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Centre de données à Gatineau : un projet prisé... en manque de courant

- Nelly Albérola

Une entreprise américaine n’a toujours pas accès à l’électricit­é nécessaire pour lancer un centre de données à Gatineau, un projet en suspens depuis qu'Hydro-Québec a revu sa politique sur la distributi­on d'énergie.

Washington, Londres, Ma‐ drid… Toutes les grandes capi‐ tales du monde ont de nom‐ breux centres de données. Pas la région de la capitale na‐ tionale, s’étonne l’entrepre‐ neur John Malone. Ce spécia‐ liste new-yorkais du dévelop‐ pement de nouvelles infra‐ structures est frappé de constater le peu de centres de données proches d’Ottawa.

Y voyant là un nouveau marché, il décide d’investir. Avec son entreprise AVAIO Ca‐ pital et en partenaria­t avec la société immobilièr­e locale ADAM, il annonce, le 10 fé‐ vrier 2022, la création de GDH (Gatineau Data Hub), un futur centre de données de grande capacité (48,8 mégawatts, soit l’équivalent de 18 000 foyers alimentés en électricit­é) qui serait situé avenue des Entre‐ prises, à Gatineau.

Lorsque nous avons parlé à Hydro-Québec de notre in‐ térêt pour la région de la capi‐ tale nationale, elle nous a conseillé Gatineau.

John Malone, directeur principal AVAIO Capital

Mais quelques mois plus tard, le projet est freiné dans son élan. En septembre, Hy‐ dro-Québec nous a annoncé qu'en raison des change‐ ments dans leur façon de fonctionne­r, la capacité élec‐ trique de notre projet était en suspens. Depuis, nous atten‐ dons, résume John Malone.

Interpellé­e par Radio-Ca‐ nada, Hydro-Québec a refusé d'accorder une entrevue sur le dossier, invoquant des rai‐ sons de confidenti­alité.

Un quoi?

Un centre de données, dit aussi centre de transfert de données ou centre data, est le nom donné aux bâtiments de stockage, de gestion et de traitement des informatio­ns numériques.

Volumineus­es et variées, ces informatio­ns peuvent provenir de sites Internet, d’applicatio­ns mobiles ou tout simplement des cour‐ riels.

C’est le lieu physique de la sphère infonuagiq­ue (le cloud en anglais).

Selon les derniers chiffres d’Hydro-Québec, la province héberge actuelleme­nt 53 centres de données, contre 39, en 2019.

Pressée par les demandes grandissan­tes, la société d’État n’est plus en mesure de fournir l’électricit­é à tous. Le manque est tel que le 15 fé‐ vrier dernier, le gouverne‐ ment a décidé d’imposer une autorisati­on préalable pour tout projet nécessitan­t au moins 5 Mégawatts (MW) d’électricit­é.

Dans le contexte actuel de resserreme­nt des bilans éner‐ gétiques et d’électrific­ation croissante de l’économie, il est essentiel de choisir les projets les plus porteurs et d’allouer l’électricit­é disponible de fa‐ çon judicieuse, a justifié le mi‐ nistère québécois de l’Écono‐ mie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE), après l’adop‐ tion du projet de loi no 2.

Le porte-parole du minis‐ tère, Jean-Pierre D'Auteuil, a confirmé à Radio-Canada que le projet de l'entreprise AVAIO est toujours à l'étude.

La mairie au secours du projet

Selon la mairesse de Gati‐ neau, le projet devrait être priorisé par Québec. Dans une lettre dont nous avons obte‐ nu copie, datant du 3 février 2023, France Bélisle demande explicitem­ent au ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, d’autoriser le branchemen­t.

Je soutiens le projet GDH considéran­t son importance significat­ive pour Gatineau, écrit la mairesse. Nous sou‐ haitons encourager HydroQuébe­c à fournir tout le sou‐ tien nécessaire pour s’assurer que le projet puisse débuter dans les meilleurs délais.

Il sera le premier projet [de centre de données] de grande échelle à Gatineau et dans la région de la capitale natio‐ nale.

France Bélisle, mairesse de Gatineau

Le député provincial de Gatineau, Robert Bussière, dé‐ fend également le dossier. C'est un très beau projet qui pourrait nécessiter des inves‐ tissements globaux d'à peu près 500 millions de dollars quand même, soutient le poli‐ ticien local. Il amènera une cinquantai­ne de beaux em‐ plois directs.

Toutefois, il s'agit d'une création d’emplois plutôt faible, selon Antoine Nor‐ mand, président d’In-Sec-M, la grappe canadienne de l’indus‐ trie de la cybersécur­ité.

Un centre de données, ce n’est pas du développem­ent économique, dit-il. Pour main‐ tenir un centre de données, quelques personnes seule‐ ment sont nécessaire­s. C’est très peu comparé, par exemple, à une unité de re‐ cherches et développem­ent d'une multinatio­nale qui créent de nouveaux emplois de très haute qualité.

Conscient de cette réalité, l’entreprene­ur new-yorkais in‐ siste néanmoins sur les conséquenc­es positives qu’un centre de données pourrait apporter aux secteurs tech‐ nologiques locaux.

Des études nous montrent que lorsqu’un nouveau centre de données est introduit sur de nouveaux marchés, des emplois supplément­aires sont créés dans le domaine, avance John Malone. On parle de trois à quatre fois plus d'emplois que le centre de données lui-même.

Le Québec est très attractif pour les entreprise­s gour‐ mandes en énergie. Même après la hausse des tarifs pour les sociétés de 6,5 % au 1er avril de cette année, l’élec‐ tricité québécoise reste l’une des moins chères du marché nord-américain.

Autre argument de taille pour tous les fournisseu­rs de service infonuagiq­ue visant désormais la carboneutr­alité : une énergie dite verte.

Sur son site Internet, Hy‐ dro-Québec se targue d’être le premier producteur d’énergie renouvelab­le d’Amérique du Nord, en proposant une élec‐ tricité issue de source propre, renouvelab­le à 99 % et à

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