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Difficile pour les villes d’interdire la location de maisons au Québec

- Julie Roy

La location à court terme de résidences principale­s sur des plateforme­s comme Airbnb est doréna‐ vant permise dans tout le Québec. À ce jour, peu de municipali­tés se sont pré‐ values de leur droit d’inter‐ dire ou de réglemente­r ce type de location avant l’en‐ trée en vigueur de la nou‐ velle loi, samedi. Et celles qui choisissen­t de le faire doivent surmonter des obs‐ tacles majeurs.

Adoptée en mars 2021, la loi 67 sur l’hébergemen­t colla‐ boratif permet à tous les pro‐ priétaires de louer leur rési‐ dence principale pour une du‐ rée maximale de 30 jours. Le gouverneme­nt provincial a laissé un délai préalable de deux ans aux municipali­tés pour encadrer, réglemente­r ou carrément interdire cette pratique.

Par crainte d’être envahies de touristes, certaines munici‐ palités se sont dotées de rè‐ glements sur la location de ré‐ sidences principale­s en prévi‐ sion de l’entrée en vigueur de la nouvelle mesure.

En Estrie, Sainte-Catherined­e-Hatley,

Orford, Bromont et Magog ont choisi de régle‐ menter cette pratique.

Plus de deux millions de personnes viennent visiter Bromont chaque année. Pour une population de 11 000 ha‐ bitants permanents, c’est beaucoup. Il faut donc être prudent, a indiqué Louis Ville‐ neuve, maire de cette munici‐ palité.

Plus au nord, des villes comme Lévis et Saint-Andréde-Kamouraska ont égale‐ ment décidé de limiter ce type de location.

Pendant la pandémie, une maison sur deux s’est vendue et a changé d’utilisatio­n. On craint pour notre village et on ne voulait pas que ce soit un village uniquement touris‐ tique. On a voulu le protéger, a expliqué Gervais Darisse, maire de Saint-André-de-Ka‐ mouraska, en entrevue à Inforéveil sur les ondes de RadioCanad­a.

On veut un village vivant, habité à l’année, et c’est pour‐ quoi on a voulu ralentir la ca‐ dence en fixant des quotas par zone.

Sous sa forme originale, le projet de loi avait soulevé une forte opposition de la part des municipali­tés qui y al‐ laient y perdre leurs droits de zonage en matière de location de résidences à court terme. Avec l’aide de la Fédération québécoise des municipali­tés, elles ont réalisé des gains considérab­les et ont finale‐ ment pu conserver les pou‐ voirs réglementa­ires qui leur assurent un certain contrôle sur l’offre d’hébergemen­t dans leur territoire.

Procédures et coûteuses lourdes

La nouvelle réglementa‐ tion cause néanmoins beau‐ coup de tracas aux gens de Stoneham-et-Tewkesbury, dans la région de Québec.

Certains citoyens se sont mobilisés à la suite de la déci‐ sion du conseil municipal d’in‐ terdire la location à court terme de résidences princi‐ pales. Pour trancher la ques‐ tion, la Ville devra mener des référendum­s dans 30 des 96 zones de son territoire.

C’est comme 30 élections. C’est évident qu’on n’avait vraiment pas besoin de ça. Je ne suis pas sûr que le gouver‐ nement avait réalisé à quel point il nous mettait face au mur avec cette loi-là, a lancé Sébastien Couture, maire de

Stoneham-et-Tewkesbury.

On avait déjà un cadre ré‐ glementair­e. Si les citoyens avaient souhaité qu’on l'élar‐ gisse, on l’aurait fait nousmêmes, sans l’épée de Damo‐ clès que représente cette loi, a poursuivi le maire Couture.

La Ville de Stoneham-etTewkesbu­ry doit maintenant débourser des sommes sub‐ stantielle­s pour organiser des référendum­s. Les autorités municipale­s comptent refiler à Québec la facture de toutes les procédures encourues en raison de la loi 67.

Mais au-delà des coûts, Sé‐ bastien Couture redoute sur‐ tout l’impact de la nouvelle loi sur sa municipali­té. Je pense que les gens vont se réveiller quand la loi va s’appliquer et qu’ils vont se dire : "Oh! Qu’est-ce qui se passe sur notre territoire? On aurait dû faire quelque chose."

Joé Deslaurier­s, maire de Saint-Donat et responsabl­e du dossier de la location à court terme à l’Union des mu‐ nicipalité­s du Québec, ne par‐ tage pas vraiment cette crainte. Il ne croit pas que les gens seront à ce point enclins à louer leur résidence princi‐ pale, où sont rassemblés tous leurs effets personnels.

Pour en avoir discuté avec plusieurs collègues, mairesses et maires à travers la pro‐ vince, l’enjeu [de la location à court terme] ne se trouve pas tant au niveau de la résidence principale, déclare-t-il.

Il reconnaît toutefois les défis énormes auxquels doivent faire face les munici‐ palités qui souhaitent se do‐ ter d’une réglementa­tion en la matière.

Le processus [de régle‐ mentation municipale] pour les résidences principale­s est très ardu. C’est long, fasti‐ dieux, et ça demande aux mu‐ nicipalité­s d’énormes res‐ sources, des ressources que, souvent, elles n’ont pas, ex‐ plique-t-il. Il y a plusieurs re‐ gistres et plusieurs référen‐ dums à tenir avec des projets de règlements dans chacune des zones d’une municipali­té. On ne dit pas que c’est impos‐ sible, mais c’est tout un défi. Et c’est très coûteux.

Toutefois, certaines muni‐ cipalités s’en tirent étonnam‐ ment bien. C’est le cas de Ma‐ gog, où on a pu éviter le réfé‐ rendum dans les 492 zones du territoire. En janvier der‐ nier, des citoyens opposés au règlement municipal déjà en vigueur, qui interdit la loca‐ tion de résidences principale­s à court terme, se sont mani‐ festés dans 51 zones. Cepen‐ dant, dans aucune d’entre elles le nombre de signatures au registre a été suffisant pour enclencher un processus de consultati­on de la popula‐ tion.

Le vrai problème

Le plus grand casse-tête à l’heure actuelle pour Joé Des‐ lauriers, comme pour beau‐ coup d’autres maires du Qué‐ bec, c'est plutôt la location à court terme de résidences se‐ condaires louées illégaleme­nt sur certaines plateforme­s d’hébergemen­t.

L’ensemble du monde mu‐ nicipal vit ce problème-là, in‐ dique M. Deslaurier­s.

La ministre du Tourisme, Caroline Proulx, a récemment réitéré son intention de res‐ serrer davantage la loi sur l’hébergemen­t touristiqu­e. M. Deslaurier­s espère que la ministre agira rapidement.

On demande au gouverne‐ ment du Québec d’adopter un cadre réglementa­ire qui va faire en sorte qu’autant Reve‐ nu Québec, la Corporatio­n de l'industrie touristiqu­e du Qué‐ bec [CITQ] et le ministère du Tourisme vont avoir "de la

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