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Droits de la personne : Amnistie internatio­nale dénonce « l’hypocrisie » de l’Occident

- Rania Massoud

Amnistie internatio­nale dénonce le « deux poids, deux mesures » des pays occidentau­x en matière de droits de la personne. Dans son rapport annuel pour 2022, l’organisati­on pour la défense des droits de la personne affirme que l’in‐ vasion russe de l’Ukraine a « dévoilé au grand jour l’hy‐ pocrisie » de ces pays qui ont condamné les agisse‐ ments de Moscou tout en « fermant les yeux » sur des violations commises par leurs alliés, dont l’Ara‐ bie saoudite, l’Égypte et Is‐ raël.

Tout en saluant la réaction ferme et rapide des pays occi‐ dentaux face à la guerre en Ukraine, Amnistie constate qu’elle contraste fortement avec le manque de réactions relativeme­nt à d’autres conflits, comme en Éthiopie et au Myanmar. L’ONG sou‐ ligne également un contraste avec les précédente­s réac‐ tions de l’Occident à l'égard d’autres violations massives commises par la Russie dans d’autres pays, comme en Tchétchéni­e ou en Syrie.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie est un exemple gla‐ çant de ce qui peut se pro‐ duire quand des États pensent pouvoir faire fi du droit internatio­nal et violer les droits humains en toute im‐ punité, a déclaré Agnès Calla‐ mard, secrétaire générale d’Amnistie internatio­nale.

Si le système avait fonc‐ tionné et demandé des comptes à la Russie pour ses crimes avérés en Tchétchéni­e et en Syrie, des milliers de vies auraient pu être sauvées à l’époque et aujourd’hui, en Ukraine et ailleurs. Au lieu de cela, nous nous retrouvons avec encore plus de souf‐ france et de dévastatio­n, a dé‐ claré Mme Callamard.

Selon Amnistie, cette pra‐ tique de deux poids, deux mesures et les réponses insuf‐ fisantes aux atteintes aux droits humains commises aux quatre coins de la planète ont alimenté l’impunité et l’insta‐ bilité. L’ONG cite notamment en guise d'exemple le silence assourdiss­ant sur le bilan de l’Arabie saoudite en matière de droits fondamenta­ux, la passivité à propos de l’Égypte et le refus d’affronter le sys‐ tème d’apartheid mis en place par Israël contre les Palesti‐ niens.

Des politiques toires inégales migra‐

En plus de la guerre russe en Ukraine, le monde a été marqué par plusieurs conflits meurtriers en 2022, recense Amnistie, dont les violences en Éthiopie, qui ont fait des centaines de milliers de morts au Tigré occidental.

L’ONG rappelle également que le conflit israélo-palesti‐ nien a connu l’une des années les plus sanglantes en 2022 avec au moins 151 Palesti‐ niens tués en Cisjordani­e oc‐ cupée, dont plusieurs dizaines d’enfants lors de raids mili‐ taires israéliens.

Au lieu d’exiger la fin du système d’apartheid mis en place par Israël, nombre de gouverneme­nts occidentau­x ont préféré s’en prendre à celles et ceux qui le dénon‐ çaient, indique le rapport.

S’il veut gagner [la] guerre [en Ukraine], le monde occi‐ dental ne peut pas dans le même temps tolérer des actes d’agressions similaires dans d’autres pays unique‐ ment parce que ses intérêts sont en jeu.

Extrait du rapport annuel d’Amnistie internatio­nale

L’ONG s’en prend égale‐ ment aux politiques migra‐ toires des pays européens et nord-américains, les accusant d’avoir fermé leurs portes aux réfugiés fuyant les violences en Syrie et en Afghanista­n alors qu’elles étaient grandes ouvertes pour les Ukrainiens qui voulaient échapper à la guerre.

Les États-Unis, qui ont ac‐ cueilli des dizaines de milliers d'Ukrainiens, ont entre sep‐ tembre 2021 et mai 2022 ex‐ pulsé plus de 25 000 Haïtiens, souvent après les avoir placés en détention et soumis nombre d'entre eux à la tor‐ ture, s'est indignée Mme Cal‐ lamard.

Les droits « au cas par cas »

Dans son rapport, Amnis‐ tie dénonce aussi le manque d’actions des Occidentau­x face aux violations perpétrées par la Chine à l’encontre de la minorité musulmane des Ouï‐ gours. La Chine a échappé à toute condamnati­on interna‐ tionale de la part de l’Assem‐ blée générale, du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, qui a décidé par un vote de ne pas enquêter davantage sur les crimes ayant pu être com‐ mis dans le Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine.

Le Xinjiang, longtemps frappé par des attentats attri‐ bués à des séparatist­es et des islamistes ouïgours, fait l'objet depuis quelques années d'une répression menée au nom de l'antiterror­isme. Pé‐ kin est accusé d'y avoir inter‐ né au moins un million de Ouïgours et de membres d'autres minorités musul‐ manes dans des camps de ré‐ éducation, voire d'imposer du travail forcé et des stérilisa‐ tions forcées.

Les pays ont appliqué le droit relatif aux droits hu‐ mains au cas par cas, faisant preuve au fil du temps d’une hypocrisie flagrante et de deux poids, deux mesures. [...] C’est un comporteme­nt inad‐ missible, qui affaiblit la trame même des droits fondamen‐ taux universels, a déclaré Agnès Callamard.

Nous avons besoin de moins d’hypocrisie, de moins de cynisme et de plus d’action cohérente, fondée sur des principes et ambitieuse de la part de tous les États pour promouvoir et protéger l’en‐ semble des droits.

Agnès Callamard, secré‐ taire générale d'Amnistie in‐ ternationa­le

Dans son document de plus de 500 pages, Amnistie passe en revue des séries de violations répertorié­es dans 156 pays à travers le monde : violences, répression, restric‐ tions du droit à l’avortement, discrimina­tion, accroissem­ent des inégalités…

L’ONG évoque notamment les conflits au Myanmar, en Haïti, au Mali, au Venezuela et au Yémen, entre autres, et dé‐ plore les atteintes aux droits des femmes en Iran et en Af‐ ghanistan.

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