Radio-Canada Info

Naissance d’une nation : réécrire l’histoire au cinéma

- Helen Faradji

Peut-on se réappropri­er une oeuvre raciste et la ré‐ inventer? Réponse le di‐ manche 9, à 1 h 29 sur ICI Télé.

En 2016, un film pour le moins inattendu, Naissance d’une nation, de Nate Parker, a gagné les prix du jury et du public au Festival du film de Sundance, puis déclenché une guerre d’enchères folles entre les studios pour savoir qui au‐ rait le privilège de le distri‐ buer. Mais peu de temps après, sa carrière a explosé en plein vol, après qu’une sombre histoire soit venue entacher la réputation du réa‐ lisateur.

Néanmoins, si l’on s’en tient au film, comment expli‐ quer qu’un tel ovni, débarqué de nulle part, ait ainsi fait par‐ ler de lui?

Un des premiers films à répondre directemen­t à la polémique du #OscarSoW‐ hite

En 2015, le monde du ciné‐ ma est aussi blanc qu’uni‐ forme – du moins en appa‐ rence. C’est particuliè­rement le cas aux Oscar, où l’absence de représenta­tivité des ar‐ tistes afro-américains fait tache.

Et dans la foulée de ces protestati­ons légitimes (dont les échos se font encore sentir aujourd’hui), un jeune réalisa‐ teur, également acteur, cha‐ peaute le destin d’un premier film, Naissance d’une nation, qui ne se contente pas d’enre‐ gistrer la polémique, mais l’af‐ fronte directemen­t en forçant – par sa complexité et ses am‐ biguïtés – la réflexion et l’inté‐ rêt.

Un brûlot politique

Qu’on le veuille ou non, l’esclavage, période tragique de l’histoire des États-Unis, est constituti­f de l’identité de ce pays. On en sent encore les ravages aujourd’hui. Mais au cinéma, très rares sont ceux qui ont su saisir la brutalité de ce terrifiant processus. Et Nate Parker n’a pas hésité en illustrant à sa façon l’histoire tout à fait vraie de Nat Turner. Interpréta­nt lui-même cet homme né en 1809 dans une plantation de la Virginie, évan‐ gélisé et éduqué par la femme de son maître – mais ayant re‐ joint les autres esclaves après la mort de celui-ci –, il trans‐ forme son film en véritable pamphlet philosophi­que et politique, rageur et parfois in‐ soutenable (comme lors de la scène de pendaison sur Strange Fruit, de Nina Si‐ mone, qui semble nous inter‐ peller directemen­t pour nous demander: qu’est-ce qui a vraiment changé au‐ jourd’hui? ).

Car Nat Turner n’aura pas, dans l’histoire de l’esclavage, un rôle facile : éduqué, il est en effet utilisé par son nou‐ veau maître comme un prédi‐ cateur, envoyé sur différente­s plantation­s pour enjoindre les Noirs à obéir…

Une claque sur le mu‐ seau de l’histoire du ciné‐ ma

Évidemment, le fait d’avoir nommé son film Naissance d’une nation rappelle d’abord que cette naissance s’est faite

dans la douleur, la cruauté et la déshumanis­ation. Mais il n’est en outre pas anodin, car ce titre avait déjà coiffé une oeuvre dans l’histoire du ciné‐ ma. Une oeuvre terrible, hon‐ teuse, aux accents racistes plus que déplorable­s.

Une oeuvre réalisée en 1915 par D.W. Griffith, dans la‐ quelle le cinéaste perfection‐ nait des techniques de mon‐ tage et des outils de style qui ont fait entrer le cinéma amé‐ ricain dans l’ère des superpro‐ ductions (le film inspirera no‐ tamment Autant en emporte le vent). Mais une oeuvre qui faisait aussi des membres du Ku Klux Klan de véritables hé‐ ros dont l’exemple était à suivre… Autres temps, autres

moeurs?

Naissance d’une nation, dimanche 9 avril, à 1 h 29 sur ICI Télé. Complément­s:

Le film The Birth of a Na‐ tion éclaboussé par une his‐ toire de viol The Birth of a Na‐ tion projeté au TIFF malgré la controvers­e Pour une deuxième année, aucun ac‐ teur noir n'est en lice pour un Oscar

La bande-annonce (source : YouTube)

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