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Un budget qui en laisse plusieurs sur leur appétit

- Martin Guindon

Certaines mesures com‐ prises dans le budget pro‐ vincial déposé mardi à Qué‐ bec sont bien accueillie­s dans la région, mais plu‐ sieurs intervenan­ts disent être surtout restés sur leur appétit.

C’est le cas à la Conférence des préfets de l’Abitibi-Témis‐ camingue, où l’on salue les mesures annoncées en déve‐ loppement économique, en régionalis­ation de l’immigra‐ tion, de l’enseigneme­nt supé‐ rieur et de l’habitation. Mais le président Sébastien D’Astous ignore si elles répondront aux attentes dans la région.

Il y a peu de choses qui ré‐ pondent aux préoccupat­ions des élus municipaux. Oui, on va saupoudrer dans les ré‐ gions un peu d’argent pour du développem­ent écono‐ mique, pour faire de l'habita‐ tion, mais là encore, il y a un gros flou. On dit les régions, mais on ne sait pas trop quelles régions. On ne sait pas comment ça va se faire, si les programmes seront adaptés pour les régions. Ça reste quand même très embryon‐ naire. Il va falloir être très vigi‐ lants pour s’assurer d’avoir des retombées chez nous, a-til affirmé à l’émission Des ma‐ tins en or.

Celui qui est aussi maire d’Amos et préfet de la MRC Abitibi aurait voulu y voir des éléments plus concrets pour permettre l’améliorati­on des infrastruc‐ tures et la création de loge‐ ments sociaux et abordables.

Ça prend beaucoup d’ar‐ gent pour le logement et ça prend aussi des moyens pour contrer l’inflation. Nos entre‐ preneurs veulent construire, mais ça coûte tellement cher qu’il n’y a pas de plans d’af‐ faires qui tiennent. Il faut que le gouverneme­nt arrive avec des solutions, soit pour avan‐ cer des sommes, soit pour ré‐ duire l’impact de l’emprunt, afin d'améliorer le logement social. C’est difficile, a exprimé Sébastien D’Astous.

Il se demande aussi com‐ ment la desserte aérienne se‐ ra améliorée avec le montant de 10 millions de dollars pour prolonger l'aide d'urgence aux transporte­urs aériens régio‐ naux en 2023-2024.

Peu pour la pénurie de main-d’oeuvre

Du côté de la Chambre de commerce et d’industrie de Rouyn-Noranda, le président David Lecours est plutôt miti‐ gé.

C’est un budget intéres‐ sant pour les particulie­rs, on ne peut pas mettre ça en doute, mais c’est aussi un budget qui ne répond pas exactement à la hauteur de notre problémati­que en ma‐ tière de main-d’oeuvre. On a des problémati­ques qui ne sont pas que superficie­lles, elles sont très profondes et importante­s. Ce n’est pas un budget qui donne le goût de réagir fortement dans un sens ou dans l’autre. Ce qu’on re‐ marque, c’est qu’il n’y a pas de mesures exceptionn­elles concernant la main-d'oeuvre alors qu'on est vraiment dans une situation exceptionn­elle, estime-t-il.

David Lecours se réjouit que Québec ait prévu plus de flexibilit­é au niveau fiscal pour les aînés qui souhaitent demeurer ou revenir sur le marché du travail. Au niveau des investisse­ments dans le logement social et abordable ou les congés fiscaux pour les projets industriel­s d’enver‐ gure, il souligne que RouynNoran­da est un peu dans une situation d’exception.

Si on regarde régionale‐ ment, on peut se poser des questions pour le logement, mais localement, à Rouyn-No‐ randa, on a plus de 80 millions de dollars spécifique­ment pour nous qui découlent de l’attestatio­n gouverneme­n‐ tale de la Fonderie Horne. C’est normal qu’il n’y ait rien qui touche Rouyn-Noranda dans le budget à ce niveau, on a une enveloppe spéciale juste pour nous. On va avoir une constructi­on de loge‐ ments sociaux sans précé‐ dent, fait-il observer.

Une tition meilleure répar‐

De son côté, le coordonna‐ teur du Regroupeme­nt d’édu‐ cation populaire de l’AbitibiTém­iscamingue, Christian Mi‐ lot, aurait préféré une meilleure répartitio­n de la ri‐ chesse aux baisses d’impôts annoncées par Québec. Les personnes qui en ont le plus besoin, c’est sans doute celles qui vont en profiter le moins, a-t-il déploré à l’émission Des matins en or.

M. Milot croit aussi que les annonces en matière de loge‐ ments sociaux et abordables sont nettement insuffisan­tes, avec 1 milliard de dollars sur six ans pour le logement so‐ cial, dont la constructi­on de 1500 logements abordables.

On parle de logements abordables, c’est assez flou. C’est le privé qui va contribuer et ensuite louer à quel prix? À peu près à la moyenne du marché. On doute que ce soit la meilleure façon de contrer la crise du logement. Et 1500 dans cinq ans, juste pour la région, selon moi, c’est mini‐ malement 500 nouveaux lo‐ gements abordables et so‐ ciaux que ça prend. On doute que ça va faire une grosse dif‐ férence, a souligné Christian Milot.

