Le gouvernement choisit Michael Sabia pour reprendre la barre d’Hydro-Québec
Le gouvernement Legault a finalement arrêté son choix : c’est l’ancien PDG de la Caisse de dépôt et place‐ ment du Québec (CDPQ), Michael Sabia, qui dirigera la destinée d’Hydro-Qué‐ bec.
La nouvelle, tout d’abord rapportée par d'autres mé‐ dias, a été confirmée par une source à Radio-Canada.
L’annonce pourrait se faire dès la semaine prochaine. Le moment n’est pas encore dé‐ terminé, car il y aurait des fils à attacher, selon nos informa‐ tions.
Michael Sabia est actuelle‐ ment sous-ministre au minis‐ tère des Finances du Canada.
Il avait pris la direction de la CDPQ en 2009 après la dé‐ bâcle financière durant la‐ quelle cette institution avait enregistré des pertes de 40 milliards de dollars. Il est resté à la tête de la Caisse jus‐ qu'en 2020.
Si M. Sabia est renommé dans le milieu des affaires, il n'est pas reconnu comme un fin connaisseur du secteur de l'énergie. Pourtant, au cours des derniers mois, le ministre de l'Économie et de l'Énergie, Pierre Fitzgibbon, avait souli‐ gné que le candidat devait avoir un profil énergétique pour prendre la tête de la so‐ ciété d'État.
Il remplacera Sophie Bro‐ chu, qui a quitté Hydro-Qué‐ bec le 11 avril dernier, deux ans avant la fin de son man‐ dat.
À l’automne dernier, des divergences d’opinions avaient éclaté au grand jour entre elle et le ministre Fitz‐ gibbon, sur les grandes orien‐ tations d’Hydro-Québec.
Lors de son départ, Mme Brochu avait toutefois nié être en conflit avec l'homme fort du gouverne‐ ment Legault.
Le choix du gouvernement était arrêté depuis plusieurs jours. La semaine dernière, M. Fitzgibbon avait confirmé au journaliste Gérald Fillion, à l’émission Zone économie, que l’annonce allait être faite au cours des prochaines se‐ maines.
Legault avait louangé Sabia
Michael Sabia serait le choix du premier ministre François Legault, selon le quo‐ tidien La Presse. Les discus‐ sions avec le gouvernement se seraient amorcées il y a plusieurs mois, mais M. Sabia voulait rester en fonction jus‐ qu’au dernier budget fédéral, déposé en mars.
En 2019, lors de l’annonce du départ de M. Sabia à la CDPQ, François Legault lui avait rendu un hommage sen‐ ti.
Il a fait de la Caisse un ac‐ teur encore plus incontour‐ nable de notre économie, et ce, au bénéfice de tous les Québécois. [...] On a eu des bons rendements pendant qu’il était là, avait souligné le premier ministre.
Après une carrière comme mandarin au gouvernement fédéral, M. Sabia s’est rapide‐ ment forgé une forte réputa‐ tion dans les milieux d’af‐ faires.
Il a joué un rôle important dans la privatisation du Cana‐ dien National (CN) avant de partir pour aller travailler chez BCE, où son passage sera beaucoup plus houleux au moment où cette entreprise de télécommunications ven‐ dra des actifs et devra faire des mises à pied.
Lors de sa nomination, en 2009, à la tête de la CDPQ par le gouvernement Charest, les partis d’opposition avaient dénoncé le choix de M. Sabia, qui manquait, selon eux, de sensibilité québécoise.
Or, pendant son règne,
M. Sabia a recentré les activi‐ tés de la Caisse vers des inves‐ tissements en terrain connu, notamment avec une pré‐ sence accrue au Québec. Il a aussi profité d’un fort rebond des marchés boursiers et d’un contexte économique favo‐ rable, ce qui a propulsé le ren‐ dement du bas de laine des Québécois.
Entre 2009 et 2020, l’actif de la Caisse de dépôt est pas‐ sé de 120 à plus de 320 mil‐ liards de dollars.
Un moment charnière pour Hydro-Québec
Sans être un spécialiste de l’énergie comme le souhaitait le gouvernement Legault, M. Sabia, 70 ans, connaît tout de même le secteur comme investisseur institutionnel.
En 2018, alors qu’il était en‐ core PDG de la Caisse, il avait fait un plaidoyer pour les énergies renouvelables comme secteur d’avenir.
Selon lui, les milliards de dollars gérés par les caisses de retraite devaient être transfé‐ rés rapidement vers les éner‐ gies propres, les immeubles à faible consommation d'éner‐ gie et les systèmes de trans‐ port à faibles émissions de carbone.
Une chose est sûre, M. Sa‐ bia arrive à un moment char‐ nière de l’histoire d’HydroQuébec et il devra travailler de façon très étroite avec le superministre Pierre Fitzgib‐ bon, deux dirigeants connus pour leur fort tempérament.
Les deux hommes se connaissent bien. M. Fitzbib‐ bon a siégé au conseil d’admi‐ nistration de la CDPQ pen‐ dant trois ans entre 2009 et 2012.
Après plusieurs années de surplus, la société d’État doit maintenant relancer des pro‐ jets – éoliens jusqu’à mainte‐ nant – et ajouter 150 téra‐ wattheures à sa production d’ici 2050, ce qui représente la moitié de la puissance de la société d’État.
Le gouvernement Legault aimerait aussi construire de nouveaux barrages dans le Nord québécois, ce qui n’était pas la priorité de l’ancienne di‐ rigeante Sophie Brochu.
Lors des dernières se‐ maines, M. Fitzgibbon s’est plaint de manquer d’énergie pour satisfaire les demandes des entreprises voulant s’éta‐ blir au Québec, notamment le fabricant Volkswagen qui a fi‐ nalement choisi l’Ontario pour installer sa méga-usine.
Le gouvernement du Qué‐ bec a d’ailleurs admis avoir un problème à court terme, d'ici 2028, car il manque de puis‐ sance disponible dans le ré‐ seau d'Hydro-Québec. Des entreprises cherchent 21 000 mégawatts (MW) pour leurs projets, mais il en reste seulement 1000.
De grandes attentes
Pour Québec solidaire, l’ar‐ rivée de M. Sabia amène de grandes attentes. Hydro-Qué‐ bec, ce n’est pas une société comme les autres : il ne faut pas laisser notre joyau natio‐ nal devenir le Dollarama de l’énergie, affirme le député so‐ lidaire en matière d’Énergie, Haroun Bouazzi.
Bien qu’il n’ait aucune ex‐ périence en énergie ou en écologie, on espère que M. Sa‐ bia concentrera ses efforts à réussir la transition énergé‐ tique, ajoute M. Bouazzi.
Le milieu des affaires s’est quant à lui réjoui du retour de M. Sabia au Québec.
Il est un choix judicieux pour reprendre les rênes d’une société d’État en pleine transformation, Hydro-Qué‐ bec. Il connaît autant les en‐ jeux internationaux que ceux propres au Québec. Ce sera un allié du milieu écono‐ mique, j’en suis certain, a indi‐ qué le président du Conseil du patronat du Québec, Karl Blackburn.
Avec la collaboration de Véronique Prince