Radio-Canada Info

La quête de maturité de Logan Mailloux

- Alexandre Gascon

PETERBOROU­GH – Trevor Timmins, dissimulé parmi les partisans comme il a l’habitude de le faire, ob‐ servait attentivem­ent la scène.

Logan Mailloux se chica‐ nait vertement avec un adver‐ saire pour une énième fois. Il a même eu un échange mus‐ clé à travers la baie vitrée avec un employé de l’aréna, fier disciple des Petes, qui nar‐ guait alors les Knights sur le point de perdre le quatrième match de la série et de se re‐ trouver en arrière 1-3 dans la grande finale de la Ligue de l’Ontario (OHL).

Mailloux était de tous les combats dans ce duel lors de notre passage dans la char‐ mante Peterborou­gh. À vue de nez, il a bien dû jouer 30 minutes (la ligue ne comp‐ tabilise pas cette donnée).

Trente-trois, nous corrige‐ ra plus tard Dylan Hunter, fils de Dale et entraîneur des dé‐ fenseurs des Knights.

L’on devine que sous ses airs impassible­s, Timmins, re‐ venons-y, ne pouvait s’empê‐ cher de sourire devant le jeu de ce choix de premier tour. Son choix de premier tour, pour le Canadien en 2021.

Ç’aura été la dernière grande décision de son règne, la plus controvers­ée aussi pour les raisons que l’on sait, celle qu’il n’aura su justifier si ce n’est que par un long si‐ lence d’une vingtaine de se‐ condes plus éloquent que n’importe quel commentair­e.

Cloué au pilori, il a fini par perdre son emploi et Mailloux a dû se plier à toutes les exi‐ gences du CH pour avoir le droit de demeurer dans l’orga‐ nisation. Il fallait faire amende honorable pour ce délit sexuel commis en Suède quand il était mineur.

Impossible de savoir ce qu’en pense aujourd’hui Tim‐ mins, qui a préféré rester dis‐ cret.

Aujourd’hui, l’état-major du Canadien a un défenseur talentueux entre les mains sans devoir porter l’odieux, si l’on peut dire, de l’avoir repê‐ ché. Un legs de Timmins donc, qui n’était évidemment pas à Peterborou­gh pour évaluer son ancienne sélection, mais probableme­nt pour faire son rapport sur Easton Cowan ou Denver Barkey, parmi d’autres.

Mailloux a suivi les théra‐ pies, s’est impliqué dans sa communauté. Ses efforts ont satisfait l’organisati­on au point où Kent Hughes lui a ac‐ cordé son premier contrat profession­nel, en septembre dernier.

On a été très actifs cette année, que ce soit pour aller visiter des hôpitaux ou des écoles. On organisait des ren‐ contres avec les partisans. Plein de trucs du genre, nous a expliqué Mailloux après le match.

J’aime penser que je suis un leader dans notre équipe et dans la communauté. Logan Mailloux

La quête de maturité de Mailloux ne faisait toutefois que commencer.

Patience et longueur de temps

Cette maturité chèrement acquise est un long proces‐ sus, nous disait un recruteur, qui ne se complètera pas du jour au lendemain.

Le jeune joueur a montré patte blanche et s’échine à dé‐ montrer, depuis, que les évé‐ nements lui ont permis de s’améliorer comme être hu‐ main. Le Canadien l’a reconnu et, tout en suivant ses dé‐ marches personnell­es, s’inté‐ resse maintenant au joueur de hockey.

Compréhens­ible. Il y a là beaucoup à aimer. Il a amassé 53 points dont 27 buts en 59 matchs cette saison. Il a enchaîné avec 21 points en 19 matchs de séries. Son ren‐ dement est impression­nant. Ses habiletés aussi.

Certains chevaux de trait au Moyen-Âge ont été traités, selon ce qu’on raconte, avec plus de délicatess­e que Mailloux en ce mercredi soir du mois de mai.

Trente-trois minutes sur la glace donc, 12 (!!!) tirs au but, plus d’une vingtaine de tenta‐ tives, des montées à l'em‐ porte-pièce, une domination en possession de la rondelle et du jeu somme toute intelli‐ gent dans son territoire. Il a terminé la soirée à -3, d’ac‐ cord, mais ce n’était pas vrai‐ ment de son fait, puisqu’il passait son temps sur la pati‐ noire et que les Knights ont fi‐ nalement échappé la ren‐ contre 5-3, dont un but accor‐ dé dans un filet désert.

