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À l’hôpital, en attente d'une place en foyer, elle revoit enfin ses petites-filles

- René Landry

Lucienne Noël vit une si‐ tuation que tant de per‐ sonnes âgées au NouveauBru­nswick partagent : elle prend son mal en patience dans un lit d'hôpital, en at‐ tentant qu'une place dans un foyer de soins se libère.

À Pâques, les deux fillettes, accompagné­es par leur mère, Cathy Noël, avaient tenté de rendre visite à madame Noël à l'hôpital pour aussi lui ap‐ porter des chocolats, mais sans succès.

Le Réseau de santé Vitalité avait expliqué que seuls les enfants de 12 ans et plus, ac‐ compagnés d'un adulte, pou‐ vaient être des visiteurs pour éviter la propagatio­n de la COVID-19.

Vendredi, ils ont téléphoné chez mon père pour dire que les visites dans les hôpitaux étaient maintenant permises pour les enfants de 12 ans et moins, raconte Cathy Noël avec un sourire dans la voix.

Le lendemain, samedi, cette jeune mère et ses deux filles sont donc allées faire une visite à l'Hôpital de Traca‐ die.

Ma grand-mère était vrai‐ ment contente. Il y avait des larmes. Elles se sont collées. Les filles aussi étaient très contentes. Elles avaient telle‐ ment hâte.

Cathy Noël

Mais dans le temps, je marchais

Cette histoire de visite met aussi en lumière ce que vit Mme Noël et tant de per‐ sonnes âgées au NouveauBru­nswick : être cloué à un lit d'hôpital en attente d'une place dans un foyer de soins.

Oui, ça fait une secousse que je suis icitte. Ils ont es‐ sayé de me sortir d'icitte, mais ils n'ont pas pu.

Lucienne Noël, 94 ans

Elle voulait être dans un foyer de niveaux 1 et 2, ex‐ plique Cathy Noël, sa petitefill­e. Mais, vu qu'elle ne peut plus marcher, il faut qu'elle aille dans un foyer de niveaux 3 et 4. L'attente est plus longue dans ces foyers. Ce sont de gros foyers avec des lifts pour lever les personnes qui ne peuvent pas marcher.

Mais, dans le temps, je marchais, souligne Lucienne Noël. Au commenceme­nt, je marchais.

C'est ce qui arrive quand on reste à l'hôpital longtemps sans pouvoir bouger, estime

Cathy Noël, qui a déjà travaillé dans un hôpital et dans des foyers de soins. Il n'y a pas de personnel assez dans les hô‐ pitaux pour faire marcher les personnes tous les jours.

Puis, Lucienne Noël lance cette affirmatio­n lourde de sens. Ce n'est pas intéressan­t de bouger. Pour aller où?

Ça changerait quoi de me lamenter?

Elle ne prend pas de dé‐ tours. Ses propos semblent fatalistes, mais elle rappelle sans cesse qu'elle en a vu d'autres, qu'elle a vu neiger. Je ne sortirai pas sur mes jambes, tranche-t-elle. Je sais ce qui s'en vient. Je suis icitte pour y rester et ça finit là.

Je sortirai d'icitte dans une boîte, dit-elle en riant, comme pour s'assurer que l'on com‐ prenne bien.

Lucienne Noël n'est pas une lamenteuse, comme elle dit.

Elle ne serait sûrement pas la porte-parole idéale de toutes ces personnes âgées qui souffrent d'ennui dans un lit d'hôpital de la province en attente d'une place dans un foyer de soins. Elle accepte son sort sans rechigner.

Le monde se lamente pour rien. La vie, qu'est-ce qu'elle vaut quand tu passes ton temps à te lamenter et à brailler?

Lucienne Noël 94 ans

Elle dit qu'elle a l'habitude d'être toute seule. Jusqu'en novembre dernier, elle vivait seule dans sa maison.

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Comment temps?

Deux exemplaire­s du jour‐ nal L'Acadie Nouvelle traînent sur sa table de chevet. Elle a un petit poste de télévision depuis quelques semaines.

Elle reconnaît sans aucune gêne qu'elle ne connaît même pas le prénom des trois autres femmes âgées qui sont alitées dans la même chambre. Je ne suis pas une personne qui communique beaucoup, dit-elle.

Je ne demande rien à per‐ sonne non plus. Je fais ma vie pis je ne bâdre pas les autres.

Comment fait-elle, alors pour passer le temps?

J'ai des papiers [des jour‐ naux], que je lis. Je lis beau‐ coup. Là, un peu moins parce que ma vue baisse. Mais, je n'ai jamais été une personne qui s'ennuyait. Je ne m'ennuie pas.

Si elle n'aime pas se plaindre, sa seule légère cri‐ tique, elle la réserve pour ce qu'elle retrouve parfois dans son assiette.

La « p'tite poutine du McDo »

La nourriture n'est pas forte, dit-elle en se redressant un peu dans son lit. Elle pré‐ cise que des membres de sa famille lui apportent régulière‐ ment à manger. Ma gang me nourrit solide.

Moi, j'ai toujours fait à manger. Et il n'y a personne de mort. Ils sont tous passés au travers.

Lucienne Noël, 94 ans On lui apporte de la pou‐ tine, précise sa petite fille, qui écoute sa grand-mère avec un air amusé. La p'tite poutine du McDo, c'est la meilleure, assure la nonagénair­e.

C'est ça la vie tuer le

Lucienne Noël a du carac‐

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