Radio-Canada Info

La lampe qui fait rêver

- Mélissa Pelletier

Yves Derosby a des pro‐ blèmes de sommeil depuis son jeune âge. Grutier de profession, il a travaillé de nuit une bonne partie de sa vie.

Je n'ai jamais été capable de récupérer de tout ça. Donc, j'ai eu des difficulté­s qui se sont accumulées. Je ne dors pas. J'ai une nuit de sommeil environ de 5 à 6 heures par nuit et ça, c’est quand ça va bien.

Il a tout essayé. Sa conjointe, Marielle Therriault, est inquiète pour sa santé. Elle s’est dit que le Helight pourrait peut-être aider. C'est une publicité que j'ai vue à la télévision [...]. J'en ai parlé à Yves. J'ai dit : "Peut-être que pour toi, ça serait une solu‐ tion".

Qu’est-ce que le Helight Sleep?

Le Helight Sleep est une in‐ vention munie d’une lumière rouge de 630 nanomètres qui prétend faciliter le sommeil. Breveté en France, mais conçu au Québec, il est vendu près de 140 $.

Nous avons apporté une lampe Helight Sleep à Yves Derosby afin qu’il l’essaie. Je pars avec un petit côté scep‐ tique, mais j'ai hâte de l'es‐ sayer. [...] La finalité, c'est que je veux dormir. Je veux savoir ce qu'est une nuit de sommeil profond. Ce que je ne connais pas.

Prétention­s d’Helight

Le marketing du Helight Sleep est accrocheur. Des per‐ sonnalités publiques comme l’animateur Richard Turcotte et l’humoriste Jérémy Demay appuient le produit. Sur son site web, les promesses du fa‐ bricant sont alléchante­s : Dor‐ mir mieux, plus rapidement et profondéme­nt, affirme l’en‐ treprise.

Elles ciblent les personnes ayant des problèmes de som‐ meil et, au Canada, il y en a beaucoup. Pour vérifier ces prétention­s, nous avons consulté quelques experts du sommeil.

Pour le docteur Chris‐ tophe Moderie, qui a fait sa maîtrise sur les effets de la lu‐ mière sur le sommeil, Helight s’avance sur un terrain glis‐ sant. Est-ce qu'on a des don‐ nées qui montrent que ça fa‐ vorise la relaxation, que ça fa‐ vorise le calme, l'endormisse‐ ment plus rapide aussi? Ce n'est pas le genre de choses qui ont été publiées de façon claire pour lesquelles on a des données et des protocoles ri‐ goureux. [...] Parce que lors‐ qu’on regarde la littératur­e scientifiq­ue, on n'a pas grandchose à cet effet, explique-t-il.

Quant aux deux artistes des publicités de Helight, Ri‐ chard Turcotte nous affirme qu’il est satisfait du produit, et Jérémy Demay n’a pas répon‐ du à nos questions.

Les études et la lumière rouge

Sur son site web, Helight réfère aussi à deux études ef‐ fectuées par la spécialist­e américaine du sommeil Maria‐ na Figueiro.

Nous lui avons parlé. Elle est professeur­e à l'École de médecine du Mount Sinai à New York. Nos études ne sou‐ tiennent certaineme­nt pas l'idée que la lumière rouge améliore le sommeil. Ce n'est pas ce que nous démontrons avec notre étude.

Surpris et étonnés par cette réponse, nous sommes allés à la boutique Helight de Montréal. Nous avons enre‐ gistré la conversati­on à l'aide d’une caméra cachée. Les ar‐ guments de vente vont beau‐ coup plus loin que les affirma‐ tions sur leur site web.

Nous apprenons que, se‐ lon la vendeuse, il y aurait beaucoup plus d’études sur la lumière rouge. Oui, sur la lu‐ mière rouge, il y en a au-des‐ sus de 4000. C'est révolution‐ naire, affirme-t-elle.

Nous avons aussi parlé à la spécialist­e du sommeil Véro‐ nique Daneault, associée de recherche au Centre d’études avancées en médecine du sommeil (CEAMS) de l’Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal. On est loin des milliers d’études sur la lumière rouge et le sommeil, et celles qui existent sont peu convain‐ cantes, selon la spécialist­e du sommeil. Ces études-là com‐ portent très peu de sujets et ils ont principale­ment regardé des mesures subjective­s du sommeil.

Une mesure subjective est une auto-évaluation du pa‐ tient avec un questionna­ire. Une mesure objective permet de mesurer la durée des diffé‐ rentes phases du sommeil avec des électrodes, par exemple.

Helight et la NASA

Helight affirme s'inspirer de la NASA pour l’élaboratio­n de son produit. Cet argument est celui qui fait le plus réagir les téléspecta­teurs à qui nous avons parlé. L’usage de la NA‐ SA dans le marketing de l’en‐ treprise n’est pas anodin, il frappe l’imaginaire.

Lors de notre visite, la ven‐ deuse a aussi déclaré : C'est basé sur des études de la NA‐ SA. [...] Même genre, même longueur d'onde.

Pour Christophe Moderie, la référence à la NASA laisse beaucoup de points d’interro‐ gation pour le consomma‐ teur.

C'est certain que le mot inspiré de la NASA, c'est quand même assez vague comme terme de dire : je vais m'inspirer de la lumière de quelqu'un d'autre ou d'un type de lumière. Mais qu'estce que ça veut dire? Est-ce que c'est dans la façon dont la lumière est produite? Est-ce que c'est dans la façon dont la lumière est émise? Est-ce que c'est dans l'intensité de la lu‐ mière?

Christophe Moderie, mé‐ decin résident en psychiatri­e et étudiant au doctorat en santé mentale, Université Mc‐ Gill

Selon les spécialist­es que nous avons consultés, aucune étude publiée par la NASA ne fait référence à une lumière qui a la même longueur d’onde que le Helight.

Nous avons écrit à un chercheur, Robert Soler, qui a travaillé sur l’éclairage de la Station spatiale internatio‐ nale. Il nous répond que les astronaute­s n’utilisent pas de lumière rouge pour dormir.

Helight répond

La vendeuse à qui nous avons parlé est Jasmine Le‐ beau. Elle est aussi la direc‐ trice du Centre Helight à Montréal. Nous l’avons ren‐ contrée, ainsi que Greg Bon‐ nier, vice-président d’Helight Canada.

Depuis notre entrevue, les études de Mme Figueiro ne sont plus sur le site de l’entre‐ prise.

Selon eux, leur appareil est efficace puisqu’ils se sont ap‐ puyés sur des études, mais aussi sur un taux de retour très faible de leurs clients. Seulement 4 % ont demandé un remboursem­ent étant donné leur politique de 30 jours d’essai, disent-ils.

Les dirigeants d’Helight sont convaincus que leur pro‐ duit fonctionne. Jasmine Le‐ beau souligne : On a plusieurs dizaines de milliers de per‐ sonnes qui témoignent tous les jours. On a des appels, on a des courriels sur à quel point ils s'endorment mieux. Il y en a qui ont arrêté leur médication.

Greg Bonnier renchérit : Mais finalement, en fin de compte, c'est la question que vous vous posez : "Est-ce que ça fonctionne?" Oui, ça fonc‐ tionne. On a 50 000 per‐ sonnes qui l'ont acheté.

Il précise que le Helight est sans danger, d'une innocuité totale, à un coût modique et

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