La grève des scénaristes américains inquiète l’industrie du cinéma en C.B.
Des milliers de scénaristes américains ont déclaré lundi se mettre en grève après l'échec des négocia‐ tions avec l’Alliance des producteurs de cinéma et de télévision (AMPTP). Un mouvement qui préoccupe l’industrie cinématogra‐ phique et télévisuelle de la Colombie-Britannique, qui pourrait rapidement en su‐ bir les conséquences.
Après avoir voté
la se‐ maine dernière un arrêt de travail si aucun accord n'était conclu avec l’AMPTP d’ici le 1er mai, date de la fin de l’an‐ cienne convention, le syndicat des scénaristes américains du cinéma (WGA) a mis ses me‐ naces à exécution.
Le WGA a informé ses membres que toute écriture de scénario devait cesser im‐ médiatement.
Cette grève a ainsi causé l’interruption immédiate d'émissions de télévision et d’importants retards de pro‐ duction sont à prévoir concer‐ nant les séries télévisées et films tournés, notamment en Colombie-Britannique.
Vancouver est le troisième plus grand centre de produc‐ tion cinématographique et té‐ lévisuelle en Amérique du Nord, grâce aux productions américaines qui y sont tour‐ nées, selon un rapport de la Commission économique de Vancouver (VEC) de 2020.
Une grève soutenue par les artisans
Parmi les revendications exigées par les scénaristes, on retrouve des augmentations salariales, des garanties mini‐ males pour bénéficier d’un emploi stable ou encore une meilleure répartition des bé‐ néfices liés aux plateformes de visionnement en ligne.
Cy Senaud travaille depuis cinq ans dans l'industrie du ci‐ néma à Vancouver. Au‐ jourd’hui coordonnateur des figurants, iel comprend les rai‐ sons pour lesquelles les scé‐ naristes font grève.
Les productions se font des millions avec la vidéo à la demande depuis des der‐ nières années, mais les condi‐ tions de travail et salariales des scénaristes n’ont pas évo‐ lué et c’est injuste.
Cy Senaud, coordonnateur des figurants
Omari Newton, comédien, auteur, metteur en scène et producteur à Vancouver, par‐ tage cet avis. Je pense que la grève est nécessaire. Il y a des compagnies comme Netflix qui ne disent pas combien de personnes regardent leurs émissions. Elles utilisent ça comme excuse pour ne pas payer les auteurs comme ils le méritent, analyse le comé‐ dien.
Des répercussions à pré‐ voir sur le long terme
La menace de cette grève a déjà ralenti l’industrie ciné‐ matographique et télévisuelle en Colombie-Britannique.
Avec l’officialisation du mouvement de grève, Shawn Williamson, producteur chez Bright Light Pictures et de la série The Good Doctor diffu‐ sée sur ABC, estime que cer‐ taines productions vont accu‐ muler du retard.
En général, nous commen‐ çons à tourner en juillet pour une émission comme Good Doctor. Les scénaristes ont besoin de huit à dix semaines pour s'y préparer. Nous pré‐ voyons donc d'ouvrir une salle de rédaction au cours de la semaine prochaine pour préparer le mois de juillet. Si le mouvement se poursuit, il re‐ tardera de début de la pro‐ duction, explique le produc‐ teur.
Cette grève va paralyser la majorité des productions télé‐ visuelles réalisées à Vancou‐ ver.
Shawn Williamson, pro‐ ducteur chez Bright Light Pic‐ tures et de la série The Good Doctor
Face à ces retards annon‐ cés, les artisans de l'industrie craignent de ne plus trouver de travail.
Généralement le prin‐ temps est la saison où les films et les pilotes sont tour‐ nés à Vancouver. Cette année, nous n’aurons pas ça. Nous allons donc avoir des va‐ cances forcées pendant un moment et beaucoup vont devoir trouver un autre em‐ ploi en attendant que l’activi‐ té reprenne, s'inquiète Cy Se‐ naud.
Une situation que l’indus‐ trie anticipe déjà.
Je sais que toutes les agences qui représentent les acteurs majeurs ont envoyé un courriel pour les avertir qu'on va entrer dans une pé‐ riode qui est beaucoup plus lente que les années passées, souligne Omari Newton.
Selon un rapport de la Commission économique de Vancouver (VEC) de 2020, le secteur emploie 65 000 tra‐ vailleurs indépendants dans la région de Vancouver.
Avec les informations de l'émission The Early Edition
À écouter :
Possible arrêt de travail dans le cinéma
il faut savoir coiffer des che‐ veux, se maquiller, créer des looks, coudre, être drôle, dan‐ ser et avoir une présence scé‐ nique , énumère Sophie Du‐ puis.
