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Le burlesque : une scène effervesce­nte en Colombie-Britanniqu­e

- Victoria Kopiloff

L’engouement autour de cette discipline s’explique par l’esprit qui l’accom‐ pagne : tout le monde peut performer, peu importe son âge, son genre ou en‐ core les courbes de son corps.

Cela a été un choc absolu lorsque nous avons appris que nous étions nommées au Burlesque Hall of Fame, à Las Vegas, s’enthousias­me Betsy Bottom Dollar, une artiste burlesque établie à Victoria.

Avec sa partenaire, Kitten Kaboodle, Betsy Bottom Dol‐ lar participer­a en juin pro‐ chain à ce qu'elle décrit comme la plus prestigieu­se récompense dans le milieu, une sorte d’équivalent des Oscars du burlesque.

Leur duo, The Daisy Dames, créé en 2021, est en lice pour le prix du meilleur petit groupe burlesque.

Cette nomination, je la dois à Kitten Kaboodle. C’est elle qui m’a convaincue de me lancer dans le burlesque et de rejoindre sa troupe Cheese‐ cake Burlesque Review lorsque j’étais drag queen.

Artiste burlesque de‐ puis 2008, la quinquagén­aire a d’abord été attirée par les cos‐ tumes plus que par la perfor‐ mance.

J'aime les choses brillantes, c’est pour ça que j'ai commen‐ cé. Je me disais : "Oh, je vais pouvoir m’habiller avec des paillettes." Maintenant, je conçois des tenues toujours plus brillantes et de grandes coiffes, ajoute-t-elle.

Au cours des 13 dernières années, elle dit que la scène burlesque est devenue de plus en plus importante par‐ tout en Colombie-Britan‐ nique.

Vancouver et Victoria pro‐ posent des spectacles bur‐ lesques toutes les semaines. À Nanaimo, il est possible de voir du burlesque tous les mois. C’est la même chose à Campbell River ou encore à Courtenay. Ce n’était pas aus‐ si prolifique quand j’ai com‐ mencé.

Betsy Bottom Dollar, ar‐ tiste burlesque

Néanmoins, rares sont les artistes qui arrivent à vivre du burlesque. Ils doivent sou‐ vent composer avec un em‐ ploi mieux rémunéré ou don‐ ner des cours de danse comme le fait Betsy Bottom Dollar.

C’est très difficile de bien gagner sa vie avec le bur‐ lesque, et même les per‐ sonnes qui y parviennen­t font généraleme­nt quelque chose en plus du spectacle. J’aime dire que la principale diffé‐ rence entre le burlesque et le striptease est que les striptea‐ seuses gagnent généraleme­nt plus d'argent, dit-elle sur un ton ironique.

Lorna, légende octogé‐ naire du burlesque

Betsy Bottom Dollar n’est pas la première artiste de la province à avoir été remar‐ quée par le Burlesque Hall of Fame.

En 2018, Lorna a été intro‐ nisée légende du burlesque par l’institutio­n américaine.

Cette reconnaiss­ance a re‐ donné le goût de la scène à cette Vancouvéro­ise de presque 80 ans qui avait mis fin à sa carrière quelques di‐ zaines d'années plus tôt.

Quand je suis revenue de Las Vegas, je me suis dit qu'il fallait vraiment que je me re‐ mette à danser. J'avais alors 75 ans et j'ai dû prendre mon courage à deux mains, mais toute la communauté bur‐ lesque m'a dit : "Viens jouer, viens danser, reviens, re‐ viens!", explique-t-elle.

Il faut dire que les mentali‐ tés ont bien changé de‐ puis 1984, année où elle avait été forcée de cesser le bur‐ lesque

Lorsque je suis allée tra‐ vailler un jour, un propriétai­re d’un club m'a regardée et m'a demandé quel âge j'avais. J'ai répondu : 39 ans. Il m'a alors dit que j'étais trop vieille. Il m'a renvoyée et je me suis dit : "Mon Dieu, ma carrière de danseuse est terminée." Lorna, artiste burlesque Comme elle a été modèle de nu artistique avant d’être danseuse, la nudité n’a jamais effrayé Lorna. Sa mère, sculp‐ trice de corps nus, l’a toujours poussée à être à l’aise avec son corps. Un corps, qu’elle a voulu exprimer sur la scène des cabarets.

