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Anh Minh Truong : le cinéma dans le sang

- Anik Moulin

Anh Minh Truong s'apprête à vivre le moment le plus important de sa carrière : la projection de son pre‐ mier long métrage, Des hommes, la nuit. Celuici sera présenté en ouver‐ ture du 10e Festival Ciné‐ ma du monde de Sher‐ brooke, le jeudi 6 avril. Mais qui est ce fier Sherbrooko­is? Qui est l'homme derrière la camé‐ ra? Nous l'avons rencontré chez lui, en compagnie de ses deux enfants, Ophélie et Arnaud.

Je pense que je suis un papa le fun, je m'amuse beau‐ coup avec eux, je suis très joueur! Mais je ne cacherai pas non plus que ce que je fais m'absorbe beaucoup. L'avantage peut-être, c'est que je travaille à la maison, alors je suis tout le temps avec eux, constate-t-il.

Ce genre de carrière là im‐ plique beaucoup de sacrifices. Des sacrifices que mes en‐ fants et ma femme vivent. Ce n'est pas moi qui les vis, les sacrifices, c'est eux.

Anh Minh Truong, réalisa‐ teur - scénariste

Dire que le 7e art l'habite jour et nuit est à peine exagé‐ ré. Anh Minh Truong fait son cinéma depuis l'âge de 17 ans. Il en a aujourd'hui 40. Son parcours profession­nel est truffé de publicités, de courts métrages et de vidéoclips. Ca‐ therine Major et David Gou‐ dreault font partie des ar‐ tistes qui ont fait appel à ses services.

À l'âge de 29 ans, le ci‐ néaste devient père pour la première fois. La paternité lui confère une étonnante confiance en lui, surtout pour l'écriture de ses projets.

Ça a vraiment pris du temps avant que j'assume ma plume un peu plus, ou que j'assume que j'avais quelque chose à dire. Puis les enfants, ça a comme tout ouvert les valves!

Anh Minh Truong, réalisa‐ teur-scénariste

Être père est toutefois ve‐ nu avec son lot de questions et de vertiges.

Moi, j'ai été élevé par ma tante, je n'ai pas eu une figure paternelle très présente dans ma vie. [...] Je m'étais beau‐ coup remis en question. C'est quoi être papa, être un homme, au fond? Puis cette réflexion-là est à la base de ce film-là, Des hommes, la nuit, explique-t-il.

Sa précieuse tante

Anh Minh Truong est né au Vietnam. Il est arrivé à l'âge d'un an à Sherbrooke, avec ses parents, qui se sont finale‐ ment séparés. Ses deux frères et lui ont donc grandi en com‐ pagnie de leur tante, figure essentiell­e dans leur vie.

À Sherbrooke, la commu‐ nauté vietnamien­ne était peut-être de 1000-1500 [per‐ sonnes]. Le Nouvel An, c'était plein de monde. Là, mainte‐ nant, je ne sais même pas combien on est. On est peutêtre moins que 200. C'était une question d'emplois, les gens sont allés plus à Mont‐ réal, Toronto. Mes parents ont fait partie de ce mouve‐ ment-là. C'est pour ça, en fait, que c'est ma tante qui m'a élevé, affirme le réalisateu­r, qui espère voir sa tante fouler le tapis rouge en sa compa‐ gnie jeudi soir.

Passion cinéma

Le réalisateu­r est un tra‐ vailleur acharné. Du cinéma, il en mange tous les jours. Il ne pratique pas vraiment de sport, n'a pas de passe-temps non plus, à part celui d'aller au cinéma! En fait, il a tou‐ jours un film en développe‐ ment.

Ma passion, mon travail, ma vie, c'est tout interconne­c‐ té. Il n'y a pas de distinctio­n. Je dis souvent que je suis tou‐ jours en mode conception. Je te regarde là, aujourd'hui, et tu vas te retrouver dans un de mes films un jour, c'est sûr, parce que je capte tout. [...] Mon travail, c'est d'être per‐ méable à tout. Ma blonde pourrait te le dire, dans les soupers de famille, je parle ra‐ rement, j'écoute, j'observe. Tout ce que les gens disent peut être retenu contre eux dans un film, un jour!, s'ex‐ clame-t-il.

Le nombre de répliques dans mes films qui viennent de la réalité, c'est fou!

Anh Minh Truong, scéna‐ riste-réalisateu­r

Le réalisateu­r a lui-même monté son long métrage. Ce travail ardu peut paraître sans fin, mais il apprend à lâcher prise. Le fameux dicton, c'est qu'en cinéma, on ne finit ja‐ mais un film, on l'abandonne. J'ai appris ce réflexe-là : d'abandonner, mais au bon moment.

Sa passion pour le 7e art ne s'est jamais estompée, malgré les écueils, notam‐ ment en ce qui a trait au fi‐ nancement.

Ce qui me drive pendant toutes ces années-là, oui, il y a la passion, c'est sûr. Puis aus‐ si, je pense que c'est Spielberg qui disait ça : "Tes rêves de jeunesse, ils ne vont jamais crier fort, ils vont chuchoter. Si tu n'es pas prêt à l'écouter, ils vont juste disparaîtr­e." Moi, il ne me reste pas trente films dans ma vie. [...] L'énergie que ça me prend faire un film, je commence à calculer, "ok, ce projet-là est-il assez profond, assez significat­if pour moi, pour que ça me coûte tant d'années de vie?", conclut le réalisateu­r, ajoutant que son premier long métrage mar‐ quera assurément un tour‐ nant dans sa vie.

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