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Troisième lien : les plus récentes données de circulatio­n sur les ponts sèment le doute

- Alexandre Duval

Au moment où François Le‐ gault se dit « toujours dé‐ terminé à faire un troi‐ sième lien », les plus ré‐ centes données suggèrent que la pandémie a bel et bien changé les habitudes des automobili­stes. En jan‐ vier dernier, près de 17 000 véhicules de moins ont emprunté chaque jour les ponts Pierre-Laporte et de Québec par rapport à 2019.

Les données fournies par le ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD) pour le premier mois de l’année 2023 indiquent qu’en moyenne, 103 353 véhi‐ cules ont circulé sur le pont Pierre-Laporte lors de chaque jour ouvrable. Il y a quatre ans, c’était plutôt 116 569 vé‐ hicules.

Au cours de la même pé‐ riode, sur le pont de Québec, le débit moyen a chuté de 33 390 à 29 970 véhicules. En combinant les données pour les deux ponts, c’est donc 11 % de véhicules de moins qui ont circulé dans ce secteur en janvier 2023.

Pour l’ensemble de l’an‐ née 2022, le MTMD observe également que le débit jour‐ nalier moyen sur les ponts a chuté de 13 % par rapport à 2019. Cela confirme que la tendance déjà rapportée en novembre dernier n’était pas anodine.

Ça devrait envoyer un message aux politicien­s, lance Fanny Tremblay-Racicot, pro‐ fesseure agrégée en adminis‐ tration municipale et régio‐ nale à l’ENAP. À son avis, ces statistiqu­es démontrent qu’il n’y a pas lieu de construire un troisième lien pour rendre la circulatio­n plus fluide.

On voit sur les ponts que la congestion ralentit. Ça ne justifie pas un investisse­ment de plusieurs milliards de dol‐ lars.

Fanny Tremblay-Racicot, professeur­e agrégée en admi‐ nistration municipale et régio‐ nale à l’ENAP

Les impacts du télétra‐ vail

Mardi à l’Assemblée natio‐ nale, le premier ministre Fran‐ çois Legault a promis de dé‐ voiler dans les prochaines se‐ maines les études à jour concernant le troisième lien Québec-Lévis.

Face au scepticism­e am‐

biant, il a aussi réitéré sa vo‐ lonté de construire cette in‐ frastructu­re dont les coûts étaient estimés l’an dernier à 6,5 milliards de dollars, tout en précisant sa responsabi­lité comme gestionnai­re de fonds publics de tenir compte des impacts du télétravai­l.

Or, la professeur­e Trem‐ blay-Racicot croit justement que dans cet esprit de saine gestion des fonds publics, beaucoup d’autres solutions moins coûteuses s’imposent avant la constructi­on d’un troisième lien.

Il n'y a même pas de ré‐ seau de transport en com‐ mun structuran­t sur les ponts actuels, illustre-t-elle.

Avant de penser à mieux desservir la Rive-Nord et la Rive-Sud de centre-ville à centre-ville de quelque ma‐ nière que ce soit, il faudrait d'abord regarder ce qui se passe sur les ponts existants.

Fanny Tremblay-Racicot, professeur­e agrégée en admi‐ nistration municipale et régio‐ nale à l’ENAP

Mme Tremblay-Racicot constate aussi que le télétra‐ vail, qui s’est répandu avec la pandémie, est une mesure qui contribue à gérer la de‐ mande sur le réseau routier.

Il faudrait profiter de ce moment-là pour aller un peu plus loin et pour offrir d'autres options à ceux qui continuent de se déplacer en auto, dit-elle en évoquant par exemple l'aménagemen­t de stationnem­ents incitatifs et de trajets de navette pour les travailleu­rs.

Déjà trop cher?

Pour le moment, moins d’une dizaine de fonction‐ naires du MTMD travaillen­t à la direction proprement dite du tunnel Québec-Lévis.

Les personnes impliquées dans la gestion et la prépara‐ tion du projet de tunnel ac‐ complissen­t des dizaines de tâches quotidienn­ement qui peuvent prendre la forme de rencontres, de rédaction de documents, d'analyses et de production d’études, détaille par courriel le porte-parole du MTMD, Nicolas Vigneault.

Or, le ministère s’est aussi adjoint les services d’environ 200 mandataire­s, qui tra‐ vaillent par exemple sur l’étude d’opportunit­é et d'avant-projet.

En plus des activités de fo‐ rage qui ont eu lieu au cours de la dernière année, d’autres forages marins et terrestres seront nécessaire­s et une campagne d’investigat­ions géophysiqu­es est prévue cette année, écrit aussi M. Vi‐ gneault.

Regardez les fonds publics qui sont dépensés par le bu‐ reau de projet pour le troi‐ sième lien, c'est considérab­le [...], déplore Mme TremblayRa­cicot, d’autant plus que la nécessité d'une telle infra‐ structure n’a pas encore été démontrée.

Cependant, au-delà du troisième lien, la professeur­e Tremblay-Racicot estime que tous les ordres de gouverne‐ ment – pas seulement le pro‐ vincial – doivent en faire da‐ vantage pour améliorer la mobilité des résidents de la Capitale-Nationale.

Toutes les entrées des ponts, c'est sur le territoire des municipali­tés, quand même. Les villes ont aussi un rôle à jouer dans la manière dont leurs habitants se dé‐ placent, dit-elle.

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