3000 éducatrices ont quitté les garderies du Québec en une année
Le gouvernement du Qué‐ bec est confronté au triple défi de recruter des mil‐ liers d'éducatrices de gar‐ deries tout en freinant les départs et les arrêts de tra‐ vail de celles en poste. Des données inédites, obte‐ nues par Radio-Canada, dé‐ montrent l'ampleur de la tâche.
Pour créer des places en garderie pour les parents qui n'en ont pas, de nouveaux lo‐ caux ne suffisent pas, il faut y mettre des éducatrices. Or, 2956 d'entre elles ont quit‐ té le réseau en 2021-2022.
Grâce à une source, nous avons mis la main sur des données du Portrait annuel de la main-d'oeuvre réalisé, l'an dernier, par le ministère de la Famille. C'est la première fois que des informations aus‐ si détaillées sont collectées.
Ces données, qui ne pré‐ cisent pas les raisons de ces départs, ont été collectées au‐ près des centres de la petite enfance (CPE), des garderies subventionnées (GS) et des garderies non subvention‐ nées (GNS).
Les CPE, GS et GNS em‐ ploient 33 296 éducatrices (équivalent temps plein). Ce sont donc près de 10 % des éducatrices qui ont quitté leur emploi en 12 mois.
Sur le terrain, durant la pandémie, les gestionnaires de garderies constataient déjà une vague de démissions. Et, en 2021, un sondage du mou‐ vement Valorisons ma pro‐ fession révélait que près de la moitié des éducatrices son‐ geaient à changer de métier.
Ces femmes-là sont à bout de souffle et donc, dans beau‐ coup de cas, malheureuse‐ ment, elles regardent la voie de sortie plutôt que la porte d'entrée.
Lucie Longchamps, viceprésidente de la FSSS-CSN, qui représente 13 000 tra‐ vailleuses de services de garde au Québec
Postes vacants et arrêts de travail
Même si le ministère a pourvu 7040 postes durant l'année 2021-2022, il restait encore 3159 postes vacants d’éducatrices dans la pro‐ vince, au 31 mars 2022.
Et pour ne rien arranger, 1596 éducatrices étaient en absence de longue durée au même moment. Ce manque d'effectif a des conséquences concrètes sur les directions et sur les familles.
Bris de services et défi‐ cits
Selon des rapports finan‐ ciers, 263 CPE ont été en bris de service au moins une jour‐ née, en 2021-2022, par manque d'éducatrice. Cer‐ taines installations l’ont été plus d’une fois, pour un total de 404 jours où des parents ont dû garder leur(s) enfant(s) à la maison.
La pénurie
de
maind'oeuvre oblige les garderies à recruter du personnel d'agences de remplacement, ce qui plombe leur budget. Selon nos informations, près de la moitié des corporations qui gèrent les CPE ont affiché un déficit en 2021-2022, soit 418 sur 900 rapports fi‐ nanciers annuels analysés.
La qualité des services est aussi un enjeu lié à la pénurie de travailleuses adéquate‐ ment formées.
Difficile d'avoir assez d'éducatrices qualifiées
Sur les quelque 3000 édu‐ catrices qui ont quitté le ré‐ seau durant l'année, 1225 étaient des éducatrices qualifiées. C'est une difficulté supplémentaire en raison des ratios à respecter.
Normalement, deux édu‐ catrices sur trois doivent être qualifiées dans une installa‐ tion. Mais avec la pandémie, le ministère a baissé le ratio à une sur trois. Depuis le 1er mars 2023, il est passé à une sur deux et il reviendra à deux sur trois le 1er mars 2024.
Sur les 7040 postes com‐ blés durant l'année, 2990 l'ont été avec des éducatrices qua‐ lifiées et 4050 par des non qualifiées.
Par ailleurs, 71 % des ser‐ vices de garde évalués par le ministère entre avril 2019 et novembre 2022 atteignent le seuil de qualité jugé suffisant (89 % des CPE, 64 % des gar‐ deries privées subvention‐ nées et 53 % des non subven‐ tionnées), avec des diffé‐ rences marquées selon les ré‐ gions.
Grande opération de re‐ crutement et de valorisa‐ tion
Le ministre de la Famille et le ministre de l’Emploi ont an‐ noncé l'an dernier une offen‐ sive afin de recruter 18 000 nouvelles éducatrices et éducateurs, en plus d’en qualifier 7000 autres déjà en poste dans le réseau actuel