Radio-Canada Info

L’évacuation des étrangers s’accélère au Soudan, où les combats ne dérougisse­nt pas

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Rien ne va plus au Soudan. Les évacuation­s d'étran‐ gers se sont poursuivie­s lundi, neuvième jour de combats meurtriers pour le pouvoir entre l'armée gouverneme­ntale et les forces paramilita­ires, alors que rien ne laisse croire à une sortie de crise dans l’immédiat.

Contre toute attente, lundi après-midi, le secrétaire d'État américain Antony Blinken a annoncé que les belligéran­ts ont finalement accepté un cessez-le-feu national de 72 heures qui sera effectif à partir de minuit. Cela devrait stabiliser quelque peu la si‐ tuation et offrir une chance aux ressortiss­ants et au Sou‐ danais qui fuient les combats de gagner des zones plus sûres.

Plusieurs pays, dont le Ca‐ nada, conseillen­t à leurs res‐ sortissant­s d'évacuer le Sou‐ dan. Lors d'une rencontre lundi avec le président alle‐ mand, Frank-Walter Stein‐ meier, le premier ministre Jus‐ tin Trudeau a déclaré qu'au moins 58 Canadiens ont été évacués du Soudan à bord d'un avion allemand.

Le premier ministre cana‐ dien a ajouté qu'un avion C17 canadien est dans la région et sera présent très tôt sur le théâtre des opérations.

En attendant, Ottawa re‐ commande aux ressortiss­ants canadiens toujours sur place de rester à l'abri dans un en‐ droit sécuritair­e jusqu’à ce que la situation se stabilise.

La ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly a pour sa part indiqué qu'Af‐ faires mondiales Canada es‐ saie de contacter tous les Ca‐ nadiens au Soudan qui se sont inscrits auprès du gou‐ vernement.

Près de 1600 Canadiens étaient officielle­ment inscrits au Soudan samedi, mais les experts estiment que le nombre de Canadiens dans ce pays est probableme­nt beau‐ coup plus élevé.

Alors que le chaos s’installe à la faveur des combats entre l'armée régulière et les para‐ militaires dans la capitale et dans d’autres villes, l'ambas‐ sade canadienne à Khartoum a temporaire­ment suspendu ses activités. Des diplomates canadiens ont aussi été éva‐ cués dimanche par des com‐ mandos de la marine améri‐ caine, rapporte le New York Times.

Quelques heures plus tard, raconte le quotidien améri‐ cain, un convoi des Nations unies a commencé à sortir de la ville en serpentant vers Port-Soudan, sur la mer Rouge, tandis que les diplo‐ mates britanniqu­es et fran‐ çais étaient escortés jusqu'à un aérodrome situé à l'exté‐ rieur de la ville, où des avionscarg­os militaires les atten‐ daient.

D'autres groupes se sont dirigés vers Qadarif, une pe‐ tite ville proche de la frontière avec l'Éthiopie, et un bateau affrété par l'Arabie saoudite a transporté ses diplomates en fuite de l'autre côté de la mer Rouge.

Par ailleurs, plus de 1000 ressortiss­ants de l'Union européenne ont été évacués, a indiqué le chef de la diplo‐ matie européenne, Josep Bor‐ rell, en évoquant une opéra‐ tion complexe.

La plupart des étrangers évacués sont des membres du personnel diplomatiq­ue. De nombreux ressortiss­ants attendent toujours une place dans les longs convois de voi‐ tures blanches ou dans les bus siglés qui partent en continu vers Port-Soudan ou vers des bases aériennes hors de Khartoum.

Les combats n'ont jamais cessé à Karthoum depuis le 15 avril alors que le pays s'en‐ fonce dans la guerre civile, ce qui force des milliers d'habi‐ tants à fuir les bombarde‐ ments, les raids aériens et les échanges de tirs. Souvent pri‐ vés d'eau potable, d'électricit­é et de nourriture, ceux qui dé‐ cident de rester chez eux sont promis à un sort guère plus enviable.

Les violences ont déjà fait plus de 420 morts et 3700 blessés dans ce pays du nord-est de l'Afrique, selon l'Organisati­on mondiale de la santé (OMS). Les violences se concentren­t principale­ment dans la capitale, Khartoum, et dans le Darfour, dans l'ouest du pays.

Colère

Certains Soudanais, en co‐ lère et abandonnés, s’en sont

pris dimanche aux négocia‐ teurs occidentau­x, qu'ils tiennent pour responsabl­es de l'échec des pourparler­s po‐ litiques censés conduire à un régime civil.

Pour beaucoup de Souda‐ nais, les responsabl­es étran‐ gers sont allés trop loin en se montrant complaisan­ts avec les généraux rivaux, les trai‐ tant presque comme des hommes d'État, alors que les deux hommes ont pris le pou‐ voir à la suite d'un coup d'État et ont un long passé d'abus et de tromperies.

Certains Soudanais craignent que le départ des diplomates étrangers ne per‐ mette un tournant encore plus brutal dans les affaires du pays.

Vous nous avez mis dans ce pétrin et maintenant vous arrivez pour prendre vos proches [ceux qui comptent] et pour nous abandonner à ces deux psychopath­es meur‐ triers.

Dallia Mohamed Abdelmo‐ niem, ancien journalist­e et commentate­ur soudanais

Des milliers de Soudanais ont déjà fui en Égypte, au Soudan du Sud et au Tchad, frontalier du Darfour. Cette région de l'ouest, la plus pauvre du pays, a été ravagée dans les années 2000 par une sanglante guerre ordonnée par le dictateur Omar El-Bé‐ chir, déchu en 2019, et menée notamment par les miliciens djandjawid­s, le gros des troupes du général Daglo au‐ jourd'hui.

Aujourd'hui, alors que per‐ sonne n'y a accès, cette ré‐ gion est de nouveau en proie aux pillages, aux attaques et aux atrocités.

Le Programme alimentair­e mondial (PAM) rapporte ainsi que 10 véhicules et six ca‐ mions de nourriture ont été volés, soit 4000 mètres cubes d'aliments qui n'iront pas aux 45 millions de Soudanais, dont plus d'un sur trois souf‐ frait de la faim avant le confit actuel.

Celui-ci a dégénéré en guerre samedi, mais il couvait en réalité depuis des se‐ maines entre les deux géné‐ raux. Alliés pour le putsch de 2021, ils ne sont pas parve‐ nus à s'entendre sur l'intégra‐ tion des paramilita­ires des Forces de soutien rapide (FSR) aux troupes régulières.

Sur le plan militaire, avec les deux camps engagés dans une guerre de l'informatio­n, il est impossible de savoir qui contrôle les institutio­ns du pays ou les aéroports et dans quel état se trouvent les infra‐ structures.

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