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Les drapeaux autochtone­s, symboles de colonialis­me ou velléités d’autonomie?

- Mathias Marchal

Symbole de colonialis­me pour certains, d’émancipa‐ tion culturelle pour d'autres, la plupart des 11 nations autochtone­s du Québec possèdent désor‐ mais leur propre drapeau. Coup d'oeil sur les princi‐ paux étendards des pre‐ miers peuples et les sym‐ boles qu’ils véhiculent. Wendats

Le castor est au centre des armoiries de cette nation si‐ tuée en banlieue de Québec. L'animal s’est adapté à de nombreux habitats et il vit en famille toute sa vie, men‐ tionne le site Internet de la nation pour expliquer son choix.

C’est le plus travaillan­t de tous les animaux, il est un symbole d’endurance, d’intelli‐ gence et de fierté.

Nation huronne-wendat

Les outardes qui figurent en bonne place sont indirec‐ tement à l'origine de la créa‐ tion de la Terre, selon la my‐ thologie wendate. Ce sont elles qui ont recueilli sur leurs ailes Yäa’taenhtsihk (mère de l’humanité) qui tombait du monde céleste. Elles l’ont en‐ suite déposée sur la carapace de Grande Tortue, la cheffe des animaux.

La communauté huronnewen­dat est formée de huit clans, dont cinq sont repré‐ sentés à Wendake. On les re‐ trouve sur le canot, symbole (avec les raquettes) de moyen de transport, de moteur de l’économie et d’artisanat, sur lesquels mise beaucoup la communauté.

Le tout est entouré du Cercle de la parenté (reliant humains, animaux, plantes et esprits) réalisé à partir de foin d’odeur, qui est notamment utilisé dans des cérémonies de purificati­on.

Ceux qui critiquent ce dra‐ peau déplorent notamment le manque de consultati­on des anciens lors de sa concep‐ tion et le fait que le drapeau est un symbole de colonia‐ lisme.

Kanien'kehá:ka (Mo‐ hawks)

À l'inverse de ceux qui voient les drapeaux comme des symboles de la colonisa‐ tion, le résident de Kahna‐ wake Sean French est un fervent utilisateu­r du drapeau des Warriors comme outil de dialogue et… de décolonisa‐ tion.

L’été dernier, avec son dra‐ peau warrior flottant au vent, il a parcouru l’avenue Chris‐ tophe-Colomb à Montréal pour que les municipali­tés ar‐ rêtent d’honorer quelqu'un qui a tué encore plus d'Au‐ tochtones que le général bri‐ tannique génocidair­e Jeffrey Amherst.

Mais, contrairem­ent à ce que certains pourraient croire, le drapeau des War‐ riors (rouge et jaune avec une tête d’Indien) n’est pas le sym‐ bole utilisé par la Confédéra‐ tion iroquoise (Hadenosau‐ nee). Cette dernière lui pré‐ fère un emblème violet repré‐ sentant un wampum tissé de perles d'Hiawatha. Ce person‐ nage légendaire est le fonda‐ teur de la Confédérat­ion qui comprenait à l’origine cinq na‐ tions.

En tant que gardiens de la porte de l’Est, les Mohawks sont représenté­s par le carré de droite, juste à côté des

Oneida (peuple de la pierre debout) situés essentiell­e‐ ment dans l’État de New York, puis des Onondaga (gardiens du feu et des archives de la Confédérat­ion) au centre. Les Cayugas, les Sénécas et plus récemment les Tuscaroras complètent la Confédérat­ion.

Atikamekw

C’est l’artiste de Wemotaci Jacques Newashish qui a conçu le drapeau il y a plus de 30 ans, alors qu’il était l’illus‐ trateur du Conseil de la Na‐ tion Atikamekw (CNA). Sa car‐ rière de peintre et de sculp‐ teur n’avait pas encore pris son envol et il multipliai­t à l’époque les contrats de gra‐ phisme.

Le CNA m'avait embauché pour illustrer des livres en ati‐ kamekw pour les écoles et se cherchait aussi un logo, ra‐ conte M. Newashish. Les trois canots représente­nt les trois communauté­s atikamekw (Wemotaci, Manawan et Opit‐ ciwan) qui sont du même sang (le fond rouge). Elles avancent dans la même direc‐ tion.

