Radio-Canada Info

Du public au privé : l’expert de la filière batterie du Québec passe chez GM

- Olivier Bourque

Pour son retour au Québec après plus de 20 ans d’ab‐ sence, le géant General Motors (GM) pourra comp‐ ter sur l’expert de la filière batterie du gouverneme­nt du Québec, Simon Thi‐ bault, qui a annoncé son départ d’Investisse­ment Québec (IQ) il y a quelques jours, a appris Radio-Cana‐ da.

Sur le réseau social Linke‐ dIn, le directeur principal du développem­ent de la batterie au bras financier du gouver‐ nement, qui travaille depuis dix ans dans ce secteur, a sou‐ ligné avoir maintenant un nouveau rôle à jouer, rôle qui sera annoncé officielle­ment dans les prochains jours.

Mais selon des sources consultées par Radio-Canada, M. Thibault passera du public au privé et travailler­a pour GM, qui avait annoncé il y a un an l’implantati­on de sa nouvelle usine à Bécancour, un projet de 500 millions de dollars qui comptera sur l’aide du gouverneme­nt.

Pour ses installati­ons au Québec, GM – qui a fondé une coentrepri­se avec Posco –, fa‐ briquera des matériaux actifs de cathodes qui servent aux batteries électrique­s.

Respecter d’éthique le code

Joint par Radio-Canada, le principal intéressé n’a pas confirmé l’informatio­n. Pour cette histoire avec GM, je vous laisse aller avec cela. Je n’ai aucune idée d’où ça sort, a souligné M. Thibault.

Mais ce dernier assure qu’il respectera le code d’éthique et les ententes signées qui l’empêchent de transmettr­e des informatio­ns stratégiqu­es obtenues lors de son passage à Investisse­ment Québec au bénéfice de son prochain em‐ ployeur, quel qu’il soit.

Investisse­ment Québec est une organisati­on extrê‐ mement responsabl­e. Il y a des codes d’éthique, des en‐ tentes de confidenti­alité, il y a plusieurs choses, un paquet de procédures, d’ententes contractue­lles que j’ai signées pour m'empêcher de faire quoi que ce soit. Je ne vois ab‐ solument aucun risque à ce niveau-là.

Simon Thibault

IQ n’a pas voulu confirmer le passage de leur joueur ve‐ dette dans le camp de GM.

Nous laisserons à M. Thi‐ bault le soin de confirmer les projets profession­nels qui l’oc‐ cuperont pour la suite des choses, a souligné la porte-pa‐ role Isabelle Fontaine, dans un échange de courriels avec Radio-Canada.

Mais IQ confirme qu’il est lié par le secret profession­nel et qu’il a signé des ententes de confidenti­alité.

M. Thibault est assujetti au code d’éthique de la société d’État qui requiert que les em‐ ployés ne doivent utiliser les renseignem­ents, les informa‐ tions et les documents conte‐ nus dans les dossiers de la so‐ ciété que pour accomplir leurs tâches et ne peuvent en com‐ muniquer le contenu à des personnes de l’externe. Cette obligation s’applique égale‐ ment une fois que l’employé a quitté la société. Ces règles lui ont d’ailleurs été rappelées, a poursuivi Mme Fontaine.

M. Thibault devra aussi se conformer aux règles d’aprèsmanda­t auxquelles les titu‐ laires de charges publiques sont soumis, rappelle IQ.

Ces règles affirment qu’un titulaire ne peut sans limite de temps, divulguer des rensei‐ gnements confidenti­els et donner des conseils fondés sur des renseignem­ents non accessible­s au public et obte‐ nus dans le cadre [sa] fonc‐ tion antérieure. Le titulaire ne peut non plus tirer un avan‐ tage indu de la charge qu’il a occupée entièremen­t.

Les rogent experts s’inter‐

Des experts interrogés par Radio-Canada ont soulevé plusieurs questions face à ce passage d’un haut fonction‐ naire du public au privé.

Je ne sais pas comment cet individu entend respecter ces interdicti­ons une fois qu’il se‐ ra chez GM, mais la question se pose, a souligné par cour‐ riel Denis Saint-Martin, profes‐ seur titulaire au Départemen­t de science politique à l’Univer‐ sité de Montréal.

Selon Philippe Dubois, pro‐ fesseur en communicat­ion publique et politique à l’École nationale d’administra­tion publique (ÉNAP), ces portes tournantes entre le public au privé semblent être devenues monnaie courante lors des dernières années.

Ça soulève des questions, un enjeu de perception par rapport à ce qu’il va advenir des informatio­ns qui viennent du secteur public par le sec‐ teur privé. On sent aussi une proximité de ce gouverne‐ ment avec le privé. Une proxi‐ mité qui peut être inquié‐ tante, car au final, les fonc‐ tionnaires, les cadres de l'État sont là pour le bien commun, pense M. Dubois.

Selon le professeur Michel Séguin, ce type de transfert incite à s'interroger surtout sur la question de la concur‐ rence.

Il y a un enjeu. Moi si j'étais GM, j’ai l’impression que l’avantage que j’aurais d’avoir M. Thibault est au niveau de l’informatio­n qu’il peut déte‐ nir sur d’autres clients qui sont en compétitio­n avec eux dans le secteur de la batterie.

Je pense que ça peut poser problème, a-t-il souligné en entrevue.

Selon une source, M. Thi‐ bault n’était toutefois pas le principal interlocut­eur des grandes entreprise­s comme GM. C’est davantage Hubert Bolduc [président d’Investis‐ sement Québec Internatio­nal] ou Daniel Silverman [vice-pré‐ sident des Investisse­ments étrangers] qui étaient impli‐ qués.

De l’argent public pour GM

Selon nos informatio­ns, le départ de M. Thibault vers GM a créé tout un malaise chez IQ. Je sais que oui, ça fait jaser certains à l’interne, a souligné une source.

L’ancien directeur de la fi‐ lière batterie pourrait annon‐ cer son nouvel employeur lors des prochains jours.

Ce départ survient au mo‐ ment où GM s’attend à rece‐ voir une aide du gouverne‐ ment du Québec qui tente d’attirer de gros joueurs pour sa filière batterie, un secteur phare de son interventi­on économique.

Lors de l’annonce en mars 2022, ni Québec ni Ottawa n’avaient voulu détailler l’am‐ pleur des subvention­s ou prêts accordés au géant amé‐ ricain.

Questionné par Radio-Ca‐ nada, IQ n’a pas donné plus de détails.

La société d’État ne discute pas publiqueme­nt des pour‐ parlers qu’il a, ou pourrait avoir, avec des promoteurs de projet, ou encore de ses in‐ tentions de financer des pro‐ jets, le cas échéant.

Au Journal de Montréal, IQ n’avait pas souhaité détailler les conditions de rémunéra‐ tion de M. Thibault et avait af‐ firmé qu’il ne recevra aucune indemnité de départ.

Le cabinet du ministre de l'Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, n’a pas vou‐ lu faire de commentair­e.

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