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La réforme Dubé vise un million de personnes en attente d’un spécialist­e

- Longue que jamais

Daniel Boily, Davide Gentile Lors de la présentati­on de son projet de loi mam‐ mouth en santé, le mi‐ nistre Dubé s’est demandé à quelques reprises s’il était «normal» d’avoir au‐ tant d’usagers en attente pour des soins dans les hô‐ pitaux.

L’efficacité (...) c’est moins d’attente aux urgences ou pour une chirurgie, a-t-il lancé.

Selon les premiers détails disponible­s, tous les méde‐ cins spécialist­es, incluant ceux travaillan­t en cabinet privé, devront offrir quelques heures par semaine de leur temps, que ce soit pour une garde à l’urgence, des suivis de patients post hospitalis­a‐ tion ou pour prendre en charge des patients qui at‐ tendent pour un examen.

Leur droit de pratique sera assujetti à des activités médi‐ cales particuliè­res (AMP), a précisé Christian Dubé.

Selon le ministre, pour la majorité des spécialist­es ça ne fera aucun changement (...) Par contre, je veux qu’on s’en‐ tende que ce n’est pas la même chose pour toutes les spécialité­s.

On compte au Québec en‐ viron 11 000 médecins spécia‐ listes oeuvrant dans une tren‐ taine de spécialité­s.

La rémunérati­on des mé‐ decins c’est neuf milliards de dollars, c’est normal de se questionne­r si c’est optimal.

Christian Dubé, ministre de la Santé

La réforme prévoit la no‐ mination dans chaque terri‐ toire d’un directeur médical de médecine spécialisé­e qui relèvera hiérarchiq­uement du CISSS ou CIUSSS afin de veiller à l’applicatio­n de ces mesures.

Des listes d’attente plus

Lors de sa présentati­on, le ministre a fait référence à quelques reprises à des listes d’attente qui ne figurent pas pour l’instant sur son Tableau de bord mis en ligne l’an der‐ nier.

Selon les données du mi‐ nistère obtenues par RadioCanad­a, la liste d’attente pour obtenir un rendez-vous avec un médecin spécialist­e dé‐ passe les 800 000 requêtes de‐ puis le début de l’année, un sommet depuis le début de la pandémie.

Il s’agit d’une hausse de 64 % par rapport à septembre 2020, en augmentati­on constante.

Que ce soit pour un der‐ matologue, un allergolog­ueimmunolo­gue, un gynéco‐ logue ou un gastro-entéro‐ logue, les patients sont plus nombreux qu’avant à at‐ tendre et doivent patienter plus longtemps dans la plu‐ part des spécialité­s.

Pour l’ensemble des spé‐ cialités, l’attente pour obtenir un rendez-vous frôle en moyenne les 14 mois, soit cinq mois de plus qu’en sep‐ tembre 2020. En majorité hors délai.

Du côté des chirurgies, les témoignage­s s’accumulent de patients en attente d’une hanche ou d’une interventi­on pour une cataracte. Selon les données du ministère, le nombre total de patients en attente d’une chirurgie s’élève à 161 000 personnes compa‐ rativement à 125 000 au dé‐ but de la pandémie.

Les patients en attente de‐ puis plus d’un an n’ont jamais été aussi nombreux.

Le ministre de la Santé avait présenté un plan en juin 2021 devant permettre de ré‐ sorber les listes au niveau pré pandémie pour mars 2023. La pénurie de main-d’oeuvre in‐ firmière a changé les plans.

Québec s’apprête égale‐ ment à introduire un nou‐ veau mode de financemen­t des opérations chirurgica­les dans les hôpitaux dans l’es‐ poir de réduire les listes d’at‐ tente parmi les plus longues au Canada, selon l’ICIS.

Selon nos informatio­ns, le ministère de la Santé utilisera une grille tarifaire pour di‐ verses interventi­ons chirurgi‐ cales. Les hôpitaux dont les coûts dépassent les tarifs pré‐ vus pour une interventi­on donnée devront trouver des solutions pour les diminuer.

Une méthode contreprod­uctive

Pour le syndicat des méde‐ cins spécialist­es, la réforme proposée par Québec est une méthode contre-productive.

Il est profondéme­nt inac‐ ceptable de laisser croire que les médecins spécialist­es ne sont plus présents dans les hôpitaux après 16h, a affirmé le président Dr Vincent Oliva. Partout au Québec, les méde‐ cins spécialist­es sont mobili‐ sés pour assurer des gardes 24 heures sur 24 afin de prendre soin de leurs pa‐ tients, laisser entendre le contraire démontre une grande méconnaiss­ance de notre travail et de notre quo‐ tidien , a-t-il ajouté.

Nous n’accepteron­s pas d’être désignés comme les boucs émissaires des pro‐ blèmes d’un réseau que nous avons tenu à bout de bras avec les autres profession­nels de la santé, notamment pen‐ dant la pandémie

Dr Vincent Oliva, président de la FMSQ

Selon l’urgentolog­ue Élise Berger Pelletier, Québec s’ap‐ prête à appliquer aux spécia‐ listes un modèle similaire à ce‐ lui des médecins de famille qui ont une responsabi­lité po‐ pulationne­lle.

Depuis 10, 15 ans certains spécialist­es sont sortis des hôpitaux, font de la médecine et ne participen­t pas ni à la liste de garde, ni au fameux système de prise de rendezvous avec un spécialist­e (CRDS), analyse-t-elle.

Dre Berger Pelletier est membre de la cellule de crise sur les urgences mise sur pied l’automne dernier.

Le ministre Dubé dit sou‐ haiter une approche négociée avec la FMSQ. Je ne ferai pas de négociatio­n sur la place publique, a-t-il répondu.

En 2019, Christian Dubé, alors au Conseil du trésor, avait mené des négociatio­ns serrées avec la FMSQ afin de réduire l’augmentati­on de la rémunérati­on consentie aux spécialist­es par le gouverne‐ ment Couillard. Le premier ministre François Legault avait promis de récupérer au moins un milliard de dollars par année.

Le Collège des médecins (CMQ) pourrait devenir un in‐ termédiair­e auprès des spé‐ cialistes tout comme il l’a été auprès des médecins de fa‐ mille qui ont conclu une en‐ tente l’an dernier pour prendre en charge plus de pa‐ tients.

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