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Soudan : trois travailleu­rs humanitair­es et au moins 56 civils tués dans les combats

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Les victimes collatéral­es des affronteme­nts entre l’armée et les forces para‐ militaires se multiplien­t au Soudan. Après une journée de combats, au moins 56 ci‐ vils ont été tués et 600 bles‐ sés. L’Organisati­on des Na‐ tions unies (ONU) a égale‐ ment rapporté dimanche la mort de trois de ses tra‐ vailleurs humanitair­es qui oeuvraient pour le pro‐ gramme d’aide alimentair­e au Darfour.

Ils ont été tués en accom‐ plissant leur travail au Dar‐ four-Nord qui a fermé sa fron‐ tière en raison des violences, a indiqué par communiqué Volker Perthes, un représen‐ tant des Nations unies au Soudan.

Il a précisé que des bâti‐ ments humanitair­es ont été touchés et d'autres pillés au Darfour. L’ONU a par la suite annoncé la suspension tem‐ poraire de son programme ali‐ mentaire mondial (PAM) dans ce pays est-africain, le temps d'analyser l'évolution de la si‐ tuation sécuritair­e.

Toute perte de vie dans l'exercice humanitair­e est in‐ acceptable et je demande des mesures immédiates pour ga‐ rantir la sécurité de ceux qui sont encore présents, a décla‐ ré Cindy McCain, directrice du PAM, par communiqué.

Les travailleu­rs humani‐ taires sont neutres et ne de‐ vraient jamais être des cibles. Menacer nos équipes rend impossible de travailler en sé‐ curité.

Cindy McCain, directrice du PAM

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a fer‐ mement condamné la mort de civils et de travailleu­rs hu‐ manitaires au Soudan et a af‐ firmé que ceux qui en sont responsabl­es doivent être tra‐ duits en justice au plus tôt.

Ailleurs au pays, des di‐ zaines de combattant­s ont été fauchés par des balles, ro‐ quettes et autres projectile­s tirés à partir de chars et d’avions, selon ce que rap‐ portent des médecins prodé‐ mocratie.

Sur les réseaux sociaux, ceux-ci réclament de l’aide, la mise en place de couloirs sé‐ curisés pour laisser passer les ambulances ainsi qu’un ces‐ sez-le-feu pour soigner les nombreuses victimes. La ma‐ jorité d’entre elles ont été re‐ censées à Khartoum, la capi‐ tale du pays.

L'armée et les paramili‐ taires ont finalement annon‐ cé l'ouverture de couloirs hu‐ manitaires pour une durée de trois heures dimanche afin d'évacuer les blessés. Les deux camps se gardent toute‐ fois un droit de riposte en cas de violation de l'accord.

Une lutte pour le pou‐ voir

Les combats opposant l’ar‐ mée et les forces paramili‐ taires, qui répondent à deux généraux en pleine lutte pour le pouvoir au Soudan, ont dé‐ buté samedi.

Depuis des semaines, le ton montait entre le général Abdel Fattah al-Burhane, qui est le chef de l'armée, et le gé‐ néral Mohamed Hamdane Daglo, aussi appelé Hemedti, qui est à la tête des Forces de soutien rapide (FSR). Les deux hommes sont aux com‐ mandes du pays depuis le coup d’État d’octobre 2021, qui a mis fin à la transition dé‐ mocratique amorcée en 2019.

Les tensions toujours plus vives entre les deux généraux rendaient difficile, voire im‐ possible, tout règlement poli‐ tique dans ce pays déchiré par 30 ans de dictature.

Hemedti et ses hommes, des milliers d'ex-miliciens de la guerre du Darfour devenus supplétifs officiels des troupes régulières, sont fina‐ lement passés à l’attaque. De‐ puis 24 heures, ils tentent de prendre le contrôle des princi‐ paux centres de pouvoir du pays, à Khartoum.

Pour le moment, il est tou‐ tefois difficile de savoir qui de l’armée et des FSR est vérita‐ blement aux commandes.

Les FSR ont annoncé avoir pris le contrôle de l'aéroport en quelques heures samedi, mais l'armée a démenti. Les paramilita­ires ont aussi affir‐ mé s’être emparés du palais présidenti­el, ce que l’armée a également nié. Les troupes de Hemedti assurent pour leur part être en contrôle du quar‐ tier général de son état-major.

Par ailleurs, les deux camps disent contrôler la télé‐ vision d’État. Autour des ins‐ tallations du média, des habi‐ tants rapportent des combats continus. À l’antenne, seuls des chants patriotiqu­es sont diffusés, comme ce fut le cas lors du putsch de 2021.

La guerre ouverte entre les généraux est aussi média‐ tique. Samedi, Hemedti a ac‐ cordé plusieurs entrevues aux chaînes de télévision du Golfe, dont plusieurs États sont ses alliés, et a multiplié les at‐ taques contre son rival. Il a ré‐ clamé sans relâche le départ de Burhane le criminel.

De son côté, l’armée a pu‐ blié sur Facebook un avis de recherche contre Hemedti, criminel en fuite.

Pendant ce temps, les combats se poursuiven­t sans faiblir aux quatre coins du Soudan, qui rassemblen­t 45 millions d'habitants. Nombre d’entre eux se terrent pour échapper aux tirs de fusil et aux attaques menées à l’aide d’artillerie lourde et d’avions de combat.

Partout dans la capitale soudanaise, des hommes ar‐ més, en uniforme, déam‐ bulent dans les rues désertes et des colonnes de fumée s'élèvent du centre-ville, où se trouvent les principale­s insti‐ tutions.

La nuit a été très dure. On n'a pas dormi à cause des bruits d'explosions et de tirs, a raconté à l’AFP Ahmed Seif, qui vit avec sa femme et leurs trois enfants dans l'est de Khartoum. Il redoute que son immeuble ait été touché, mais dit avoir peur de sortir véri‐ fier, par crainte des balles per‐ dues et des hommes armés qui sillonnent les rues.

Les bombardeme­nts continuent dimanche dans la capitale, qui est envahie par une forte odeur de poudre. Les militaires avaient d’ailleurs prévenu sur Facebook que l'armée de l'air mèneraient des opérations pour en finir avec les milices rebelles du Soutien rapide, et que les ci‐ vils devaient rester chez eux.

De son côté, la commu‐ nauté internatio­nale multiplie en vain les appels à un cessezle-feu. Pékin s’est joint à Wa‐ shington et à Moscou en de‐ mandant un retour au calme, tout comme l’avaient déjà fait l’ONU, la Ligue arabe et l'Union africaine. Le pape a quant à lui invité à prier pour que les armes soient aban‐ données.

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a ap‐ pelé les deux généraux saou‐ diens pour réclamer un arrêt immédiat de la violence. Il a également exhorté le pré‐ sident égyptien Abdel Fattah al-Sissi, un acteur influent au Soudan, à agir. Depuis same‐ di, l’Égypte s'inquiète d'une vi‐ déo montrant plusieurs de ses soldats aux mains des FSR.

La Ligue arabe et l'Union africaine, où siègent de grands parrains de la poli‐ tique soudanaise, se sont réunies d'urgence dimanche matin. Le chef de la commis‐ sion de l'Union africaine, Moussa Faki Mahamat, se rendra au Soudan dans la journée pour tenter d'enga‐ ger « les parties dans un ces‐ sez-le-feu ».

Exprimant sa profonde in‐ quiétude, l'Union africaine a appelé les forces des deux gé‐ néraux soudanais à protéger les civils.

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