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La « loterie » des soins palliatifs à domicile

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Davide Gentile, Daniel Boily Au cours des prochaines se‐ maines, Robert Corbeil pourrait avoir besoin d’une nouvelle injection d’un diu‐ rétique pour évacuer l’eau qui s’accumule dans ses poumons.

Engagé sur le chemin des soins palliatifs, ce résident de Sainte-Julie souffre notam‐ ment d’une insuffisan­ce car‐ diaque aiguë et de diabète.

M. Corbeil a reçu à quelques reprises le diuré‐ tique Lasix ces derniers mois lors de séjours à l’hôpital. Une injection faite par un médecin à son domicile lui permettrai­t d’éviter des retours à l’ur‐ gence et, possibleme­nt, une nouvelle hospitalis­ation.

Le hic, c’est que ni l’infir‐ mière en soins palliatifs du CLSC des Seigneurie­s, dans l’est de la Montérégie, ni le médecin de famille de la rési‐ dence privée pour aînés où il habite ne sont en mesure de lui faire cette injection.

L’infirmière du CLSC lui au‐ rait notamment suggéré de déménager à Longueuil, où le CLSC local dispose d’une équipe médicale complète, ou d’envisager d'accepter une place dans une maison de soins palliatifs à Bouchervil­le.

J'ai eu le feu au cul, j'ai dit : "Ben voyons donc, c'est quoi, la joke?" Ils nous demandent à pleine télévision d'essayer de demeurer le plus possible à domicile tant qu'on est ca‐ pables. […] Je suis capable, lance-t-il.

Maintenant veuf, M. Cor‐ beil a le privilège d’être accom‐ pagné par deux amis de longue date, Michel Therrien et Renée Savignac.

C’est moi qui doit, avec les intervenan­ts à ma disposi‐ tion, essayer de trouver un médecin pour qu’il puisse re‐ cevoir le fameux Lasix à la maison et je n’en ai plus moi de solutions ! constate Mme Savignac.

L’ex-gestionnai­re semble choquée par la complexité des démarches à faire pour permettre à son ami Robert de finir ses jours à la maison.

Je suis conscient que je vais disparaîtr­e. Je vais-tu me rendre à ma fête, à Noël ou à la Saint-Valentin de l’année prochaine? Je ne le sais pas […], mais je souhaite rester ici. Robert Corbeil

Selon les données les plus récentes, 44 % des 58 800 usa‐ gers qui ont reçu des soins palliatifs et de fin de vie l’an dernier les ont reçus à domi‐ cile.

Au CISSS de la Montérégie­Est, on reconnaît qu’aucun médecin n’est affecté au sou‐ tien à domicile au CLSC des Seigneurie­s, mais on affirme que des partenaria­ts et des mesures sont en place afin d’assurer les soins palliatifs qui requièrent un suivi médi‐ cal, nous écrit la porte-parole Caroline Doucet. Des méde‐ cins se rendraient disponible au besoin.

Le CISSS est en constant effort de recrutemen­t, précise

Mme Doucet. Toutefois, ces dernières années, avec la pro‐ motion accrue de la prise en charge en première ligne (GAMF, GAP, réorientat­ion P4P5) à la suite des orientatio­ns ministérie­lles, les médecins de famille, en pratique ou nou‐ veaux diplômés, qui ont ré‐ pondu à l'appel ont égale‐ ment réduit leur disponibil­ité dans les autres secteurs d'ac‐ tivité.

Disparités régionales

Pour la présidente de la Société québécoise en soins palliatifs, la Dre Olivia Nguyen, il manque de médecins en soins palliatifs un peu partout au Québec.

Malheureus­ement, la réali‐ té, c'est qu'il y a toujours une sorte de loterie du code pos‐ tal et, dépendamme­nt du ter‐ ritoire où on habite, les soins palliatifs qu'on aimerait rece‐ voir ne sont pas équivalent­s. Donc, il y a une grande inégali‐ té en fonction des CLSC [près desquels] on réside.

La Dre Olivia Nguyen, pré‐ sidente de la Société québé‐ coise en soins palliatifs

Pour la vétéran en soins palliatifs au Québec, la Dre Ge‐ neviève Dechêne, il est regret‐ table que des patients comme M. Corbeil doivent en‐ gorger les hôpitaux pour rece‐ voir certains soins.

Tous les jours, on a des pa‐ tients suivis par le CLSC de

Verdun [à Montréal] qui ont besoin de diurétique­s intra‐ veineux […]. Une infirmière ne peut pas le donner si elle n'a pas un médecin appelable en tout temps qui fait des visites à domicile, explique-t-elle.

L’organisati­on des soins palliatifs du CLSC de Verdun permet à la majorité des pa‐ tients de terminer leurs jours à domicile.

À l’échelle canadienne, le Québec demeure la province où le pourcentag­e de décès ailleurs qu’en milieu hospita‐ lier est le plus faible à 23 % par rapport à 45 % en moyenne au Canada.

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