Radio-Canada Info

L’ancien patron de la filière batterie bloqué chez Investisse­ment Québec

- Olivier Bourque

L’arrivée chez General Mo‐ tors de l’ancien directeur de la filière batterie au Québec, Simon Thibault, continue de susciter un malaise. Son ancien em‐ ployeur, Investisse­ment Québec (IQ), vient tout juste d’émettre une direc‐ tive pour interdire aux an‐ ciens collègues de M. Thi‐ bault de discuter avec lui de dossiers liés à la filière batterie, a appris Radio-Ca‐ nada.

M. Thibault a été cadre pendant deux ans à IQ et di‐ recteur de cette importante filière durant un an. Il a quitté son poste au cours des der‐ nières semaines, faisant le saut du public au privé.

Il y a une semaine, Simon Thibault a confirmé sur le ré‐ seau LinkedIn son nouvel em‐ ploi de conseiller chez GM, qui lui permettra de soutenir les projets de développem­ent de cette entreprise au Québec.

Le fabricant américain tente d’obtenir du finance‐ ment de la part des gouverne‐ ments fédéral et provincial pour construire son usine à Bécancour.

Afin de pouvoir solliciter des fonds publics, Simon Thi‐ bault s’est inscrit au registre des lobbyistes au cours des dernières semaines, une infor‐ mation rapportée en premier par Le Journal de Montréal.

Selon le mandat en cours,

M. Thibault doit amorcer des discussion­s liées au finance‐ ment (subvention­s, prêts ou autres) pour soutenir la constructi­on d'une nouvelle installati­on de matériaux ac‐ tifs cathodique­s à Bécancour.

Le financemen­t servirait, entre autres, à l’embauche de personnel et aux coûts de constructi­on du projet, est-il écrit dans le registre.

Quatre organisati­ons sont visées : Investisse­ment Qué‐ bec, le ministère de l’Écono‐ mie et de l’Innovation, le mi‐ nistère de l’Environnem­ent et la Ville de Bécancour.

Il prend contact avec ses anciens collègues

Interrogé par Radio-Cana‐ da, Lobbyisme Québec a confirmé que cet ancien direc‐ teur chez Investisse­ment Québec respecte la loi et peut agir comme lobbyiste, même s’il vient tout juste de quitter son poste et qu'il détient des informatio­ns stratégiqu­es sur le secteur des batteries.

M. Thibault ne peut toute‐ fois pas divulguer des rensei‐ gnements confidenti­els et donner des conseils fondés sur des renseignem­ents non accessible­s au public et obte‐ nus dans le cadre de ses fonc‐ tions.

Il ne peut pas non plus ti‐ rer un avantage indu de la fonction occupée antérieure‐ ment, est-il écrit dans les règles d’après-mandat.

Selon nos informatio­ns, M. Thibault n'a pas perdu de temps et a tenté de contacter des employés d’Investisse‐ ment Québec au cours des derniers jours, notamment d'anciens collègues qu’il connaissai­t bien, ce qui a créé un malaise au sein de la socié‐ té d’État.

En effet, s’il a le feu vert pour agir comme lobbyiste, le code d’éthique du bras finan‐ cier du gouverneme­nt du Québec limite la portée de ses actions.

Les employés d’IQ ne peuvent pas lui parler

Ce code d’éthique interdit à tout ex-dirigeant, dans l’an‐ née suivant la fin de ses fonc‐ tions, d’agir au nom d’un tiers dans une procédure, négocia‐ tion ou opération à laquelle la Société ou la filiale concernée est partie et sur laquelle il dé‐ tient de l’informatio­n non dis‐ ponible au public.

Investisse­ment Québec a confirmé à Radio-Canada qu’une directive a été com‐ muniquée aux employés ainsi qu’à M. Thibault.

Conforméme­nt au code d’éthique de la société d’État, les employés d’Investisse‐ ment Québec ont l’obligation de ne pas discuter avec M. Thibault sur des dossiers de clients avec qui il avait des rapports importants pour une période d’un an suivant son départ d’IQ, a souligné la porte-parole Isabelle Fontaine dans un courriel.

M. Thibault n'a pas souhai‐ té répondre à nos questions.

Cette directive survient au moment où GM doit commu‐ niquer son plan de dévelop‐ pement au gouverneme­nt ca‐ quiste et s’attend à une aide financière substantie­lle. Qué‐ bec veut investir au cours des prochaines années dans le dé‐ veloppemen­t de la filière bat‐ terie, une industrie jugée pro‐ metteuse.

La concurrenc­e demeure vive dans ce secteur. La se‐ maine dernière, le construc‐ teur Volkswagen a fait sauter la cagnotte et obtiendra entre 8 et 13 milliards de dollars du fédéral pour son usine située à St. Thomas, en Ontario, qui produira jusqu’à 1 million de véhicules électrique­s par an‐ née.

GM et son partenaire Pos‐ co ont un projet plus mo‐ deste au Québec. Le projet d’usine est évalué à 500 mil‐ lions de dollars. On y produira des cathodes, un matériel ac‐ tif utilisé dans les batteries.

Le déploiemen­t se pour‐ suit

Selon une source gouver‐ nementale, les restrictio­ns en‐ tourant M. Thibault ne vont pas ralentir le développem­ent de GM au Québec.

On n’a pas besoin de Si‐ mon Thibault pour négocier avec GM, nous a affirmé cette source.

Investisse­ment Québec in‐ siste sur le fait que le déploie‐ ment du plan se poursuit comme prévu.

La création d’une filière batterie au Québec est une priorité pour Investisse­ment Québec, souligne Mme Fon‐ taine, ajoutant que plusieurs employés sont impliqués dans ce dossier.

Le gouverneme­nt ambi‐ tionne de créer une Silicon Valley de la batterie automo‐ bile dans le Centre-du-Qué‐ bec. Environ 10 000 employés pourraient travailler dans cette zone.

Le cabinet du ministre de l’Économie et de l’Innovation (MEI), Pierre Fitzgibbon, n’a pas voulu commenter le dos‐ sier entourant M. Thibault. Il a été impossible de savoir si ce dernier a tenté des approches auprès du MEI.

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