La forme arrondie évoque le soleil, qui symbolise un jour nouveau, ajoute l'artiste. À l’époque, les Atikamekw ve‐ naient en effet de se retirer du CAM (Conseil des Atikamekw et des Montagnais) pour for‐ mer leur propre regroupe‐ ment, sans les Innus, men‐ tionne-t-il. Le vert des canots représente la forêt et le terri‐ toire, chers à la plupart des nations.

Innus

L’étendard de la Nation in‐ nue date de près de 10 ans, à une époque où les neuf com‐ munautés souhaitaie­nt faire avancer plusieurs dossiers de façon commune. Avec l’aide de l’Institut Tshakapesh, il a été décidé de retenir comme emblème le teueikan, ce tam‐ bour utilisé initialeme­nt par les chasseurs pour communi‐ quer avec le monde du rêve et des animaux.

Et spécialeme­nt avec le ca‐ ribou (en blanc sur l’image), dont les jeunes spécimens sont utilisés pour former la peau du tambour. Le brun (qui forme la caisse) et le beige sont associés au bou‐ leau, mais aussi à la babiche, cette ficelle de cuir qui tra‐ verse le dessus du tambour de part en part et dans la‐ quelle on a inséré des pointes de plumes de cacaoui, un ca‐ nard plongeur de l’Arctique.

La notice explicativ­e inclut aussi ces pensées : À travers le teueikan / J’entends la vie / J’entends le battement de coeur du peuple innu / Une communion avec l’univers / Il me dit d’où je viens / Qui je suis / Et où je vais / Il est mon guide / Mon confident / Mon ami / Je m’exprime à travers lui.

Mi’kmaq

Le drapeau créé il y a plus de 10 ans est utilisé aussi bien au Québec que dans les pro‐ vinces de l’Atlantique.

Le soleil [symbolisé par une étoile] est la représenta‐ tion de nos grands-pères et la lune est la représenta­tion de nos grands-mères. Le ciel est la représenta­tion de notre père et la terre est la repré‐ sentation de notre mère, in‐ dique une note explicativ­e.

Le blanc du drapeau repré‐ sente la pureté des Mi’kmaq. La couleur rouge représente la peau rouge. Les premiers colons voyaient la peau de nos ancêtres comme étant rouge, alors qu’en réalité c’était à cause de l’ocre rouge qu’ils avaient appliquée sur leur peau.

Nation mi'kmaw

Ceux qui critiquent ce dra‐ peau trouvent qu’il évoque trop le drapeau de l'envahis‐ seur anglais ainsi que la reli‐ gion par la présence d’une croix. Sur ce dernier point, la nation précise qu’il s’agit plu‐ tôt de représente­r les quatre points cardinaux et les rela‐ tions entre la trentaine de communauté­s réparties à di‐ vers endroits. C’est parce que les Mi’kmaq sont considérés comme le peuple de l’aurore que la croix est plus longue vers l’est.

Cris

L’emblème est utilisé par le Grand Conseil des Cris ainsi que par le gouverneme­nt de la Nation crie. Les deux cadres en peau de castor, symboles d’échanges, représente­nt nos forces économique­s et com‐ munautaire­s, mentionne le gouverneme­nt cri sur son site Internet.

Le tambour symbolise la force de la nation. On y re‐ trouve 11 lignes verticales, de même que 11 points pour re‐ présenter les 11 communau‐ tés qui composent au Québec la Nation Crie d'Eeyou Istchee répartie sur un territoire équi‐ valant à 60 % de la France.

On retrouve également dans le logo le poisson (l’eau et la vie aquatique), l’oie (l’air et les créatures ailées), l’arbre (la terre et les animaux) qui sont tous interconne­ctés.

En tant que nation, nous avons la responsabi­lité de nous assurer que ces élé‐ ments restent en équilibre afin de perpétuer le mode de vie qui fait ce que nous sommes : Eeyou (les per‐ sonnes).

Grand Conseil des Cris

Naskapis

Ce mot signifie peuple d'au-delà de l'horizon. On re‐ trouve le terme écrit en écri‐ ture syllabique (commune aux Cris) au centre du dra‐ peau, indique une note sur le sujet.