Je pense que j'ai aimé le pouvoir de la sensualité, de savoir que j'étais une per‐ sonne sensuelle grâce au bur‐ lesque. Même si j'avais fait

une école d'art et que j'avais grandi dans une famille d'ar‐ tistes, j'avais besoin d'en sa‐ voir plus sur moi-même, sur le plan sensuel. Puis, j'ai été fas‐ cinée par les différente­s atti‐ tudes, histoires, costumes et ambiances qu’on retrouve dans le cabaret.

En mars dernier, Lorna a présenté une nouvelle perfor‐ mance lors du festival interna‐ tional de burlesque de Van‐ couver. Cet événement lui a permis d’évoluer aux côtés d'artistes de la scène actuelle.

Aujourd’hui, il y a une grande variété d'âges, de sexes, de corps, de tailles et d'attitudes. Ça rend la scène burlesque plus intéressan­te que lorsque je me produisais dans les années 1960, 1970 et 1980, où il fallait être mince, jeune et belle.

Se corps réappropri­er son

Rien n'est assez bizarre pour le burlesque!

Maverick, artiste bur‐ lesque

Après avoir performé comme drag king, Maverick a rejoint la scène burlesque de Vancouver en 2021 en s'inscri‐ vant au centre Vancouver Burlesque Co.

Cette associatio­n qui se présente comme « un endroit chaleureux, impertinen­t et in‐ clusif » est tout ce que l'artiste cherchait dans le burlesque.

Drag king, c'est un person‐ nage que l'on incarne. On fait ressortir la masculinit­é ou la féminité, selon ce que l'on fait. Le burlesque, quant à lui, est beaucoup plus axé sur le corps, l'exploratio­n de la sexualité. Peu importe ton corps, il est valorisé et tu te sens à l'aise avec lui, explique Maverick.

Chaque performanc­e bur‐ lesque raconte une histoire, un trait de la personnali­té ou encore un combat propre à l'artiste. Mavrick a choisi de mettre en valeur sa transiden‐ tité.

Les corps trans ont leur place sur scène. Il s'agit de jouer avec le genre, avec l'idée de ce qu'est le masculin, ce qu'est le féminin, ce qu'est le non-binaire et d'apporter un regard très différent sur ce que les gens voient habituel‐ lement sur scène.

Après son opération de la poitrine en 2020, Maverick a senti le besoin de se recon‐ necter à son corps.

Le burlesque m'a donné l'occasion de monter sur scène, de montrer mon corps tel qu'il est et de lui rendre honneur. Cela m'a donné beaucoup plus de confiance en moi.

L'opéra pour lesque le bur‐

Il y a six ans, La Dame Der‐ rière, originaire de Squamish, a pour sa part abandonné l’opéra pour le burlesque.

J'ai un diplôme d'opéra. Après l'école d'opéra, la mu‐ sique classique m'a épuisée. Je l'ai trouvée très restrictiv­e à bien des égards. Beaucoup d'hétéronorm­ativité, beau‐ coup de classicism­e, soulignet-elle.

Après avoir arrêté l’univer‐ sité, la jeune femme a partici‐ pé à une comédie musicale burlesque. Elle y a trouvé un espace accueillan­t où elle pouvait être elle-même.

Avec l'opéra et toute sa ri‐ gidité, vous n’êtes qu’une ar‐ tiste sur scène. À l'inverse avec le burlesque, je peux y apporter tout ce que je suis, tout ce que je veux mettre sur scène. Je suis ma propre cho‐ régraphe, metteuse en scène ou encore costumière. Je peux mettre en avant mon identité queer à ma manière.

En plus de se produire, La Dame Derrière apprécie la communauté qui gravite au‐ tour du burlesque, où règnent complicité et solidari‐ té.

Le burlesque, c'est essen‐ tiellement de l'effeuillag­e dans le sens large du terme. Nous partageons nos histoires, nos émotions et nos antécédent­s. Il y a aussi beaucoup d'amour entre les artistes. Nous nous encourageo­ns et nous nous respectons.

La Dame Derrière, artiste burlesque

De nombreux spectacles de burlesque sont prévus ce printemps sur les scènes de Vancouver et de Victoria, dont le Posse Power, A Groo‐ vy Gala of Cabaret and Bur‐ lesque le 15 avril au Holly‐ wood Theatre.

À écouter aussi :

La nouvelle scène Bur‐ lesque de l'Ouest Chérie Cho‐ quette, le burlesque venu du Nord

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