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Ginette Reno et l’amour du public : « Si je n’ai pas ça, je ne suis même pas vivante »

- Catherine Bérubé

Utiliser le négatif de façon positive : s’il y a bien un conseil que Ginette Reno a su retenir et appliquer, c’est celui-là.

Si pratiqueme­nt tout le Québec s’accorde pour recon‐ naître l’immense talent de la chanteuse, il n’a pas toujours été facile pour elle d’en faire autant. Je n’ai pas toujours été gentille avec moi. Je n’ai pas toujours été douce, je me suis beaucoup flagellée, révèle-telle d’emblée.

Pendant longtemps, elle n'a pas su entendre l’ampleur et la qualité de sa voix. Lors‐ qu’elle écoutait l’une de ses performanc­es, elle ne retenait que les défauts qu’elle remar‐ quait.

J’ai compris [que j’étais bonne] il y a environ cinq ans, se remémore-t-elle. J’étais avec mon fils en studio, je m’écoutais et j’ai dit : "Je pense que je chante pas pire".

Son désir de performer en a fait une personne très tra‐ vaillante, voire acharnée. Quand je pratique une chan‐ son, je la pratique à outrance, confie-t-elle avec le sourire.

Carrière internatio‐ nale : J’ai eu peur

Lorsqu’elle dresse un bilan de sa carrière, Ginette Reno ne peut s’empêcher de relever des rendez-vous manqués, surtout lorsqu’on lui parle de ses chances à l’internatio­nal. J’ai eu très peur, j’ai saboté ma carrière, explique-t-elle.

Pendant longtemps, elle avoue avoir été très envieuse et jalouse de Céline Dion. Moi, je voulais devenir une grande chanteuse, mais elle, elle vou‐ lait devenir la plus grande chanteuse au monde, sou‐ ligne-t-elle.

Elle affirme toutefois avoir fait la paix avec ses ambitions. J’ai fait mon deuil. J’ai pleuré, j’ai fait tout ce que vous pou‐ vez imaginer, indique-t-elle.

La chanteuse a d’ailleurs vécu de grands moments avec Céline Dion, notamment lorsqu’elles ont chanté en‐ semble Un peu plus haut, un peu loin sur les plaines d’Abra‐ ham en 2008.

C’était un grand moment, il y avait quelque chose de sa‐ cré. C’est l’émerveille­ment, c’est l’étincelle, c’est comme un feu d’artifice.

Ginette Reno

Le poids de l’image cor‐ porel

Un grand obstacle a teinté la carrière de Ginette Reno : son poids. On m’a rejetée, parce que j’étais obèse, ra‐ conte-t-elle. Il y a eu des rôles que je n’ai pas eus à cause de ça et on m’a rejetée comme chanteuse.

À plusieurs reprises durant l’entretien, la chanteuse rap‐ pelle que son corps a été une barrière dans ses accomplis‐ sements, alors que plusieurs lui ont dit qu’elle devait perdre du poids. Vous ne pouviez pas m’enlever ma bouffe, affirme-t-elle. Comme un alcoolique à qui on n’en‐ lève pas son alcool, moi, c’était la bouffe.

Elle a d’ailleurs elle-même refusé certaines offres, no‐ tamment au cinéma, en rai‐ son de son poids.

Je veux ouvrir une école

La relation de Ginette Re‐ no avec l’argent n’a pas tou‐ jours été simple et des per‐ sonnes avec qui elle a travaillé l’ont trahie. J’ai été très abu‐ sée. On m’a volé beaucoup d’argent, mentionne-t-elle. Je ne vais pas vous donner de noms, mais il y en a qui ont pris des millions.

Aujourd’hui encore, elle af‐ firme devoir faire affaire avec un avocat pour régler cer‐ taines choses.

Avec les recettes de ses nouveaux projets, soit son autobiogra­phie et son 42e al‐ bum C’est tout moi, Ginette Reno souhaite mettre sur pied une école où elle pour‐ rait notamment donner des master classes (cours de maître).

J’aimerais, dans cette école, qu’on puisse avoir la chance d'entendre des gens qui nous parlent des belles choses de la vie.

Ginette Reno

La grande dame souhaite surtout mettre l’accent sur les façons d’interpréte­r une chan‐ son. Il y a des chanteuses qui font juste chanter, sans au‐ cune interpréta­tion, observet-elle. Elles ne comprennen­t pas ce qu’elles disent.

Le public : c’est avec [lui] que je me suis mariée

Après avoir chanté L’essen‐ tiel aux funéraille­s de Guy La‐ fleur, Ginette Reno raconte avoir reçu une lettre du pre‐ mier ministre du Québec, François Legault. Il m’a dit à quel point il était ému. C’est venu me chercher, en plus c’était écrit avec sa main, sa plume.

Bien qu’elle n'ait jamais senti le besoin d’afficher des prises de position politiques, l'interprète affirme que la langue française a toujours été un enjeu fondamenta­l à ses yeux. Elle l’a d’ailleurs déjà affirmé à un animateur de té‐ lévision à Toronto : Ma langue, pour moi, c’est très important.

Si Ginette Reno parvient aujourd’hui à aborder toutes les difficulté­s auxquelles elle a fait face avec le sourire, c’est que l’amour du public lui a toujours permis de chérir son métier.

Je pense que c’est avec [le public] que je suis vraiment mariée, dit-elle en riant. Je suis en train de fêter mon 64e an‐ niversaire avec lui.

J’ai eu une très belle car‐ rière. Le public a été fidèle, aussi fidèle que moi.

Ginette Reno

Très sereine face à tout ce qu’elle a vécu, la grande chan‐ teuse ne compte pas prendre sa retraite de sitôt et elle a dé‐ jà deux autres projets d’album sur la table. En ce moment, je suis en train de travailler sur deux albums : un album de funéraille­s, c’est-à-dire des chansons de deuil, et un al‐ bum de mariage, sur la vie.

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