Mailloux travaille à peaufi‐ ner son jeu défensif. Voilà sa grande lacune, ce qui, pour un arrière, peut poser problème. Il y a autre chose aussi.

Des fois, il essaie de trop en faire, de déjouer tout le monde, de ne pas distribuer la rondelle. Il va se le faire re‐ procher par ses coéquipier­s un jour. Oui, ça marche sou‐ vent dans le junior parce qu’il a de grandes enjambées, il pa‐ tine super bien vers l’avant, il a de bonnes mains, un bon tir, mais il faut regarder son côté collectif. Quand il est pressé, il veut trop en faire, nous racontait un recruteur.

Lors de notre passage, il est apparu plutôt respon‐ sable dans son territoire, avec quelques petites noncha‐ lances ici et là. L’échantillo­n était bien maigre, mais im‐ pressionna­nt.

On lui a demandé de jouer plus défensif et il est d’accord avec ça. Ça démontre qu’il a pris de la maturité, a estimé Dylan Hunter.

Je peux l’envoyer contre n’importe quel trio de l’autre côté, il est en train de se transforme­r en un joueur res‐ ponsable défensivem­ent.

L’utilisatio­n de son bâton pour couper les jeux, le contrôle de son écart avec le porteur de la rondelle, ses sorties de zones, etc. Il a tou‐ jours été excellent avec la ron‐ delle, mais on a vu beaucoup d’améliorati­on dans son jeu sans la rondelle, a enchaîné l’entraîneur adjoint.

Notre recruteur, lui, tem‐ père. Là où le fils Hunter ex‐ pose une progressio­n cette saison, il y voit plutôt un tra‐ vail de longue haleine à peine en chantier.

Ce trait de caractère qui a conduit Mailloux à com‐ mettre une erreur en parta‐ geant à ses coéquipier­s une photo explicite d’une jeune femme sans son consente‐ ment se manifeste aussi dans son jeu, à une échelle infini‐ ment moins importante il va sans dire.

Ce n’est pas qu’il n’a pas le sens du jeu. Je pense plutôt qu’il s’autoévalue mal. Je pense qu’il se croit tout per‐ mis, a d’abord laissé tomber le dépisteur en question.

Ça revient un peu à ses prises de décisions hors glace. Je pense qu’il a un petit pro‐ blème d’estime de lui-même. Il va arriver au niveau supé‐ rieur et va sûrement ramener ses deux pieds sur terre à mo‐ ment donné, mais ça ne se fe‐ ra pas en claquant des doigts.

Un recruteur à propos de Logan Mailloux

Ce n’est qu’une opinion. Une mise en garde en même temps, à l’aube du début de sa carrière profession­nelle. Il n’y a rien comme la patience, l’expérience et la perspectiv­e du temps qui passe pour prendre un pas de recul, faire un peu d’introspect­ion et comprendre où l’on en est dans la vie.

Mailloux, lui, estime que ç'a été une bonne année. En plus de ses défis personnels, il a dû purger une suspension pendant la moitié de la saison dernière et s’est fait opérer à une épaule après seulement 12 matchs, à l’hiver 2022.

Ça fait du bien de jouer au hockey. On a connu un long parcours et c’est la meilleure chose pour moi. Je dois juste avoir le plus de répétition­s possibles, a-t-il laissé tomber dans une formulatio­n à la Martin St-Louis.

Je veux être un défenseur complet capable de jouer en toutes circonstan­ces, que l’on soit en avant par un but ou en retard par un. J’essaie de nettoyer mon jeu un peu, a fait valoir Mailloux.

Un jeu d’enfants, probable‐ ment, quand on a d’abord pris le temps de nettoyer sa vie.

En rafale

Les Knights ne sont pas parvenus à renverser la va‐ peur face aux Petes de Peter‐ borough, qui ont remporté la finale de la Ligue de l'Ontario en 6 matchs avec une victoire 2-1, dimanche.

Mailloux, évidemment, souhaite faire le saut directe‐ ment avec le Canadien l’an prochain. Sa prestation au camp d’entraîneme­nt sera fort attendue étant donné les failles du côté droit de la dé‐ fense tricolore.

Dylan Hunter ne s’est pas risqué à prédire la chose. Il a tout de même spécifié que physiqueme­nt, ce n’était pas un problème.

Si je compare avec Evan Bouchard qu’on a eu ici, lui avait besoin de prendre de la force. Mailloux est un peu plus comme John Carlson. Un très gros monsieur qui mange la glace. Il est… très gros. Phy‐ siquement, il est prêt. Après ça, il s’agit de voir comment il va s’adapter.

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