Interventions chirurgicales au Canada : les retards persistent, selon un rapport
Mis à rude épreuve pen‐ dant la pandémie, le sys‐ tème de santé continue d’écoper et voit les retards s’accumuler dans les blocs opératoires. C’est le constat fait par l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) dans son der‐ nier rapport. En premier lieu sont concernées les ar‐ throplasties ou les chirur‐ gies cancéreuses.
Les données les plus ré‐ centes montrent que même si le nombre mensuel d'inter‐ ventions chirurgicales pro‐ grammées se rapproche des niveaux antérieurs à la pandé‐ mie, cela ne suffit pas à résor‐ ber l'arriéré et à améliorer les temps d'attente, peut-on lire dans le rapport de l'ICIS.
Pour consulter le rapport de l'Institut canadien d'infor‐ mation sur la santé
Les baisses du nombre d’interventions chirurgicales au cours des deux premières années de la pandémie ont causé un retard que le sys‐ tème de santé n’a pas pu ré‐ sorber pour l’instant. Durant l’année 2020, des annulations généralisées de chirurgie et des fermetures pendant les vagues de la Covid-19 ont également accentué ce retard.
Selon l’organisme indépen‐ dant à but non lucratif qui fournit des données sur le système de santé canadien, 36 000 d’arthroplasties du ge‐ nou en moins ont été réali‐ sées à l'échelle nationale, entre avril 2020 et septembre 2022. C’est 20% de moins qu’avant la pandémie. Les ar‐ throplasties de la hanche sont à 11% de moins sur la même période.
L’année dernière, seule la moitié des patients ont béné‐ ficié d’une arthroplastie du genou dans le délai recom‐ mandé de six mois. Soixantedix pour cent d'entre eux on pu recevoir leur traitement dans le délai prévu avant l’ar‐ rivée de la Covid. Pour une ar‐ throplastie de la hanche, ils étaient moins de 60 % à en bénéficier dans le délai re‐ commandé, contre 75% avant la pandémie.
Les retards sur ces inter‐ ventions dites programmées, s' ils ne font pas courir de risques aux patients, peuvent avoir un impact sur leur quali‐ té de vie et leur capacité à tra‐ vailler.
Des retards aux causes multiples
Pour Tracy Johnson, direc‐ trice de l'analyse des sys‐ tèmes de santé à l'ICIS, la pé‐ nurie persistante de person‐ nel dans les hôpitaux ne fait qu'aggraver le problème, en plus de la demande accrue d'arthroplasties au cours des dernières années en raison du vieillissement de la popula‐ tion canadienne.
Réseau des hôpitaux uni‐ versitaires de Toronto (UHN), l’un des plus grands établisse‐ ments hospitaliers du pays, tente tant bien que mal, lui aussi, de résorber ce retard.
Nous fonctionnons à près de 120 % de la capacité des salles d'opération
Dr Thomas Forbes, chirur‐ gien en chef du Réseau des hôpitaux universitaires de To‐ ronto
Nous ouvrons des salles d'opération supplémentaires le week-end. Nous ouvrons d'autres zones de soins, comme les salles de procé‐ dure, pour qu'elles fassent of‐ fice de salles d'opération afin de résorber une partie de l'ar‐ riéré, ce qui nous permet éga‐ lement d'essayer de répondre aux priorités de certains de nos soins plus intensifs et plus urgents, explique le Dr Thomas Forbes, chirurgien en chef de l’établissement.
Des ajustements qui peuvent avoir des consé‐ quences sur le long terme se‐ lon ce spécialiste, alors que les hôpitaux doivent continuer d’assurer sur d’autres fronts, qu'il s'agisse de soins cardio‐ vasculaires, de problèmes neurologiques ou de greffes.
Nous sommes confron‐ tés à une crise
Dr Pierre Guy, président élu de l'Association cana‐ dienne d'orthopédie
Le Dr Pierre Guy, président élu de l'Association cana‐ dienne d'orthopédie, estime que le système était déjà confronté à un problème avant la pandémie, avec au moins 160 000 Canadiens en attente d'une opération or‐ thopédique, dont environ la moitié pour une arthroplastie du genou ou de la hanche. Il estime qu’il faudra mettre l’ac‐ cent sur le recrutement et la fidélisation du personnel pour compenser les départs enregistrés pendant la pandé‐ mie.
Les différents niveaux de gouvernement prennent éga‐ lement des mesures d'enver‐ gure. Le financement fédéral des soins de santé destiné aux provinces comprend 25 milliards de dollars affectés à plusieurs domaines priori‐ taires, tels que les arriérés et le personnel de santé.
L’Ontario prévoit de passer par la privatisation, en confiant davantage de procé‐ dures à des cliniques privées à but lucratif - une approche controversée car certains ex‐ perts médicaux estiment qu'elle augmentera probable‐ ment le coût réel pour les contribuables et qu'elle pour‐ rait même aggraver les temps d'attente.
Des conséquences sur le long terme à craindre
Les chirurgies du cancer hautement prioritaires, ont elles, aussi subi du retard l’an‐ née dernière. Selon les don‐ nées de l’ICIS, entre avril et septembre 2022, le nombre d'internventions chirurgicales du cancer du sein, de la ves‐ sie, colorectal, du poumon et de la prostate a été inférieur d'environ 1000 - ou deux pour cent - à celui de la même pé‐ riode en 2019, des chiffres qui ne concernent pas le Québec.
Si ces retards ne préoc‐ cupent pas les professionnels de la santé, ils craignent en re‐ vanche que ceux qui touchent les dépistages aient des effets néfastes sur le long terme. L'année dernière, les scientifiques ont averti que la baisse des dépistages pour‐ rait se traduire par une dimi‐ nution du nombre de diag‐ nostics de cancers invasifs, des retards dans les traite‐ ments et une augmentation des risques pour la santé des patients.
Avec les informations de Laurent Pelley, de la CBC