La compagnie Neptune dans la mire du gouvernement fédéral
Jusqu’à nouvel ordre, l’agence de sécurité Nep‐ tune ne peut plus proposer ses services au gouverne‐ ment fédéral. La compa‐ gnie est sous le coup de vé‐ rifications depuis que l’émission Enquête a révélé que son grand patron utilise deux identités
Tous les contrats en vi‐ gueur avec Services publics et Approvisionnement Canada ont été examinés, et ceux qui présentaient un risque jugé trop élevé ont été résiliés, in‐ dique dans un courriel le mi‐ nistère qui chapeaute l’octroi des contrats publics fédéraux.
Le patron de Neptune, un homme qui dit s’appeler Ro‐ bert Butler, utilise le nom Ba‐ dreddine Ahmadoun pour gé‐ rer une agence immobilière, révélait fin mars Enquête.
Le lendemain, le gouverne‐ ment fédéral suspendait l’au‐ torisation de Neptune à sou‐ missionner jusqu’à ce qu’une évaluation complète soit ter‐ minée. Nous continuons de suivre de près les développe‐ ments entourant Neptune Se‐ curity Services, précise le cabi‐ net de la ministre Helena Jac‐ zek, dont le ministère qualifie de préoccupantes les révéla‐ tions à propos de Neptune.
En février dernier, Robert Butler disait à un collabora‐ teur de Radio-Canada muni d’une caméra cachée avoir des contrats avec la Défense nationale et avoir une cote de sécurité top secret du gouver‐ nement fédéral.
Contrats sur des bases militaires
Neptune n’est pas unique‐ ment une agence de sécurité privée. Elle est aussi une com‐ pagnie de construction qui a touché des millions de dollars pour travailler dans les instal‐ lations de la Défense natio‐ nale.
Dans les dernières années, Neptune a effectué des tra‐ vaux sur les bases militaires de Trenton, de Kingston et de Borden, en Ontario. Encore la semaine dernière, la compa‐ gnie recevait des fonds pu‐ blics pour la mise à niveau du système de vidéosurveillance du manège militaire de Deni‐ son, à Toronto.
Ces contrats requièrent des vérifications en raison de la nature sensible des lieux. L’un d’eux exigeait d’ailleurs la cote de sécurité secret, selon les documents d’appels d’offres consultés par RadioCanada. Le grand patron de Neptune, qui utilise deux identités, devait aussi faire l’objet d’une enquête de sécu‐ rité.
Le sénateur Claude Cari‐ gnan est préoccupé par les in‐ formations révélées par En‐ quête. Que fait le gouverne‐ ment du Canada avec les mandats donnés à la firme Neptune par la GRC et par la Défense nationale? deman‐ dait-il au représentant du gouvernement au Sénat le 28 mars dernier.
Construction de Défense Canada, la société d’État qui gère les travaux d’infrastruc‐ ture pour l’armée, dit avoir pris acte de la suspension de Neptune des appels d’offres fédéraux.
Pour sa part, la Gendarme‐ rie royale du Canada (GRC) dit n’avoir jamais attribué de contrat à cette compagnie, contrairement à ce qu’elle avait communiqué aupara‐ vant. Il s’agit d’une erreur ad‐ ministrative, a expliqué la po‐ lice fédérale.
Radio-Canada a par ailleurs appris que Neptune a décroché quatre contrats ré‐ servés aux entrepreneurs au‐ tochtones, tous attribués par Construction de Défense Ca‐ nada. Des vérifications sont en cours concernant l’attribu‐ tion de ces contrats.
En plus des contrats avec la Défense nationale, Neptune a offert dans les dernières an‐ nées des services de sécurité privée à Justice Canada, à Im‐ migration Canada, à l’Agence des services frontaliers du Ca‐ nada, ainsi qu’à l’Office de sur‐ veillance des activités en ma‐ tière de sécurité nationale et de renseignement, entre autres.
Neptune n’a pas voulu commenter sa suspension des appels d’offres fédéraux et la résiliation de certains de ses contrats.
Au Québec, l’Autorité des marchés publics a banni Nep‐ tune des contrats publics pour avoir omis de divulguer ses réels dirigeants et avoir tenté de contourner la loi. Cette décision a été portée en appel devant la Cour supé‐ rieure.
L’information qui est re‐ cueillie va également être par‐ tagée à différents partenaires. Ça peut être Revenu Québec, la Sûreté du Québec, l'UPAC, la GRC, expliquait René Bou‐ chard, directeur des affaires publiques et des communica‐ tions de l’Autorité des mar‐ chés publics.
Le Bureau de la sécurité privée, qui permet aux entre‐ prises d’exploiter des agences de sécurité au Québec, mène en parallèle une enquête sur Neptune.
Au cours des 10 dernières années, la compagnie a décro‐ ché des centaines de contrats publics un peu partout au pays, totalisant des centaines de millions de dollars.