Vers un autre effondrement des stocks de maquereau et de hareng?
Il y a un an, Pêches et Océans fermait la pêche commerciale au maque‐ reau et au hareng de prin‐ temps. Quelques mois plus tard, Ottawa réduisait de 17 % le quota du hareng d’automne dans le sud du Golfe. Près de 200 pêcheurs des provinces des Mari‐ times et du Québec sont concernés par la réduction de quotas pour le hareng d’automne.
Plusieurs de ces espèces pélagiques sont à la croisée des chemins, selon les biolo‐ gistes de Pêches et Océans.
Nos espèces d’eau froide qu’on a connues pendant des décennies au niveau du sud du Golfe, ce sont elles qui sont le plus impactées et les changements environnemen‐ taux font en sorte que la pro‐ babilité de les voir se rétablir est de plus en plus mince avec le temps, alerte Nicolas Rol‐ land, chef de section des pois‐ sons et mammifères marins région du Golfe.
Des stocks qui conti‐ nuent décliner
Du côté du maquereau, après un an de moratoire, la population continue de décli‐ ner.
Les biologistes de Pêches et Océans estiment que les stocks de maquereaux bleus pourraient prendre de sept à neuf ans avant de se reconsti‐ tuer.
Ça va dépendre de l'arri‐ vage des nouvelles cohortes de poissons dans le stock. Ça va dépendre aussi dans le cas du maquereau de la pêche qui va se faire aux États-Unis parce que le Canada n’est pas le seul pays qui pêche ce stock-là. Alors prenant en compte toutes ces incerti‐ tudes là, il faut quand même être prudent. C'est dur de col‐ ler un chiffre précis là-dessus, mais nous estimons que ça va prendre plusieurs années, ex‐ plique la chercheuse de l’Insti‐ tut Maurice-Lamontagne à Mont-Joli.
Selon Nicolas Rolland, les stocks seront à réévaluer tous les ans pour vérifier le réta‐ blissement de l'espèce.
Pour le hareng de prin‐ temps, il faudra attendre au moins jusqu’à 2028 et que toutes les conditions soient favorables pour commencer à voir des signes positifs pour envisager le retour d’une cer‐ taine pêche commerciale, af‐ firme Nicolas Roland.
Mais ces conditions sont loin d’être réunies. Le stock est évalué aux deux ans et les prochains avis scientifiques seront dévoilés en 2024. Lors de la dernière évaluation, les projections montraient un taux de mortalité naturel éle‐ vé et ne démontraient pas né‐ cessairement un changement dans la tendance du stock, c’est donc hautement impro‐ bable que le stock ait réussi à changer de direction dans la‐ quelle il était, fait valoir Nico‐ las Rolland.
Des conditions environ‐ nementales défavorables
Selon lui, plusieurs change‐ ments environnementaux sont à l'oeuvre à long terme : le réchauffement de l’eau, des changements dans l’abon‐ dance de la nourriture néces‐ saire pour les différents stades de la vie du hareng de printemps comme le zoo‐ plancton.
Vraiment ces espèces ne sont plus présentes à cause de ces changements environ‐ nementaux, de l'augmenta‐ tion de la température de l’eau, dit-il.
Le taux de fécondité des harengs adultes a aussi énor‐ mément diminué dernière‐ ment.
C’est vraiment cet en‐ semble [de facteurs] qui est très inquiétant au niveau du stock du hareng de prin‐ temps.
Nicolas Rolland, Chef de section des poissons et mam‐ mifères marins région du Golfe au MPO
Vers une fermeture de la pêche au hareng d'au‐ tomne?
Les nouvelles ne sont pas meilleures du côté du hareng d’automne.
Le stock d’automne est de‐ puis les dix, onze dernières années dans une chute libre vers ce qu’on appelle une zone critique de la biomasse. Pour l’instant il est dans la zone prudence très proche de la zone critique, indique Nico‐ las Rolland, chef de section des poissons et mammifères marins région du golfe.
Selon lui, le scénario du ha‐ reng d’automne est sem‐ blable à celui du hareng de printemps avec une diminu‐ tion importante des géni‐ teurs, une augmentation de la température de l’eau et de la raréfaction de la nourriture.
Là aussi pas de décision cette année, alors que Pêches et Océans en est à compiler les données. Bien qu’il ne veut pas s’avancer sur les décisions de la ministre des Pêches de fermer ou non la pêche com‐ merciale au hareng d’au‐ tomne, Nicolas Rolland fait valoir que si les conditions continuent à se détériorer et que le déclin du stock se poursuit, il y aura certaine‐ ment des recommandations qui seront faites pour avoir un impact majeur au niveau de la réduction des prises.
Des usines pourraient fermer leurs portes
Ça va avoir un gros impact, on a une industrie qui existe depuis au-delà de cin‐ quante ans, puis si la pêche au hareng d’automne ferme, faudra peut-être regarder à transformer d’autres espèces pour pouvoir survivre. Le ha‐ reng d'automne est notre res‐ source principale, dit Mario Cormier, propriétaire des Pê‐ cheries M & M à Petit-Cap.
La communauté de pê‐ cheurs de Cap-Pelé, dans la municipalité de Cap-Acadie au Nouveau-Brunswick, dépend du hareng d’automne. Mario Cormier emploie une quin‐ zaine de personnes dans ses fumoirs. Cap-Pelé produit plus d'un million de boîtes de harengs par année qui sont exportées vers les Caraïbes et l’Afrique.
Si qui ferme ça, il y a plu‐ sieurs usines qui vont fermer leurs portes ça s’est certain, insiste Mario Cormier.
Un an après le moratoire du hareng de printemps et la baisse de quota pour l'au‐ tomne, l’effet se fait ressentir sur l’approvisionnement. Il y a une baisse de production de 5 à 10 %, selon Mario Cormier et les prix ont augmenté.
Le hareng de printemps est surtout pêché pour l’ap‐ pât contrairement au hareng d'automne qui est tradition‐ nellement utilisé dans les boucanières.
On est toujours optimistes qu’il y a une lumière au bout du tunnel et que ça va reve‐ nir.
Mario Cormier, proprié‐ taire des Pêcheries M & M à Petit-Cap
Mario Cormier appuie les décisions de gestion de Pêches et Océans, mais es‐ time que le fédéral est trop lent à prendre des décisions. Il estime que davantage de fi‐ nancement devraient être ac‐ cordés à la recherche et que des mesures devraient être prises pour protéger la res‐ source comme limiter les troupeaux de phoque gris, un des prédateurs du hareng.
Selon l’Union des pêcheurs des Maritimes, qui représente 1300 membres en NouvelleÉcosse et au Nouveau-Bruns‐ wick, les fermetures succes‐ sives et les baisses de quotas ont contribué à gonfler les prix de l’appât, passant en 2020 de 1,30 $ à 1,65 $ cette année pour le maquereau, une tendance que suivent aussi le hareng et la plie.
L’Union demande une le‐ vée partielle du moratoire pour venir en aide aux pê‐ cheurs, une idée appuyée par le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes.