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Réforme en éducation : les profs dénoncent une « pratique malhonnête » de la CAQ

- Julie Marceau

Les syndicats du domaine de l'enseigneme­nt disent se sentir trahis après avoir découvert jeudi, lors du dé‐ pôt du projet de loi 23, les intentions du ministre de l'Éducation pour la forma‐ tion continue, alors que le sujet est encore en négo‐ ciation avec le Conseil du Trésor.

La Fédération des syndi‐ cats de l'enseigneme­nt (FSECSQ) dénonce une pratique malhonnête et une attaque frontale contre l'autonomie profession­nelle des ensei‐ gnants.

La réforme présentée jeudi par Bernard Drainville lui confère le pouvoir de s'ingé‐ rer dans les cours de forma‐ tion continue. Le ministre soutient qu'il se limiterait à prioriser certains cours.

Je pourrais effectivem­ent demander, sur les 30 heures [de formation continue obli‐ gatoire sur deux ans], qu’il y en ait 5 heures qui soient consacrées au français, a mentionné en guise d'exemple Bernard Drainville en point de presse, jeudi.

Mais c'est pas moi qui dé‐ terminerai­s le contenu des formations, a-t-il assuré.

L'article 34 du projet de loi 23 permet au ministre de définir les modalités relatives à la formation continue. L'ar‐ ticle 57 qui édicte la Loi sur l’Institut national d’excellence en éducation stipule que l’Ins‐ titut formulerai­t, lorsque le ministre lui en fait la de‐ mande, un avis sur la défini‐ tion des compétence­s atten‐ dues des enseignant­s et pro‐ céderait à la reconnaiss­ance de certaines activités de for‐ mation continue au présco‐ laire, au primaire et au secon‐ daire.

La CAQ vient de renier la parole qui avait été donnée aux enseignant­s de leur don‐ ner de l'autonomie, dénonce la présidente de la Fédération des syndicats de l'enseigne‐ ment (FSE-CSQ), Josée Scala‐ brini.

Quand il y a eu le projet de loi 40, le dernier grand réajus‐ tement, on a travaillé tous en‐ semble : la CAQ, les partis d'opposition, les syndicats.

On disait que ce qui fait que les enseignant­s ont quitté la profession dans le passé, c'est le manque d'autonomie pro‐ fessionnel­le, explique-t-elle.

L'ex-ministre de l'Éduca‐ tion, Jean-François Roberge, avait rendu obligatoir­es 30 heures de formation conti‐ nue en deux ans, dans la fou‐ lée de l'adoption du projet de loi 40. Il avait promis de ne pas s'ingérer dans le contenu de ces formations ni de l'in‐ fluencer.

Les enseignant­s peuvent actuelleme­nt choisir les for‐ mations qu'ils souhaitent suivre afin de se perfection‐ ner dans différents domaines, comme la littératur­e jeunesse ou les mathématiq­ues.

C'était discuté en ce mo‐ ment même aux tables de né‐ gociation. Le ministre ajoute l'insulte à l'injure en disant : "Je vais imposer ça par la voie législativ­e, des choses que vous étiez en train de négo‐ cier", déplore la présidente de la Fédération autonome de l’enseigneme­nt (FAE), Mélanie Hubert.

C'est très difficile à prendre, parce qu'on espérait être capable d'en arriver à des solutions.

Mélanie Hubert, prési‐ dente de la Fédération auto‐ nome de l’enseigneme­nt (FAE), Mélanie Hubert

Le message du ministre, c'est que les profs ne font pas leur travail, qu'ils ne sont pas formés adéquateme­nt, ajoute-t-elle.

Ces articles [34 et 57 du projet de loi 23] sont intrusifs, a indiqué en soirée Caroline Quesnel, présidente de la Fé‐ dération nationale des ensei‐ gnantes et des enseignant­s du Québec (FNEEQ–CSN).

On parle d’un contrôle du perfection­nement du person‐ nel enseignant, alors que nous prônons l’autonomie profession­nelle. C'est très in‐ quiétant, a-t-elle ajouté.

La CAQ défend ses pra‐ tiques en matière de rela‐ tions de travail

Ce n’est pas parce qu’un sujet est visé par une conven‐ tion collective qu’il est incom‐ patible avec une loi. Il faut dis‐ tinguer le dépôt du projet de loi et les négociatio­ns. Nous voulons le meilleur enseigne‐ ment possible pour nos jeunes, a indiqué Marylène Le Houillier, attachée de presse au cabinet de la présidente du Conseil du Trésor, Sonia Le‐ Bel.

Les syndicats auront l’oc‐ casion de se faire entendre en consultati­on, assure-t-elle.

Le cabinet du ministre Drainville s'est défendu en soi‐ rée de porter atteinte à l'auto‐ nomie des enseignant­s.

Les enseignant­s pourront choisir des formations, dont un certain nombre parmi les formations accréditée­s par l'Institut national d'excellence en éducation, a affirmé Flo‐ rence Plourde, attachée de presse du ministre de l’Éduca‐ tion.

Il s'agit de formations ba‐ sées sur la science, les don‐ nées probantes et les toutes dernières recherches et les meilleures méthodes pédago‐ giques, poursuit-elle. Il n'y a aucune atteinte à l'autonomie des enseignant­s.

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