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Gérer une crise en pleine campagne électorale, un couteau à double tranchant

- Audrey Neveu

Si les feux de forêt sont une tragédie pour les éva‐ cués qui risquent de tout perdre, ils sont aussi une occasion, pour Danielle Smith, de se présenter en leader compétente et ras‐ surante devant les élec‐ teurs. Devant le rabaisse‐ ment de son jugement par Nouveau Parti démocra‐ tique (NPD) cette démons‐ tration de savoir-faire s'avère nécessaire, même si cela lui enlève du temps pour faire campagne.

La cheffe conservatr­ice a donc remis ses habits de pre‐ mière ministre pour s’occuper de cette catastroph­e natu‐ relle. Lundi, Danielle Smith a suspendu sa campagne pour tenir une réunion de son cabi‐ net ministérie­l de gestion des urgences. Elle a également de‐ mandé des renforts à l’armée.

La première ministre sor‐ tante a besoin de démontrer sa compétence, puisque son jugement a été remis en ques‐ tion à maintes reprises en rai‐ son de déclaratio­ns contro‐ versées faites depuis qu’elle a pris les rênes de la province, à l'automne.

Son jugement a particuliè‐ rement été mis à mal par une discussion téléphoniq­ue avec le pasteur Artur Pawlowski, en janvier, lors duquel elle lui a promis de tenter d'obtenir l'abandon les accusation­s cri‐ minelles qui pesaient contre lui. Artur Pawlowski a finale‐ ment été condamné pour mé‐ fait.

La crise des feux peut ai‐ der Danielle Smith à faire ou‐ blier de nouvelles contro‐ verses, comme celle qui a éclaté en lien avec une vidéo de 2021 dans laquelle Danielle Smith compare les personnes vaccinées contre la COVID-19 aux adeptes de tyrans. Le NPD a aussi remis en ques‐ tion son engagement à ne pas privatiser des soins de santé.

Une occasion de démon‐ trer du leadership

En temps de crise, les ci‐ toyens se tournent vers leurs gouverneme­nts pour être ras‐ surés. Ils cherchent la stabilité et la compétence.

En 2013, le taux de satis‐ faction à l’égard de la pre‐ mière ministre québécoise Pauline Marois avait bondi de six points dans le mois sui‐ vant l’accident ferroviair­e de Lac-Mégantic. Pauline Marois s’était montré une leader déci‐ sive et empathique. Cela ne l’a toutefois pas protégée d’une défaite électorale l’année sui‐ vante.

Dans ce cas-ci, les Alber‐ tains veulent savoir que la province fait tout en son pou‐ voir pour sauver leurs mai‐ sons, leurs fermes et leurs ani‐ maux des flammes.

L’impératif de paraître comme une leader qui maî‐ trise la situation est d’autant plus important que l’adver‐ saire principale de Danielle Smith, la cheffe néo-démo‐ crate Rachel Notley, a ellemême dû gérer le feu de Fort McMurray en 2016, surnom‐ mé La bête, alors qu’elle était première ministre.

Elle avait alors donné des points de presse tous les jours pendant près de trois semaines. Elle a aussi été sa‐ luée pour sa collaborat­ion étroite avec le chef de l'oppo‐ sition officielle. Le Wildrose de l’époque était dirigé par Brian Jean, dont la maison a brûlé dans cet incendie.

Un choix entre ses rôles

Chaque jour de cette crise, Danielle Smith doit faire un choix entre ses responsabi­li‐ tés de première ministre et le besoin de faire campagne pour s’assurer une victoire le 29 mai.

En réalité, elle doit faire les deux et cela la mène à mélan‐ ger ses rôles dans ses points de presse, ce qui tend à semer la confusion. Jeudi, par exemple, elle a donné une mise à jour inattendue sur les feux avant de présenter les promesses de son parti pour les aînés.

Pour exploiter au maxi‐ mum les bénéfices de la crise, Danielle Smith devrait tenir des points de presse chaque jour en tant que première mi‐ nistre, comme Rachel Notley à l’époque. Or, cela va à l’en‐ contre de sa stratégie, qui vise à maintenir une faible pré‐ sence médiatique afin d'éviter de nouvelles déclaratio­ns controvers­ées.

Cette crise peut bénéficier à Danielle Smith en la posant comme leader compétente, mais pendant ce temps, elle laisse du terrain à ses adver‐ saires. Lorsque la crise se sera résorbée, elle devra leur faire face de nouveau.

Le NPD doit lui aussi trou‐ ver comment faire campagne sans avoir l'air déplacé ni in‐ sensible. Les attaques contre la compétence de la cheffe conservatr­ice semblent les plus porteuses, car elles peuvent être liées à la situa‐ tion actuelle.

Il est impératif, pour Da‐ nielle Smith, d’être aux com‐ mandes du gouverneme­nt pendant que se déroule cette catastroph­e naturelle. Négli‐ ger ses responsabi­lités serait un désastre pour ses chances électorale­s, mais s’y consacrer totalement n’est pas, non plus, une garantie de victoire.

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