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Hydro T.-N.-L. veut réutiliser des poteaux traités avec un agent interdit par Ottawa

- Patrick Butler

Hydro Terre-Neuve-et-La‐ brador veut réutiliser des poteaux électrique­s traités au pentachlor­ophénol (PCP), un produit toxique dont l’utilisatio­n sera bien‐ tôt interdite par Ottawa.

La société de la Couronne doit démanteler les 2372 po‐ teaux d’une ligne électrique au Labrador qui est hors ser‐ vice depuis 2021, mais aime‐ rait garder le bois et l’utiliser pour réparer d’autres lignes existantes.

Santé Canada a annoncé, en septembre dernier, que le bois traité au PCP, une sub‐ stance ayant des effets préoc‐ cupants pour l'environne‐ ment et la santé humaine, se‐ lon le ministère, ne pourra plus être utilisé à compter d’octobre prochain.

Les entreprise­s d’électricit­é au Canada ont recours au PCP comme agent de préser‐ vation du bois depuis les an‐ nées 1930.

Selon un plan soumis le mois dernier au ministère provincial de l’Environne‐ ment, Hydro Terre-Neuve-etLabrador propose aussi de laisser la base de chaque po‐ teau dans la terre, ce qui res‐ pecte les normes de l’indus‐ trie, selon une porte-parole. En conséquenc­e, des milliers de morceaux de bois traités au PCP ne seront pas net‐ toyés.

Hydro Terre-Neuve-et-La‐ brador demande une exemp‐ tion aux règles au gouverne‐ ment fédéral et soutient que son plan n'aura pas d'impact négatif sur la faune.

Trouver un juste équi‐ libre

Le chercheur scientifiq­ue à Ressources naturelles Cana‐ da, Nicolas Reynier, explique que dans un monde idéal, Hy‐ dro Terre-Neuve-et-Labrador enlèverait l’intégralit­é du po‐ teau, ainsi que les sols conta‐ minés à l’entour, puis enver‐ rait le tout dans un centre spécialisé qui pourrait en ex‐ traire le PCP, ainsi que les dioxines et les furanes, des sous-produits qui sont même plus nocifs.

Ce processus serait très dispendieu­x, reconnaît pour‐ tant celui qui a étudié pen‐ dant quatre ans le PCP et la décontamin­ation des sols près des poteaux électrique­s. En plus, il faudrait les trans‐ porter des centaines de kilo‐ mètres vers le centre de recy‐ clage le plus proche, au Qué‐ bec.

Des des documents sou‐ mis à la province, Hydro Terre-Neuve-et-Labrador dit avoir étudier la possibilit­é de transporte­r le bois traité [au PCP] vers une installati­on de recyclage située à l’extérieur de la province, mais cette so‐ lution s'est révélée trop coû‐ teuse.

D’un point de vue de cycle de vie, ces poteaux ont déjà été traités, ils ont déjà été mis en service pendant quelques décennies. […] Les disposer dans un centre d’enfouisse‐ ment [sans enlever les sub‐ stances toxiques], ce n’est pas intéressan­t écologique­ment, affirme Nicolas Reynier.

Ce n’est pas une bonne idée de réutiliser des poteaux qui contiennen­t du PCP, mais vu que ça fait déjà plusieurs années voire décennies qu’ils ont été mis en service, le po‐ tentiel de cette substance de se retrouver dans l'environne‐ ment est très faible. S’il y a du pentachlor­ophénol qui devait s’échapper du poteau, ça a déjà été fait.

Nicolas Reynier, chercheur scientifiq­ue, Ressources natu‐ relles Canada

Pam Miller, fondatrice du groupe Alaska Community Ac‐ tion on Toxics, qui milite de‐ puis des années pour l’inter‐ diction de plusieurs produits chimiques toxiques dont le PCP, croit qu'il est probléma‐ tique de laisser du bois traité au PCP sous le niveau du sol, car il continuera à s'infiltrer dans le sol et les eaux souter‐ raines environnan­tes, expo‐ sant potentiell­ement la faune et les gens à ce produit chi‐ mique extrêmemen­t dange‐ reux.

Il ne devrait pas y avoir d'exemption [du gouverne‐ ment fédéral] compte tenu des effets nocifs connus de cette substance sur l'environ‐ nement et la santé et du fait qu'il existe des solutions de remplaceme­nt sûres et dispo‐ nibles, a-t-elle écrit dans un courriel.

L’interdicti­on du PCP an‐ noncée par Santé Canada en septembre dernier se base sur des renseignem­ents obte‐ nus auprès de la Suisse, de la Nouvelle-Zélande, de la Com‐ mission européenne et du Ja‐

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