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La capacité militaire du Canada critiquée dans un document du Pentagone

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Le premier ministre Justin Trudeau aurait informé en privé des dirigeants de l’OTAN que le Canada ne pourra pas respecter la cible de financemen­t de 2 % du PIB fixée pour tous les partenaire­s de l’Al‐ liance, a révélé le Washing‐ ton Post à la suite d’une fuite du Pentagone.

Dans le document obtenu par le média américain, les au‐ teurs anonymes affirment que les déficience­s générali‐ sées de l’appareil militaire ca‐ nadien causent du tort à ses alliés et à ses partenaire­s de sécurité.

Le manque chronique de ressources à la Défense natio‐ nale au Canada aurait convaincu les Forces armées canadienne­s de renoncer à mener des opérations ma‐ jeures pendant qu’elles di‐ rigent le groupement tactique de l'OTAN en Lettonie et qu’elles maintienne­nt l’aide à l’Ukraine. On mentionne éga‐ lement que la situation de la défense canadienne ne serait pas sur le point de changer.

Piqué dans son orgueil, le ministère canadien de la Dé‐ fense nationale a rappelé l’im‐ portance de sa contributi­on à l’OTAN, sans toutefois nier les informatio­ns rapportées par le Washington Post.

Le Canada est un membre fondateur de l'OTAN et son budget de défense est le sixième en importance parmi les membres de l'Alliance. Notre engagement en faveur de la sécurité euro-atlantique et mondiale est inébranlab­le, et nous continuons à faire des investisse­ments importants pour équiper nos forces ar‐ mées, a déclaré Daniel Min‐ den, porte-parole de la mi‐ nistre Anita Anand, dans un courriel à Radio-Canada.

Le Pentagone reproche entre autres à Ottawa de ne pas avoir modernisé son ap‐ pareil militaire.

En guise de réponse,

M. Minden a rappelé que le Canada est en voie d’acquérir une nouvelle flotte de 88 avions de combat F-35, d’une valeur de 19 milliards de dollars, et que le pays investit 38,6 milliards pour moderni‐ ser ses capacités dans le cadre du NORAD. Le Canada s’est également engagé à fournir un milliard de dollars supplé‐ mentaires en aide militaire à l’Ukraine.

Le Canada continuera d'accroître sa capacité mili‐ taire afin de relever les défis du monde d'aujourd'hui. Dans l'ensemble, la politique de défense du Canada aug‐ mente nos dépenses de dé‐ fense de plus de 70 % entre 2017 et 2026. Nous avons éga‐ lement annoncé 8 milliards de dollars en dépenses militaires supplément­aires dans le bud‐ get 2022, a ajouté Daniel Min‐ den.

Il précise toutefois que le Canada procède actuelleme­nt à une mise à jour de sa poli‐ tique de défense, afin d'ac‐ croître l'état de préparatio­n, la résilience et la pertinence des Forces armées canadienne­s.

Inquiétude et déception

Le document issu du Pentagone, dont Radio-Cana‐ da n’a pu obtenir copie, in‐ dique que l’inquiétude et la déception quant à l’implica‐ tion militaire du Canada sont partagées par d'autres parte‐ naires internatio­naux.

L’Allemagne craindrait que le Canada ne puisse pas main‐ tenir son aide à l’Ukraine tout en répondant aux exigences de l’OTAN en matière de dé‐ fense. De son côté, la Turquie serait déçue par le refus des militaires canadiens d’aider au transport humanitair­e à la suite du terrible tremblemen­t de terre qui a secoué le pays

en février dernier.

Haïti serait aussi frustré par la réticence du Canada à mener une mission interna‐ tionale dans son pays, qui est secoué par une violente crise politique et humanitair­e.

Avec la guerre en Ukraine et les menaces grandissan­tes à la sécurité internatio­nale, l’OTAN avait augmenté à 2 % du PIB la contributi­on des pays membres. Selon le secré‐ taire général de l'Alliance, Jens Stoltenber­g, cette nouvelle norme deviendra bientôt une condition minimale et non un plafond d’investisse­ment pour les 31 pays membres.

Au cours des 26 dernières années, les dépenses mili‐ taires du Canada n'ont pas ex‐ cédé 1,4 % du produit inté‐ rieur brut. En mars, un rap‐ port de l’OTAN signalait que les dépenses du Canada en matière de défense étaient de 1,29 % de son PIB lors de l’exercice financier 2022-2023.

En plus d’être alliés à l’OTAN, le Canada et les ÉtatsUnis collaboren­t à la défense du continent nord-américain au sein du NORAD. Depuis plusieurs années, Washington presse Ottawa d'augmenter ses dépenses pour assurer la défense du territoire contre la menace posée par la Russie et la Chine.

En début de semaine, 60 personnali­tés politiques et militaires influentes au Cana‐ da ont signé une lettre exhor‐ tant le gouverneme­nt Tru‐ deau à prendre la sécurité na‐ tionale plus au sérieux et à ré‐ investir dans la défense.

Une tendance difficile à changer

Selon Stéphane Roussel, professeur titulaire à l’ENAP, il serait très étonnant que le gouverneme­nt canadien choi‐ sisse de revoir ses priorités en matière de défense.

Au Canada, depuis 1988, les dépenses militaires sont en deçà du seuil de 2 %. Chan‐ ger cette tendance-là sera ex‐ trêmement difficile et extrê‐ mement coûteux, a-t-il expli‐ qué en entrevue à l'émission L'heure du monde.

Même s'il en avait la volon‐ té, Ottawa n’aurait tout sim‐ plement pas l’appui de la po‐ pulation pour opérer un tel changement de cap.

L’obstacle structurel de fond, c'est que les Canadiens, en tant que société, ne se sentent pas menacés. [Le pays] n’a pas une histoire d’in‐ vasion, d’occupation, de des‐ truction, rappelle Stéphane Roussel. Dans l’opinion pu‐ blique, il n’y a pas un grand appétit pour ça. Il n’y a pas non plus au Canada une grande tradition militaire qui fait de cette institutio­n-là quelque chose de très presti‐ gieux.

Depuis le début de la Confédérat­ion canadienne, le fait d'avoir des forces armées sous-équipées, en manque de personnel et de budget, c’est normal en temps de paix, poursuit-il. C’est donc difficile de vendre à la population ca‐ nadienne [l'idée] qu’on a be‐ soin d’un gros budget pour la défense.

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