Le privé en santé doit ouvrir ses livres, exige la Vérificatrice générale du Québec
Daniel Boily, Davide Gentile La Vérificatrice générale du Québec (VG) demande au ministre Dubé de clari‐ fier le projet de loi 15 afin que ses équipes n’aient plus à recourir aux tribu‐ naux pour suivre l’argent versé au privé.
Lors de ses remarques préliminaires à l’étude de son projet de loi mammouth sur l’efficacité en santé, le ministre Christian Dubé n’a pas caché que les 1000 articles du projet pouvaient paraître impo‐ sants, épeurants.
Or, la Vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leblanc, a clairement identifié les ar‐ ticles d’intérêt afin que ses équipes puissent avoir les coudées franches pour suivre les dizaines de milliards de dollars dépensés en santé, notamment au privé.
J’ai de très grandes préoc‐ cupations quant à mon pos‐ sible accès aux installations des établissements privés, à leurs états financiers ou à tout document que je jugerais nécessaire de vérifier, a-t-elle affirmé lors de sa présenta‐ tion.
La Vérificatrice générale donne l’exemple d’un litige avec trois entreprises ambu‐ lancières privées, depuis 2020, qui lui refusent l’accès aux do‐ cuments en dépit des contrats de 360 millions de dollars octroyés par le réseau de la santé.
Le ministre Dubé s’est dit sensible aux propos de la Vé‐ rificatrice générale et promis d’intervenir si nécessaire lors du renouvellement des contrats.
Comme l’a précisé la VG lors d’un échange avec le dé‐ puté solidaire Vincent Maris‐ sal, c'est un enjeu qui est im‐ portant pour nous le fait qu’on interprète notre loi de façon restrictive pour ces en‐ treprises privées là qui des‐ servent la population de ma‐ nière très importantes.
Lorsqu’on parle de cli‐ niques, ou de salles opéra‐ tions, qu’on parle d’ambu‐ lance, c’est important que la performance soit au niveau des sommes qui leur sont ver‐ sées et des ententes qui ont été conclues et ça on n’est pas en mesure de le faire sans al‐ ler vers un litige
Guylaine Leclerc, vérifica‐ trice générale du Québec
Au député péquiste Joël Arseneau, elle a rappelé qu’à l'heure actuelle, la Loi sur le vérificateur général l’autorise à effectuer un audit à l’égard des organismes recevant des subventions, ainsi que des or‐ ganismes dont 50 % des reve‐ nus proviennent des fonds publics et dont la majorité des membres de leur conseil d’ad‐ ministration sont nommés par le gouvernement ou par une entité publique.
Mme Leblanc a énuméré de nombreux exemples de liens avec le privé, que ce soit les groupes de médecine fa‐ milaile (GMF), les cliniques de chirurgie privées, les chsld pri‐ vés conventionnés, les res‐ sources intermédiaires.
Cette intervention sur‐ vient au moment où Québec veut accentuer le recours au privé en santé, notamment par les chirurgies et l’ouver‐ ture de deux mini-hôpitaux.
Non à la co-audition de Santé Québec
La vérificatrice générale, Guylaine Leblanc, a égale‐ ment pointé du doigt l’article 105 du projet loi visant à ce que les états financiers de Santé Québec soient exami‐ nés par le Vérificateur général et un auditeur privé.
Ce point me préoccupe grandement, a-t-elle insisté. Il s’agit d’une première pour une entité qui n’a pas de vo‐ cation commerciale, comme c’est le cas par exemple pour Hydro-Québec ou la Société
des alcools.
Je veux vous expliquer que je suis très sensible à votre demande que vous soyez le vérificateur unique, a men‐ tionné le ministre Dubé. La raison pour laquelle ça été présenté comme ça, peut-être à tort, c’était de dire elle en a déjà beaucoup, est-ce qu’on lui en rajoute pas trop!
Le député solidaire, Vincent Marissal, s’est dit sidé‐ ré que vous demandiez d'être l’auditrice unique pour une société, qu’on est en train de créer, qui gérera 40 milliards de dollars sous prétexte de ne voulait pas vous accabler.
Conventions collec‐ tives : Michel Clair prône la fin du mur à mur
Élu dans le gouvernement péquiste de 1976, Michel Clair a rédigé un rapport sur le ré‐ seau de la santé il y a plus de 20 ans. Il appuie l’idée de prio‐ riser la compétence comme critère d’embauche par rap‐ port à l’ancienneté. M. Clair pense également qu’il faut donner à chaque région la flexibilité nécessaire pour ré‐ pondre aux besoins locaux.
Si on veut favoriser des so‐ lutions locales, il faut sortir des conventions collectives mur à mur
Michel Clair, ancien mi‐ nistre de la Santé du Québec
Et l'ex-politicien met en garde le gouvernement contre les périls d’une nou‐ velle vague de centralisation. Ce qu’il qualifie de spirale cen‐ tralisatrice depuis 20 ans au‐ rait contribué à démotiver les soignants du réseau de la san‐ té québécois.
Michel Clair prône donc une reddition de comptes lo‐ cale compréhensible pour les citoyens. Et selon lui, ces com‐ munautés doivent avoir leur mot à dire quant à l’organisa‐ tion des services. Ce qui passe par la capacité de communi‐ quer directement avec les di‐ rections d’établissements.
La transparence dans les résultats doit remplacer l’opa‐ cité nationale, conclut-il.