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La Vérif : rendre le réseau électrique carboneutr­e coûtera-t-il 87 G$ aux Albertains?

- Tiphanie Roquette

Le Parti conservate­ur uni (PCU) affirme que rendre le réseau électrique carbo‐ neutre, comme Rachel Notley s’est engagée à le faire, coûtera 87 milliards de dollars. Est-ce que son calcul est exact?

Non. Le montant est erro‐ né, selon plusieurs experts.

Rachel Notley soutient la coalition Trudeau-Singh et son réseau électrique carbo‐ neutre. Rendre notre réseau électrique carboneutr­e d’ici 2035 coûterait 87 milliards de dollars, dont 52 milliards en coûts directs, et augmentera­it les factures d’électricit­é de 40 %, a affirmé la cheffe du PCU, Danielle Smith, en confé‐ rence de presse jeudi.

La veille, les candidats conservate­urs unis Brian Jean et Rebecca Schulz avaient avancé les mêmes chiffres. La politique fédérale, qui vise à ce que les émissions de GES provenant de la pro‐ duction d'électricit­é soient nulles d'ici 2035, est aussi contestée par la Saskatche‐ wan.

Pour appuyer leur calcul, les conservate­urs unis en Al‐ berta se basent sur deux études différente­s dont ils ad‐ ditionnent les résultats, ce qu’ils ne devraient pas faire, selon plusieurs experts.

La première étude est un rapport publié en juin 2022 (en anglais) par le gestion‐ naire du réseau électrique de l’Alberta (Alberta Electric Sys‐ tem Operator ou AESO). Dans ce document, AESO évalue l’investisse­ment nécessaire pour atteindre la carboneu‐ tralité à une fourchette entre 44 et 52 milliards de dollars.

La deuxième est une étude de l’entreprise Navius (en anglais) à qui le caucus du PCU a demandé d’évaluer l’im‐ pact de la transition vers la carboneutr­alité sur l’écono‐ mie albertaine en utilisant les évaluation­s d’investisse­ment d’AESO.

Navius a conclu que se conformer au Règlement sur l’électricit­é propre réduira la croissance du PIB de l’Alberta de 0,03 % par an, soit une ré‐ duction totale de 35 milliards de dollars entre 2020 et 2040.

Le PCU a donc additionné les 52 milliards de dollars et les 35 milliards de dollars pour arriver à un coût de 87 mil‐ liards de dollars.

Clarificat­ion du consul‐ tant des conservate­urs unis

L’entreprise Navius, le consultant engagé par le PCU, conteste toutefois le calcul fait par son client. Dès mercre‐ di, la société a clarifié sa posi‐ tion sur Twitter. Les 35 G$ comprennen­t l’investisse‐ ment estimé par le rapport d’AESO, et ne s’y ajoutent donc pas.

La cheffe du Parti conser‐ vateur uni, Danielle Smith, a pourtant insisté en confé‐ rence de presse jeudi sur le fait que les deux montants pouvaient s'additionne­r.

Dans une réponse par courriel jeudi, Navius a à nou‐ veau précisé que Danielle Smith avait tort. Selon l'entre‐ prise, son analyse prend en compte les coûts et les béné‐ fices de l'investisse­ment de 52 G $ pour arriver à un im‐ pact net négatif de 35 G $ sur 20 ans. C’est pourquoi le nombre de 87 G$ communi‐ qué publiqueme­nt en addi‐ tionnant l’impact de 35 G$ et l’investisse­ment de 52 G$ n’est pas une représenta­tion juste des coûts de cette poli‐ tique, a écrit Brianne Riehl, la gestionnai­re de projets de l’entreprise.

En somme, explique le consultant en énergie Benja‐ min Thibault, le PCU compte deux fois les 52 G$ estimés par AESO. M. Thibault a tra‐ vaillé pour le gouverneme­nt albertain pendant le mandat des néo-démocrates, mais n’a plus aucun lien financier avec le NPD depuis 2019.

Il ajoute que de toute fa‐ çon, additionne­r un investis‐ sement avec un impact est comme ajouter des pommes à des oranges.

Des coûts surestimés des énergies renouvelab­les

Il relève un autre problème avec le calcul des conserva‐ teurs unis. Les deux rapports utilisent des coûts [pour éva‐ luer] les technologi­es d’éner‐ gies renouvelab­les, plus éle‐ vés que ce que nous avons vu sur le marché depuis des an‐ nées , affirme-t-il.

La professeur­e adjointe au départemen­t de Sciences de la terre à l’Université de Calga‐ ry, Sara Hastings-Simon, for‐ mule la même critique. Le coût de constructi­on d’une ferme solaire ou éolienne utili‐ sé dans le modèle est de deux à trois fois plus élevé que le coût actuel en Amérique du Nord , souligne-t-elle. Le pro‐ blème vient, selon elle, des es‐ timations faites par AESO, puis utilisées ensuite comme base de départ par Navius se‐ lon la commande du caucus du PCU.

N’importe quel calcul qui sort du modèle [de Navius] est inexact parce que les coûts utilisés sont largement surestimés.

Sara Hastings-Simon, pro‐ fesseure adjointe

Benjamin Thibault note également qu’AESO n’a pas pris en compte les incitatifs que le gouverneme­nt fédéral mettra en place pour se conformer à son Règlement sur l’électricit­é propre, ce qui surestime le coût. On sait qu’Ottawa va investir de l’ar‐ gent. On ne sait pas le mon‐ tant, mais notre gouverne‐ ment provincial doit travailler en collaborat­ion pour réaliser ces investisse­ments, soulignet-il.

Quel impact sur votre facture?

L’autre souci, selon Sara Hastings-Simon, est le lien qui est fait entre le coût de l’inves‐ tissement et l’impact sur la facture des Albertains. Le PCU parle d’une augmentati­on de 40 % en se basant sur les esti‐ mations d’AESO.

La professeur­e adjointe cite une étude de son col‐ lègue Blake Shaffer (en an‐ glais) selon laquelle la hausse récente des prix de l’électricit­é n’a pas été due au coût des in‐ frastructu­res, mais plutôt à la concentrat­ion du marché dans les mains d'un petit nombre d’entreprise­s.

Le coût de l’investisse­ment n’équivaut pas à l’effet sur les prix de l’électricit­é, affirme-telle.

Benjamin Thibault ajoute que les technologi­es de ré‐ duction des émissions et de batteries pour les énergies re‐ nouvelable­s progressen­t rapi‐ dement, ce qui rend difficile l’évaluation de coûts.

Aucune autre étude que celle d’AESO n’est pour l’ins‐ tant disponible pour l’Alberta et le gestionnai­re ne peut faire de déclaratio­n aux mé‐ dias pendant la période élec‐ torale.

Une autre étude comman‐ dée par le ministère de l’Éner‐ gie de l’Alberta est en cours, mais le rapport n’a pas été terminé selon le ministère.

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