Afin de représenter fidèle‐ ment l’univers des drag queens, et celui de la commu‐ nauté LGBTQ+, la réalisatrice s’est entourée d’une équipe composée en majorité de per‐ sonnes queers, autant devant que derrière la caméra.
Cette volonté s’est muée en véritable dialogue, qui a se‐ lon elle servi à enrichir son scénario. Je crois que je peux apporter ma vision à un pro‐ jet, mais j’ai aussi besoin des gens concernés pour me ra‐ mener dans le droit chemin. Je pense que des comédiens peuvent se mettre dans la peau d’un autre, mais en en‐ gageant des personnes de la communauté, j’ai pu bénéfi‐ cier de leur bagage. Je ne me verrais plus écrire un rôle queer sans donner le rôle à un acteur queer.
La réalisatrice a l’habitude de travailler ainsi : lors du tournage de son dernier long métrage, Souterrain, elle avait pris soin d’écouter les re‐ marques des mineurs qui tra‐ vaillaient comme figurants, ce qui a selon elle grandement contribué au réalisme de son film.
Si des artistes profession‐ nelles de la drag comme Tracy Trash, alias Marc-André Le‐ clerc, font partie de la distri‐ bution de SOLO, les comé‐ diens ont dû apprendre les rouages du métier. Entre ai‐ mer les drag queens et en de‐ venir une, il y a un tout un pas, qu’on doit en plus fran‐ chir en talons hauts.
Le chorégraphe et pion‐ nier de la scène ballroom de Montréal Gérard X Reyes est venu leur donner un coup de pouce. Au fil des répétitions et des cours de danses, ce sont les comédiens euxmêmes qui ont créé leur alter ego de drag, selon leurs propres envies. C’était in‐ croyable de voir ces person‐ nages émerger.
Paillettes et politique
Film d’amour, SOLO est ré‐ cemment devenu par la force des choses une oeuvre reven‐ dicatrice en choisissant de braquer le projecteur sur deux jeunes artistes de drag, alors que les attaques contre cette forme d’art se multi‐ plient aux États-Unis.
Je ne m’attendais pas à ce que le film voie le jour dans un tel contexte politique, dit Sophie Dupuis.
Le Tennessee a récem‐ ment interdit la présentation des spectacles de drag; même si un juge a temporairement bloqué cette initiative républi‐ caine, une douzaine d’autres États ont mis de l’avant de tels projets de loi.
Et au Québec, le chef du Parti conservateur du Qué‐ bec, Éric Duhaime, a récem‐ ment lancé une pétition pour protéger les enfants des drag queens dans la foulée de ma‐ nifestations qui ont entouré une activité de lecture de conte offerte par la perfor‐ meuse Barbada.
En voulant présenter le moins de diversité possible en matière d’expression de genre et d’orientation sexuelle, le message qu’on envoie, c’est que d’être hétéro est la seule normalité. On apprend aux enfants queer à se détester. On n’est pas en train de proté‐ ger les enfants, mais de les mettre en danger, martèle So‐ phie Dupuis.
Celle qui a été sélectionnée pour représenter le Canada aux Oscars en 2018 avec son film Chien de garde a d’ailleurs eu le souci de nor‐ maliser l’orientation sexuelle de ses deux protagonistes principaux.
Le fait qu’ils soient queer n’est jamais un enjeu dans le film. Ils ne font pas face à de l’homophobie; leur coming out est déjà fait. C’est juste l’histoire de deux gars pas‐ sionnés par leur art et qui s’aiment.
Pour elle, la force de la drag se trouve dans sa volon‐ té de divertir, de faire rire, tout en usant de subversion et d’humour pour faire sauter des carcans sociaux comme la binarité des genres.
C’est un manifeste de la li‐ berté
Sophie Dupuis
Qu’on soit novices de la drag ou fans de la première heure, membres de la com‐ munauté LGBTQ+ ou non, la réalisatrice souhaite surtout que le public puisse expéri‐ menter pour une rare fois cette forme d’art plus grande que nature sur un écran tout aussi grand, grâce à ce film qui célèbre l’irrévérence et la différence.
SOLO, de Sophie Dupuis, sortira en salle le 15 sep‐ tembre 2023.
Je suis toujours un peu pessimiste par rapport à ça [...] Ça n’a pas une force suffi‐ sante pour faire bouger les choses à Ottawa, mais ça peut quand même éveiller les
consciences.