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La pollution de l’air sur la santé, l’autre préoccupat­ion en Alberta

- Bassirou Bâ

Alors qu’une dizaine de mil‐ liers d’Albertains sont tou‐ jours évacués et que plus de 20 brasiers résistent en‐ core aux pompiers, l’im‐ pact des feux sur la santé des résidents exposés à une inhalation de parti‐ cules fines et à une qualité de l’air vicié constitue éga‐ lement une préoccupat­ion dans la province.

La situation inquiète d’au‐ tant plus que les niveaux de particules fines en suspension dans l'air ont été par mo‐ ments plus élevés que dans certains des endroits les plus pollués de la planète, la capi‐ tale indienne New Delhi no‐ tamment.

Les particules fines sont les plus répandues en Alberta en raison des incendies de fo‐ rêt. Abrégées en PM2,5, elles sont extrêmemen­t minus‐ cules dans l'air, d'un diamètre inférieur à 2,5 microns, soit un millième de millimètre.

Un cheveu humain a un diamètre de 60 à 70 microns. Une particule de PM2,5 est donc environ 30 fois plus pe‐ tite que le diamètre d'un che‐ veu humain, explique Man‐ deep Dhaliwal, responsabl­e du programme de qualité de l'air à la station régionale de Calgary. De ce fait, non seule‐ ment on ne peut les voir, mais le corps ne les sent pas non plus lorsqu’elles sont inhalées.

Pire qualité de l’air au monde

Mardi 16 mai, à 11 h, le ni‐ veau de particules fines a at‐ teint 558 microgramm­es par mètre cube d'air à Calgary, soit sept fois plus que l'expo‐ sition horaire maximale re‐ commandée par l'Alberta.

À titre de comparaiso­n, le niveau moyen de PM2,5 dans l'air de New Delhi, qui connaît l'une des pires pollutions de l’air au monde, était de 99 mi‐ crogrammes par mètre cube en 2019, selon l'entreprise suisse IQAir, qui suit la qualité de l'air à l'échelle mondiale.

Toutefois, il y a lieu de mettre un bémol à cette com‐ paraison : il existe une nette différence entre une pollution atmosphéri­que persistant­e – c’est le cas dans la métropole indienne– et les pics de pollu‐ tion à court terme comme ceux que connaît actuelle‐ ment l'Alberta.

Cela dit, la qualité de l’air a atteint mardi, à Calgary, un ni‐ veau rendant les conditions respiratoi­res absolument atroces, souligne Jaclyn Whit‐ ta, météorolog­ue pour Météo Média. Elle ajoute que les rele‐ vés effectués dans toute la province faisaient état de la pire qualité de l'air du monde entier.

Jeudi, des valeurs encore plus élevées ont été enregis‐ trées à Grande Prairie, dont notamment un niveau de 626 sur l’indice.

Hausse de problèmes respiratoi­res

Parmi les conséquenc­es sanitaires de cette situation, les services d'urgence de la ville ont constaté une légère augmentati­on du nombre de patients souffrant de toux et de problèmes respiratoi­res dus à la fumée des incendies de forêt, indique Kerry Williamson de Services de santé Alberta.

Le 6 mai, le jour où la pro‐ vince a décrété l'état d'ur‐ gence, 105 patients se sont présentés aux urgences. De‐ puis, ce nombre a fluctué, passant d'un minimum de 103 patients le 10 mai à un maximum de 155 le 15 mai.

Anick Déchène, une rési‐ dente du hameau de Saint-Isi‐ dore, fait état ces derniers jours d’une grosse et épaisse fumée noire : Il y a des jours où il y en a beaucoup et d’autres où il y en a moins. Aujourd’hui [vendredi], par exemple, il y en a beaucoup.

Elle constate aussi beau‐ coup d’effets indésirabl­es. Ça sent fort, ça pique les yeux.

Moi, c’est beaucoup les yeux, ça me brûle et j’ai mal à la tête. Ma fille, elle, souffre d'irritation­s à la gorge, [alors que] certains résidents souffrent des poumons où ils disent ressentir comme une pression, tandis que d’autres toussent.

Anick Déchène, résidente de Saint-Isidore, dans le nordouest de l’Alberta

La famille ayant oublié de fermer les fenêtres à guillotine de la maison, l’odeur de la fu‐ mée s’est immiscée à l’inté‐ rieur. C’est la première fois que c’est si intense et si long, dit-elle au sujet des feux.

Mme Déchène, dont la fa‐ mille est installée à Saint-Isi‐ dore depuis 18 ans, prendrait bien ses affaires pour se dé‐ placer momentaném­ent au Québec si ses enfants n’étaient pas scolarisés, car ce n'est pas agréable, on ne peut pas passer de temps dehors… Ça va durer encore combien de temps ça?

Anna Friesen, vétérinair­e et copropriét­aire d’une ferme de 500 vaches et veaux ainsi que 100 chevaux à Grande Prairie, dit avoir détecté une pneumonie chez certains de ses chevaux. Certains pré‐ sentent même des cas graves de la maladie, à cause des ni‐ veaux trop élevés de fumée.

Compte tenu de leur nombre, les bêtes ne peuvent pas être gardées dans un en‐ droit fermé. C’est terrible pour les animaux, témoigne-t-elle.

Risques de cancer et de troubles neurologiq­ues

Santé Canada conseille de réduire autant que possible l'exposition aux particules fines, car il n'y a pas de seuil apparent pour les effets des PM2,5 sur la santé.

Le Dr Raj Bhardwaj, méde‐ cin urgentiste à Calgary, abonde dans le même sens, en soulignant aussi bien leurs effets à court terme qu’à long terme sur le corps humain.

À court terme, les parti‐ cules fines pénètrent très pro‐ fondément dans les poumons [...], ce qui provoque plus d'in‐ flammation, plus d'irritation.

À long terme, elles aug‐ mentent le risque de cancer, et de nouvelles recherches in‐ diquent qu'elles augmentent aussi, probableme­nt, le risque de problèmes de mémoire, d'attention, de comporte‐ ment et d'autres choses de ce genre.

Dr Raj Bhardwaj, médecin urgentiste, Calgary

Le Dr Eric Lavigne, cher‐ cheur à Santé Canada et pro‐ fesseur à l’Université d’Otta‐ wa, ajoute que des études ont montré que l’exposition de saison en saison aux fumées des feux de forêt et de brous‐ sailles pouvait être associée au développem­ent de mala‐ dies respiratoi­res chez des personnes bien portantes.

Il souligne aussi les effets cumulés d’une exposition prolongée aux fumées des feux sur les fonctions cogni‐ tives des enfants, dont celle en lien avec l’attention, ainsi que sur le développem­ent pulmonaire d’un foetus, avec des risques d’infections respi‐ ratoires.

Des mesures tives préven‐

Évitez de sortir lorsque les niveaux de fumées sont très élevés. Si l'on est obligé de rester longtemps dehors, il faut penser à utiliser un masque de type N95, ceux en tissu ne disposant pas d’une grande capacité de filtration des particules dans l’air. Pen‐ sez à fermer les fenêtres et utiliser l’air conditionn­é Pour les activités sportives à l’exté‐ rieur, pensez à organiser vos horaires : Il est plus nocif de faire une activité physique à l’extérieur que d’aller chercher les bienfaits de l’activité phy‐ sique. Ne pas laisser les en‐ fants s’exposer à la mauvaise qualité lorsqu’ils sont dans la cour de récréation.

Avec les informatio­ns de François Joly, Dominique Ar‐ noldi et Robson Fletcher

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