Un centre intégrera perspectives autochtones et drogues psychédéliques dans ses recherches
Un nouveau centre de re‐ cherche de l’Université de l’île de Vancouver (VIU) in‐ tégrera, pour la première fois au Canada, des pers‐ pectives autochtones et non autochtones dans ses recherches sur les théra‐ pies faisant appel aux sub‐ stances psychédéliques.
Le Centre de recherche psychédélique Naut sa Mawt, à Nanaimo, tente d’allier sa‐ voirs autochtones et mé‐ thodes de recherche occiden‐ tales.
L’idée du centre est d’ho‐ norer d’autres façons d’acqué‐ rir du savoir au-delà de la re‐ cherche, explique sa prési‐ dente, Shannon Dames. On ne peut pas réduire la connaissance à une seule ver‐ sion, celle de la recherche oc‐ cidentale.
On y va lentement. On commence à peine à com‐ prendre ce que cela signifie d’utiliser une approche à deux yeux, soit une approche de la médecine alliant méthodes autochtones et allochtones, dit Geraldine Manson, aînée en résidence.
Connue sous le nom de Ctasi:a dans sa communauté de Snuneymuxw, près de Nanaimo, Geraldine Martin travaille depuis plusieurs an‐ nées à VIU. Elle guide et conseille pour concilier tradi‐ tions autochtones et alloch‐ tones, une approche où la dé‐ marche d’aide se veut plus re‐ lationnelle.
Pour la présidente du centre, Shannon Dames, la re‐ cherche sur l’utilisation des drogues psychédéliques à des fins de thérapie s’avère parti‐ culièrement appropriée.
C’est très différent avec le processus psychédélique, car c’est une médecine spirituelle. On ne peut pas la traiter avec la même approche transac‐ tionnelle utilisée dans le monde biomédical.
Shannon Dames, prési‐ dente du Centre de recherche psychédélique Naut sa Mawt
À cela s’ajoute le défi de la transmission des connais‐ sances, les aînés possédant les connaissances associées à la médecine traditionnelle étant décédés.
En introduisant cette ap‐ proche faisant appel aux psy‐ chédéliques, on doit être pru‐ dents quant à la façon dont on partage avec des gens qui n’ont aucune idée de ce dont on parle, mis à part les plantes psychédéliques qu’on utilisait par le passé , explique quant à elle Geraldine Man‐ son.
Une expérience unique au Canada
Même si son ouverture of‐ ficielle date du début mars, la démarche suscite un intérêt certain à travers le pays.
On reçoit des appels pour savoir comment ils peuvent s’engager, comment ils peuvent aider, ça vient de mé‐ decins et de travailleurs de la santé, raconte Geraldine Man‐ son.
Erika Dyck, professeure d’histoire spécialisée en his‐ toire de la santé et justice so‐ ciale à l’Université de la Sas‐ katchewan, fait partie de ceux qui suivent avec intérêt la création du Centre de re‐ cherche de VIU.
Je n’ai rien vu de tel ailleurs au Canada, dit-elle. Le fait que dès le départ ils semblent vouloir intégrer les savoirs traditionnels [autour de l’usage des drogues psyché‐ déliques] est très encoura‐ geant.
La volonté du centre s’ins‐ crit dans un contexte de ré‐ conciliation dans le milieu uni‐ versitaire, en réponse à la Commission de vérité et ré‐ conciliation.
Plusieurs universités cana‐ diennes démontrent un inté‐ rêt à intégrer la recherche communautaire et les sys‐ tèmes de connaissances au‐ tochtones dans leurs façons de fonctionner.
C’est à la fois un défi et une occasion d’utiliser cet élan dans un lieu de re‐ cherche clinique, ajoute la chercheuse.
Je ne suis pas convaincue qu’on ait trouvé une façon de faire qui intègre les savoirs au‐ tochtones de façon équili‐ brée, ce sera intéressant de voir si VIU y parvient.
Erika Dyck, professeure d’histoire à l’Université de la Saskatchewan
Un défi pour Santé Ca‐ nada?
Sur son site web, le Centre cite quatre études en cours de préparation. Il parle no‐ tamment de la psilocybine, un des principes actifs des cham‐ pignons magiques, auprès de patients en fin de vie ou qui sont atteints de la maladie d'Alzheimer. Il souligne aussi la MDMA pour traiter la fibro‐ myalgie et de la thérapie ac‐ compagnée de kétamine au‐ près de pompiers subissant un stress post-traumatique.
Pour pouvoir effectuer des essais cliniques impliquant une psychothérapie assistée par des drogues psychédé‐ liques, Santé Canada insiste sur l’importance de respecter les protocoles cliniques.
Si le centre de recherche virtuel compte combiner deux visions dans son ap‐ proche, Shannon Dames met l'accent sur la crédibilité du travail effectué : J’espère que nous pourrons réellement commencer à faire de la re‐ cherche sérieuse, où les gens obtiennent les soins dont ils ont besoin et où la priorité se‐ ra centrée sur le patient plu‐ tôt que sur la recherche.