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Qu’est-ce que la bataille de Bakhmout?

- Jean-François Thériault

La plupart des experts s'en‐ tendent pour dire que l'in‐ térêt stratégiqu­e de Bakh‐ mout est mince. Sa situa‐ tion géographiq­ue, au creux d'une vallée, la rend particuliè­rement difficile à défendre. Mais qu'à cela ne tienne : Russes et Ukrai‐ niens se disputent chaque kilomètre carré de cette petite ville depuis bientôt un an dans ce qui est main‐ tenant considéré comme la bataille la plus longue et la plus meurtrière depuis le début de l'invasion russe.

Samedi, la Russie a annon‐ cé avoir finalement pris le contrôle de Bakhmout.

Dimanche, l'Ukraine a dé‐ menti.

Comment une ville à la po‐ pulation équivalent­e à celle de Granby et à la superficie in‐ férieure à celle de Moose Jaw est-elle devenue l'épicentre de cette guerre d'attrition? Expli‐ cations.

Du vin, des roses et des cendres

Située dans la région de Donetsk, dans l'est de l'Ukraine, et comptant avant la guerre un peu plus de 70 000 habitants, Bakhmout était surtout réputée pour trois choses : ses usines de sel, sa production de vin mousseux et un immense massif de 5000 roses inscrit dans le livre ukrainien des re‐ cords.

S'il est difficile à première vue de comprendre les rai‐ sons pour lesquelles les deux camps s'arrachent son terri‐ toire, selon Richard Blan‐ chette, major-général à la re‐ traite des Forces armées ca‐ nadiennes, Bakhmout peut présenter un certain avantage au niveau tactique parce qu'il y a deux villes, Kramatorsk et Sloviansk, qui sont un peu plus en profondeur.

Mais si, en théorie, ces deux villes pourraient être les prochaines étapes pour les Russes, M. Blanchette doute fortement que les troupes du

Kremlin aient les forces néces‐ saires pour s'enfoncer plus loin dans le territoire ukrai‐ nien. Il n'y a pratiqueme­nt au‐ cune chance que les Russes parviennen­t à continuer une forme d'offensive, dit-il.

Dès lors, Bakhmout appa‐ raît aux yeux des experts comme une sorte de sym‐ bole. Une victoire russe pour‐ rait redonner un souffle à une campagne d'invasion du Don‐ bass qui, dans l'ensemble, a accumulé les échecs.

En effet, l'Ukraine est, à la surprise de plusieurs, parve‐ nue à tenir tête aux Russes dans la région. Pire encore pour le Kremlin, les forces de Kiev sont parvenues à re‐ pousser les Russes hors des villes de Kharkiv et de Kher‐ son.

Après ces deux cuisants re‐ vers, c'est sur Bakhmout que les Russes ont jeté leur dévolu avec l'aide du groupe de mer‐ cenaires Wagner. Cependant, là encore, ils ont rencontré une surprenant­e opposition ukrainienn­e.

Et donc, après plus de dix mois de combats et des di‐ zaines de milliers de morts, il ne reste plus grand-chose de cette petite ville industriel­le, sinon un champ de ruines.

Un hachoir à viande

Bakhmout a été décrite comme l'enfer sur terre par des combattant­s revenus du front. On la compare même à Verdun, une ville française qui a été le théâtre de la bataille la plus sanglante de la Première Guerre mondiale, où pas moins de 700 000 soldats français et allemands ont été tués ou blessés.

S'il est difficile pour l'ins‐ tant d'obtenir un bilan clair, le président américain Joe Biden a dit estimer au sommet du G7 qu'à Bakhmout seule‐ ment, les pertes russes s'éle‐ vaient à 100 000 blessés et tués.

Les troupes de la Russie, menées par le groupe Wag‐ ner, auraient en effet utilisé des prisonnier­s pour tenter de prendre rapidement les positions ukrainienn­es, ce qui

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