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Le vapotage de cannabis gagne des adeptes chez les jeunes

- Guillaume Lepage

Le vapotage de cannabis fait plus que jamais fureur chez les jeunes de 15 à 17 ans au Québec, même si la vente de ce produit leur est interdite, montre un rapport de l'Institut de la statistiqu­e du Québec (ISQ) dévoilé mercredi. Une ten‐ dance à surveiller et qui re‐ quiert un meilleur enca‐ drement du gouverne‐ ment, plaident des ex‐ perts.

C’est assez banalisé chez les jeunes. L’accès est facile et les produits sont alléchants, résume au bout du fil le Dr Ni‐ cholas Chadi, pédiatre au CHU Sainte-Justine et chercheur spécialisé en toxicomani­e et en médecine de l'adolescenc­e.

Selon les chiffres de l’ISQ, 18,5 % des 15-17 ans ont consommé du cannabis au cours de l'année précédant l'enquête. Parmi eux, le taux de vapoteurs de cannabis est passé de 44 % en 2021 à 70 % en 2022. Ce bond de populari‐ té s’observe aussi chez les 1820 ans, mais de manière moins marquée : le taux est passé de 31 % en 2021 à 46 % en 2022 parmi les jeunes adultes déjà consommate­urs (31,7 % des 18-20 ans).

Dans une version précé‐ dente de ce texte, il était indi‐ qué que « la proportion de Québécois âgés de 15 à 17 ans ayant vapoté du cannabis était passée de 44 % en 2021 à 70 % en 2022 ». Ces chiffres ont été corrigés : 18,5 % des 15-17 ans ont consommé du cannabis en 2022, mais 70 % de ceux-ci ont utilisé une va‐ poteuse.

Si cette tendance préoc‐ cupe le Dr Chadi, elle ne le sur‐ prend pas. Dans le cadre de sa pratique, il rencontre beau‐ coup d’adolescent­s qui va‐ potent à la fois de la nicotine et du cannabis.

Or, plus le consommate­ur est jeune, plus les risques as‐ sociés à la consommati­on de cannabis sont élevés, met en garde le médecin. D'autant que les produits de vapotage ont souvent une forte teneur en THC, le composé chimique qui apporte la sensation d'eu‐ phorie, prévient-il.

Ces produits peuvent avoir des effets assez impor‐ tants sur le cerveau des ado‐ lescents, qui est en dévelop‐ pement, mais aussi sur la ré‐ gulation des émotions, le sommeil ou encore l’appétit.

Le Dr Nicholas Chadi, pé‐ diatre au CHU Sainte-Justine et chercheur spécialisé en toxicomani­e et en médecine de l'adolescenc­e

Sans oublier les probabili‐ tés de développer une dépen‐ dance à court ou à long terme, ajoute le pédiatre.

Si le vapotage de cannabis ne cesse de faire des adeptes, en fumer reste le mode de consommati­on le plus popu‐ laire au Québec, même s'il perd en popularité depuis la légalisati­on en 2018, indique aussi le rapport.

Environ 96 % des répon‐ dants consommate­urs de cannabis employaien­t cette méthode il y a quatre ans, comparativ­ement à 82 % l'an dernier.

Un marché laissé à luimême

L'ISQ constate par ailleurs que l'attrait du vapotage di‐ minue avec l'âge. La propor‐ tion de consommate­urs de 55 ans et plus ayant employé cette méthode était seule‐ ment de 9 % en 2022, contre 8 % en 2021.

Sur l'ensemble des consommate­urs de cannabis, le taux de vapotage est passé de 19 % en 2021 à 24 % en 2022. Et le taux varie très peu entre les hommes (24,1 %) et les femmes (23,9 %).

Pour Jean-Sébastien Fallu, professeur spécialisé en toxi‐ comanie à l’Université de Montréal, il ne faut pas s’éton‐ ner de voir le vapotage de cannabis séduire autant les jeunes même si l’âge légal pour en consommer est fixé à 21 ans au Québec.

On ne sait pas non plus ce qu’il y a dans ces produits, argue-t-il. À ses yeux, le gou‐ vernement doit envisager leur vente légale pour encadrer un marché laissé à lui-même et favoriser ainsi la qualité des produits en circulatio­n.

Même si les jeunes de moins de 21 ans n’y auront pas accès légalement, ils risquent d’avoir accès à des produits contrôlés plutôt qu'à ceux qui circulent présente‐ ment, fait valoir M. Fallu.

Marché noir et consom‐ mation

Moins de Québécois se sont tournés vers le marché noir pour acheter leur canna‐ bis en 2022, constate l’ISQ.

Quelque 11 % des consommate­urs ont fait ap‐ pel à un fournisseu­r illégal en 2021, contre 8 % en 2022.

Quant à l'âge moyen d’ini‐ tiation à la substance, il a légè‐ rement augmenté depuis la légalisati­on, passant de 15,9 ans en 2018 à 16,4 ans en 2022.

La consommati­on de can‐ nabis, toutes méthodes confondues, est restée relati‐ vement stable entre 2021 et 2022, passant de 20 % à 19 %.

Appel à la sensibilis­ation

La Société québécoise du cannabis (SQDC) – seul dé‐ taillant autorisé dans la pro‐ vince – n’offre présenteme­nt aucun produit de vapotage sur ses rayons. Cette décision s’appuie notamment sur une mise en garde de la Direction générale de la santé publique formulée en 2019 sur les risques de développer une maladie pulmonaire aiguë as‐ sociée au vapotage de canna‐ bis.

Pour le Dr Nicholas Chadi, un grand travail de sensibilis­a‐ tion et d’éducation doit être mené auprès du public, sur‐ tout chez les jeunes.

Il faut aller dans les écoles et les rejoindre là où ils se trouvent, sur les médias so‐ ciaux, pour les informer avec des sources qu’ils vont être capables d’assimiler.

Le Dr Nicholas Chadi, pé‐ diatre et chercheur spécialisé en toxicomani­e et en méde‐ cine de l'adolescenc­e

Le pédiatre appelle égale‐ ment les pouvoirs publics à revoir la loi et à sévir pour em‐ pêcher la circulatio­n de pro‐ duits illégaux, ce que réfute le professeur Fallu.

Renforcer la sensibilis­a‐ tion, oui, mais il ne faut sur‐ tout pas sanctionne­r les ado‐ lescents surpris en train de vapoter du cannabis, d’après lui. C'est un chemin vers plus de problèmes et de stigmati‐ sation, anticipe l'expert en toxicomani­e. On a joué dans ce film-là; ce n’est pas pour rien qu'on légalise le cannabis et plein d'autres drogues dans le monde.

Neuf adolescent­s sur dix âgés de 15 à 17 ans disent avoir été exposés à des mes‐ sages ou à des campagnes de sensibilis­ation concernant le cannabis au cours de l’année précédant le coup de sonde de l’ISQ, suivis par les 1820 ans (88 %) et les 21-24 ans (86 %).

Sollicité par Radio-Canada pour réagir à ces informa‐ tions, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a indiqué par courriel que le vapotage de cannabis chez les jeunes est un [problème] que le MSSS prend au sérieux et surveille étroitemen­t.

Il a par ailleurs souligné qu’après la légalisati­on du cannabis, Québec avait lancé une initiative pour contrer le trafic de stupéfiant­s. Le pro‐ gramme ACCES Cannabis (Ac‐ tions concertées pour contrer les économies souterrain­es) et les corps policiers ont me‐ né plusieurs centaines d’en‐ quêtes chaque année en ci‐ blant la production, la vente ou la distributi­on illégales de cannabis à l’intérieur de la province.

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