L’horizon s’assombrit pour les fermes de la région
Trois entreprises sur dix ne génèrent pas assez de reve‐ nus pour couvrir leurs obli‐ gations financières. Ce taux monte à une entre‐ prise sur deux pour les fermes de moins de cinq ans d'existence.
L’Union des producteurs agricoles du Québec (UPA) a publié en avril dernier un rap‐ port accablant dévoilant la si‐ tuation financière inquiétante des producteurs agricoles au Québec.
La présidente de l’UPA pour la Gaspésie et les Îles-dela-Madeleine, Michèle Poirier, affirme que la situation est encore plus difficile pour les fermes en région. Si on parle de transport par exemple, on paye autant pour l’aller que pour le retour, tandis qu’en Montérégie, ils sont proches. Nous, on est très éloignés. C’est sûr que c’est plus diffi‐ cile.
Michèle Poirier remarque que de plus en plus d'agricul‐ teurs doivent travailler à l'ex‐ térieur pour joindre les deux bouts.
Elle souligne que pour faire 1 $ de revenus, ça prend 8 $ d’investissements dans le do‐ maine agricole. De plus, le prix du diesel, de la nourriture pour animaux et le transport connaissent des hausses ex‐ ponentielles.
Tout cela nécessite obliga‐ toirement des investisse‐ ments monétaires, explique-telle. Plus tu injectes, plus tu t'endettes. Plus tu t'endettes, plus c'est difficile. Et avec les intérêts à la hausse, je peux vous dire que ce n'est pas évident.
Un peu plus de 50 % des prêts agricoles seront renou‐ velés cette année. L'année qui s'en vient va être cruciale pour l’agriculture dans la ré‐ gion, affirme-t-elle.
L'été qui s'en vient va être difficile pour acheter les in‐ trants, pour acheter tout ce que ça prend pour produire. D’après moi, si on se reparle à l’automne, l’image agricole de notre région va être très diffé‐ rente.
Michèle Poirier, présidente de l'UPA pour la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine
C'est ce que vient appuyer le rapport de l’UPA qui rap‐ porte que quatre entreprises agricoles sur dix indiquent que la hausse des taux d’inté‐ rêt pourrait les empêcher de rencontrer leurs obligations financières.
Elle s'inquiète de la perte grandissante de joueurs sur‐ tout dans le secteur de la pro‐ duction animalière qui est la plus touchée par l'inflation. S’il n’y a plus de production animale, il n’y a plus de fu‐ mier. S’il n’y a plus de fumier, qu’est-ce que les maraîchers vont mettre dans leurs champs?, questionne-t-elle.
L'étude de l'UPA fait état d'une ferme sur dix qui pré‐ voit fermer définitivement ses portes au cours des 12 pro‐ chains mois, ce nombre aug‐ mentant à deux sur dix dans le secteur bovin.
Selon elle, les fermes vont se concentrer près des centres et ce sont les régions périphériques qui vont tom‐ ber en premier. Dans la ré‐ gion, les jeunes entreprises, comme les fermes établies, vivent des moments extrê‐ mement difficiles, mettant en danger la sécurité alimentaire du Québec, selon elle.
Michèle Poirier estime que les solutions des gouverne‐ ments ne sont pas adaptées aux besoins des agriculteurs.
L’agriculture, ce n’est pas que la nourriture ou le tissu social, c’est aussi le paysage.
La Gaspésie sans paysages agricoles, ce sera joliment terne. Et moi, ma Gaspésie, j’y tiens beaucoup, affirme-t-elle avec émotion.
Elle s'inquiète pour la san‐ té mentale des agriculteurs. Il ne faut pas oublier qu’on a le plus haut taux de suicide chez les producteurs agricoles. C’est orgueilleux ce monde-là. Ça va être vraiment difficile avec la pression qui se ra‐ joute, très difficile.
La Gaspésie et les Îles-dela-Madeleine comptent 250 entreprises agricoles.