Aux points cardinaux se trouvent quatre symboles dif‐ férents. L’est est représenté par un wigwam, l’habitation typique des communauté­s nomades. C’est de là que sont issus des Naskapis dans ce qui est actuelleme­nt le Labra‐ dor. Le nord est illustré par la pointe de lance, symbole des Inuit que les Naskapis ont longtemps côtoyés avant d’être déplacés proche de la ville minière de Scheffervi­lle en 1956.

À l'ouest est dessiné un ca‐ ribou, là où cet animal my‐ thique migre à l’automne. Au sud figure un poisson, car c’est de là que vient cet ali‐ ment consommé en quantité quand le caribou se fait plus rare. Les quatre ronds noirs et rouges représente­nt les so‐ leils et les lunes des quatre saisons.

Quant au mot Kawawachi‐ kamach, c’est le nom du terri‐ toire qui leur est réservé. Il si‐ gnifie rivière sinueuse en langue naskapie. Wolastoqiy­ik (Malécites) La Première Nation Wolas‐ toqiyik Wahsipekuk (qui signi‐ fie les Malécites du SaintLaure­nt) est située à Cacouna, dans le Bas-Saint-Laurent. Le drapeau de la communauté est inspiré de celui des Wolas‐ toqey, des membres de la même nation répartis en six communauté­s au NouveauBru­nswick.

Le rouge symbolise les an‐ cêtres qui sont passés avant nous. Le bleu symbolise toutes les eaux vivantes – les fleuves, les rivières, les ruis‐ seaux, les lacs et les océans. Finalement, les canoteurs, homme et femme, repré‐ sentent les Wolastoqiy­ik [Ma‐ lécites].

Catherine Plourde, porteparol­e de la communauté

Le nouveau logo est bi‐ lingue afin de faire référence aux membres de la commu‐ nauté qui sont anglophone­s. Outre le Nouveau-Brunswick, une partie des Malécites est aussi localisée dans le Maine.

Inuit

Le Nunavik n’a pas de dra‐ peau régional reconnu. Cer‐ tains croient néanmoins que les Inuit du Québec devraient avoir leur propre unifolié afin de symboliser leur volonté d’autonomie.

C’est le cas de Thomassie Mangiok, un graphiste situé à Ivujivik, le village le plus au nord du Québec, qui a même proposé un design. Le design fait écho à la forme d'un oi‐ seau, avec des plumes attei‐ gnant le ciel pour montrer l'autonomie et la liberté, a dé‐ claré M. Mangiok lors d’une présentati­on rapportée par le Nunatsiaq News. Les grandes ailes représente­nt la force et le nombre de plumes est égal au nombre de communauté­s au Nunavik, c'est-à-dire 14.

Le design évoque égale‐ ment la forme des bois d'un caribou et un esprit entière‐ ment soutenu par le corps. Thomassie Mangiok croit qu’avoir un tel drapeau per‐ mettrait d’unifier les Nuna‐ vimmiuts autour d’une identi‐ té commune.

C’était… en 2013. Dix ans plus tard, sa propositio­n n’a pas cheminé et son drapeau sert de plaid pour son divan, si l’on se fie à son compte Fa‐ cebook. Pendant ce temps-là, aux derniers Jeux de l’Arc‐ tique, les athlètes représen‐ tant le Nunavik défilaient sous le fleurdelis­é du Québec et il a été impossible de savoir auprès de la société Makivik si un projet de drapeau était dans les cartons.

Abénakis

Aucun drapeau officiel n’a été créé pour la nation qui compte deux communauté­s au Québec (Odanak et Wôli‐ nak), situées proches de Sorel et Trois-Rivières, sur la rive sud du Saint-Laurent.

Des démarches de créa‐ tion d'un drapeau officiel en collaborat­ion avec les membres et artistes w8bana‐ ki. Ce dernier devrait donc voir le jour au courant de la prochaine année, mentionne le Grand Conseil par courriel.

Anishinabe­g

La situation est quasiment identique du côté des Anishi‐ nabeg, qui utilisent actuelle‐ ment le logo du conseil tribal, faute de mieux.

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