte minoritaires
Des renvois sous escorte ont lieu essentiellement pour des raisons de sécurité. Mais ils sont plutôt rares. Selon l’ASFC, ils représentent envi‐ ron 10 % de tous les renvois exécutés. Habituellement, ceux-ci se déroulent par un vol commercial. Dans certains cas, les services d’un aéronef nolisé en sous-traitance peuvent être requis afin de pouvoir exécuter le renvoi sous escorte.
Un dossier refusé sur trois
Au cours des dernières an‐ nées, le nombre de demandes d’asile a connu un bond im‐ portant au Canada.
Ces personnes sont arri‐ vées au Canada par voie aé‐ rienne, par le chemin Roxham ou ont fait leur demande d’asile dans un bureau fédéral, après être venues, par exemple, comme touristes.
Depuis 2017, près de 264 000 demandes d’asile ont été reçues par la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immi‐ gration et du statut de réfu‐ giés du Canada. Celle-ci est responsable d’étudier ces de‐ mandes.
Au fil des années, les taux d’acceptation de ces de‐ mandes d’asile oscillent entre 62 % (2016-2017) et 57 % (2019-2020). En moyenne, un dossier sur trois est refusé (31 % de refus entre 2016 et 2021), selon la SPR.
Pour ces derniers, la suite devient plus complexe et les procédures peuvent s’étirer sur plusieurs années.
Dans la grande majorité des cas, ces personnes peuvent faire appel de cette décision. Une demande de considérations d’ordre huma‐ nitaire peut également être faite, notamment si elles prouvent qu’elles se sont éta‐ blies au Canada avec des en‐ fants.
Des trucs pour ne pas être trouvés
Au terme de ces procé‐ dures, les demandeurs d’asile déboutés font l’objet d’une mesure de renvoi. Ils doivent alors, comme l’indique l’Agence des services fronta‐ liers, quitter immédiatement le Canada dès que celle-ci entre en vigueur.
La décision de renvoyer une personne du Canada n'est pas prise à la légère, pré‐ cise Karine Martel, porte-pa‐ role de l’ASFC.
Toute personne devant être renvoyée du Canada a droit à une procédure régu‐ lière devant la loi et toutes les mesures de renvoi sont sou‐ mises à divers niveaux d'ap‐ pel et d'équité procédurale.
Karine Martel, porte-pa‐ role de l’ASFC
Mais toutes ces personnes visées par une interdiction du territoire n’ont pas quitté le pays. Certains ont des trucs pour ne pas être trouvés et peuvent compter sur les membres de leur famille et de leur communauté pour les abriter, explique Immigration Canada.
Certaines personnes peuvent avoir recours à d’autres identités pour éviter d’être repérées, reprend le mi‐ nistère, tout en soutenant que les agents de l’ASFC mènent des enquêtes proac‐ tives pour tenter de localiser