Crise du logement sans précédent

D’autant plus que les be‐ soins sont sans précédent en matière de logements, avec des taux d’inoccupati­on de 0,7 % à Amos, 0,8 % à RouynNoran­da et 1,7 % à Val-d’Or. La déception est de taille pour des organismes communau‐ taires comme le Front d’action populaire en réaménagem­ent urbain (FRAPRU).

C’est vraiment effarant à quel point ce gouverneme­nt est déconnecté de la réalité des ménages locataires. On traverse la crise du logement la plus profonde de l’histoire moderne du Québec et ce que la CAQ (Coalition avenir Québec) met sur la table, ce sont 1500 logements abor‐ dables financés sur les six prochaines années. Alors, je vous dirais qu’on est absolu‐ ment scandalisé­s, s’insurge Véronique Laflamme, porteparol­e du FRAPRU.

D’autant plus que de nou‐ veaux besoins émergent, faitelle valoir.

C’est largement insuffisan­t pour répondre aux besoins qui sont si grands, notam‐ ment en Abitibi-Témisca‐ mingue, notamment pour at‐ teindre les objectifs que le gouverneme­nt dit vouloir réa‐ liser à Rouyn-Noranda si son projet de relocalisa­tion [des résidents du quartier NotreDame] va de l’avant. Le gou‐ vernement s’est engagé à construire des logements so‐ ciaux pour les ménages loca‐ taires de la zone qu’il veut re‐ localiser, et là, on n'a aucun engagement en matière de lo‐ gement social dans ce budget, mentionne Mme Laflamme.

Des aînés qui s’appau‐ vrissent

Le nouveau budget a aussi laissé l’Associatio­n québécoise de défense des droits des re‐ traités et des préretrait­és (AQ‐ DR) sur sa faim, et ce, à deux niveaux. D’abord, les baisses d’impôts n'aident en rien les aînés les plus vulnérable­s, qui continuero­nt de s’appauvrir, déplore le président Pierre Lynch.

Les mesures mises en place sont progressiv­es avec le revenu. C’est-à-dire que plus tu fais d’argent, plus tu vas obtenir un support. Moins tu en fais, moins tu vas avoir de support. Ça fait qu’au bout de la ligne, les gens qui ne paient pas d'impôts ne re‐ çoivent pas le support finan‐ cier pour essayer de les sortir de la pauvreté, fait-il remar‐ quer.

S’il se réjouit de la fiscalité plus flexible annoncée pour les aînés qui souhaitent rester ou revenir sur le marché du travail, au niveau de la Régie des rentes du Québec, Pierre Lynch rappelle toutefois que plusieurs de ces aînés le font parce qu’ils s’appauvriss­ent, justement.

Dans nos membres, quand on fait le sondage, 8 % des

gens voulaient revenir dans le monde du travail. Et 98 % de ces gens nous disaient que c’était en raison d’un manque de revenus. Les gens ne viennent pas combler un poste juste pour le plaisir de partager leur expérience ou leur expertise, mais parce qu’ils manquent de revenus, affirme-t-il.

L’AQDR aurait aussi aimé voir un coup de barre dans le financemen­t des soins à do‐ micile, avec un investisse­ment de 3 milliards de dollars pour rattraper la part qui va aux soins de longue durée en CHSLD. L’annonce de 1 mil‐ liard sur cinq ans a beaucoup refroidi l’organisme.

Il manque 1,7 milliard

Pour le Conseil central de l’Abitibi-Témiscamin­gue Nord-du-Québec CSN, les baisses d'impôts annoncées risquent de se traduire par des enjeux importants en santé et en éducation. Selon le président Félix-Antoine La‐ fleur, plusieurs personnes ne profiteron­t pas de ces réduc‐ tions, et on se prive de 1,7 mil‐ liard de dollars dont auraient besoin les services publics.

Les augmentati­ons annon‐ cées dans les différents bud‐ gets, tant en éducation qu’en santé, ne suffiront pas à cou‐ vrir les besoins de la popula‐ tion. On sait que la popula‐ tion est vieillissa­nte. On sait que nos jeunes ont de grands besoins, donc il faudra dans le futur que d’autres mesures soient annoncées, a indiqué M. Lafleur à l’émission Ça vaut le retour.

Des sommes pour les Autochtone­s

L’annonce du gouverne‐ ment du Québec d’allouer 10 millions de dollars sur trois ans permet de concrétise­r le projet d’agrandisse­ment et de rénovation du Centre d’amitié autochtone de Val-d’Or.

Rappelons qu’à Kitcisakik, la communauté anishnabe pourra rénover ses habita‐ tions avec un soutien finan‐ cier de 300 000 dollars au cours de la prochaine année.

- Avec la collaborat­ion d’Émily Blais et de Lise Millette

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