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Faillites bancaires depuis 2001 : ÉtatsUnis 563, Canada 0

- Philippe de Montigny da?

Après l'effondreme­nt de la Silicon Valley Bank, de la Banque Signature et de Crédit Suisse, entre autres, faut-il craindre un effet de contagion? Si une faillite bancaire se produisait au Canada, qu’arriverait-il à votre argent?

Ces questions semblent être sur toutes les lèvres der‐ nièrement. Les recherches Google au sujet des faillites bancaires ont explosé ces der‐ nières semaines.

Plusieurs Canadiens sont en quête de réponses en ligne et dans leurs succursale­s ban‐ caires pour savoir comment protéger leur argent. C’est le cas de Juan Pinilla, qui détient un compte d’épargne et des investisse­ments chez deux grandes banques cana‐ diennes.

Je me suis souvent deman‐ dé : est-ce que mes dépôts et mes placements survivront à toute cette tourmente?

Juan Pinilla, client de deux banques canadienne­s

Le pilote d’avion, qui ha‐ bite à Toronto et à Thunder Bay, dans le nord-ouest de l’Ontario, craint que les turbu‐ lences du secteur bancaire américain se répercuten­t de ce côté-ci de la frontière.

C'est inquiétant pour nous, Canadiens, parce que ce qui se passe aux États-Unis af‐ fecte toute la planète, dit-il.

Quand la panique me‐ nace la solvabilit­é d’une banque

Bien des gens craignent ef‐ fectivemen­t un effet domino, comme celui qui a conduit à la crise financière de 2008.

Si les déposants paniquent et se dépêchent de retirer leur argent parce qu'ils craignent une éventuelle faillite de leur banque, cette ruée peut mettre l'institutio­n financière dans une bien mauvaise pos‐ ture.

Si tout le monde se pré‐ sente à la banque, tout d'un coup, pour retirer leurs dé‐ pôts, la banque, elle, n'a pas nécessaire­ment le cash ou les fonds liquides dans son tiroir, explique l’économiste Steve Ambler, chercheur en poli‐ tique monétaire à l'Institut C.D. Howe.

C’est ce qui s’est produit dans le cas de la Silicon Valley Bank : ses clients, surtout de jeunes pousses technolo‐ giques et des firmes de capi‐ tal-risque, ont réclamé en grand nombre leur argent, que la banque avait investi dans des obligation­s à long terme.

Avec la flambée des taux d’intérêt au cours de la der‐ nière année, la valeur de ces obligation­s a chuté, explique M. Ambler. Pour obtenir des liquidités, l’institutio­n a dû vendre ces obligation­s, cristal‐ lisant ainsi les fortes pertes de valeur sur ces titres.

Le problème, c'est que la panique peut s'étendre aussi à d'autres banques.

Steve Ambler, économiste et chercheur en politique mo‐ nétaire, Institut C.D. Howe

Pour l'instant, c'est relati‐ vement contenu aux ÉtatsUnis. Jusqu'à maintenant, au Canada, ça n’a pas posé pro‐ blème, affirme l’économiste.

Une faillite bancaire est-elle possible au Cana‐

Au Canada, le système bancaire est encadré par des normes strictes. Votre banque doit notamment s'as‐ surer d'avoir suffisamme­nt de liquidités dans ses coffres pour combler les besoins de ses clients.

Dans le cas très peu pro‐ bable où votre banque de‐ vienne insolvable, vous ne ris‐ quez fort probableme­nt pas de perdre votre argent. La So‐ ciété d’assurance-dépôts du Canada protège votre épargne jusqu'à hauteur de 100 000 $ par institutio­n membre et par catégorie d’as‐ surance-dépôts.

Ce montant, qui a été éta‐ bli en 2005, devrait être revu à la hausse pour tenir compte de l'inflation, selon des éco‐ nomistes.

Ces 100 000 $, ce n'est pas vraiment grand-chose pour beaucoup de monde au Cana‐ da. Bien des gens ont déposé des sommes qui dépassent ce plafond dans une seule banque, affirme Brett House, professeur d’économie à la Columbia Business School, à New York.

Catégories d’assuranced­épôts :

Dépôts au nom d’une seule personne

Dépôts conjoints

Dépôts dans un régime en‐ registré d’épargne-retraite (REER)

Dépôts dans un fonds en‐ registré de revenu de retraite (FERR)

Dépôts dans un compte d’épargne libre d’impôt (CELI)

Dépôts dans un régime en‐ registré d’épargne-études (REEE)

Dépôts dans un régime en‐ registré d’épargne-invalidité (REEI)

Dépôts en fiducie

Dépôts dans un CELI pour l’achat d’une première pro‐ priété (à compter du 1er avril 2023)

L’ancien économiste de la Banque Scotia soutient ce‐ pendant que toutes les me‐ sures mises en place au Cana‐ da semblent porter fruit. De‐ puis 2001, il n'y a eu aucune faillite bancaire au Canada, contre 563 aux États-Unis.

La ministre fédérale des Fi‐ nances, Chrystia Freeland, abonde dans le même sens. Nous avons un système fi‐ nancier qui a prouvé sa rési‐ lience à maintes reprises, a-telle lancé lors d’un point de presse à Oshawa, en Ontario, la semaine dernière.

Elle ajoute que nos institu‐ tions financière­s sont pru‐ dentes dans leur gestion du risque et qu'elles ont le capital nécessaire pour traverser

cette tempête.

Secteur plus concentré, clientèle plus diversifié­e

L’économiste Brett House ajoute que le système ban‐ caire canadien est plus concentré avec six grandes banques – la Banque Royale, la Banque TD, la Banque de Montréal, la Banque Scotia, la Banque Nationale et la CIBC –

qui détiennent 85 % des quelque 4000 milliards de dol‐ lars d’actifs au pays.

Ces institutio­ns inter‐ viennent dans de nombreux secteurs différents, y compris les services de courtage hypo‐ thécaire, la gestion de patri‐ moine, les assurances, les dé‐ pôts et les prêts, ainsi que les services bancaires courants.

L’une des choses qui rend le système bancaire au Cana‐ da plus solide qu'aux ÉtatsUnis, c'est le fait que les six grandes institutio­ns bancaires au Canada ont un bassin de déposants beaucoup plus di‐ versifié, explique M. House.

La clientèle de la Silicon Valley Bank, par contre, était beaucoup plus homogène, soit concentrée dans les sec‐ teurs de la technologi­e, des sciences de la vie et du capi‐ tal-risque, des secteurs qui battent de l’aile après avoir connu une forte croissance pandémique.

Ces clients ont donc eu be‐ soin de liquidité, en même temps, ce qui a contribué à cette ruée bancaire un peu autoréalis­atrice, affirme l’éco‐ nomiste.

C'est improbable au Cana‐ da de voir la même situation, estime-t-il.

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