Des enfants de moins de six ans dans des installations temporaires de la DPJ
Le manque criant de fa‐ milles d'accueil en Mauri‐ cie a forcé la DPJ (Direction de la protection de la jeu‐ nesse) à héberger plusieurs enfants de moins de six ans, dont au moins un pou‐ pon, dans ses installations temporaires au cours des dernières semaines. Dans certains cas, les enfants y sont restés plus de 10 jours alors que ces séjours sont habituellement limités à de très courtes périodes.
Il s'agit d'une situation ex‐ ceptionnelle et sans précé‐ dent, a réagi le directeur ad‐ joint de l'hébergement jeu‐ nesse au CIUSSS MCQ, Ma‐ thieu Bédard, mardi. On a dé‐ jà vu des situations comme celle-là, mais très peu dans cette tranche d’âge. On réus‐ sissait toujours à bien reposi‐ tionner les bébés.
Le ministre responsable de la DPJ, Lionel Carmant, s’est pourtant opposé dans le pas‐ sé à l'implantation de foyers de groupe pour les jeunes en‐ fants. La DPJ Mauricie ne défi‐ nit toutefois pas les installa‐ tions concernées comme des foyers de groupe, mais plutôt comme un secteur d'héberge‐ ment temporaire d'urgence , faisant valoir que les enfants ne sont pas intégrés au groupe des 6 à 12 ans qui oc‐ cupe le même bâtiment. Les plus jeunes bénéficient aussi d’un meilleur encadrement, soit d’un intervenant par en‐ fant, plaide Mathieu Bédard.
Ce qu’on a mis en place correspond à une chambre dans une famille , insiste-t-il, tout en admettant que les en‐ fants sont exposés à une ro‐ tation constante d’interve‐ nants, contrairement à la sta‐ bilité d’une famille d’accueil.
Mathieu Bédard explique que les enfants se sont re‐ trouvés dans cette situation, car les demandes d’héberge‐ ment ont augmenté significa‐ tivement sans que le nombre de familles d’accueil ne suivent la même trajectoire.
On est à pleine capacité. Ce n’est pas d’hier qu’on in‐ forme la population pour lui dire qu’on a besoin d’elle. Si les gens sont intéressés à prê‐ ter main forte, ils sont les bienvenus , affirme-t-il.
Des critères de sélection critiqués
La présidente du regrou‐ pement des familles d'accueil du Québec, Geneviève Rioux, affirme que des familles ont pourtant levé la main pour ai‐ der, mais qu’elles sont écar‐ tées injustement.
Le foyer de groupe est uti‐ lisé pour, excusez mon lan‐ gage, parker un enfant, parce qu’on n’a pas de place ailleurs. Mais les places ailleurs, on les a. On se ferme les yeux pour plusieurs raisons : parce que la famille d'accueil n'a pas été fine, parce qu’elle a refusé de rendre service à l’établisse‐ ment. Ça, ça ne devrait jamais exister, dénonce-t-elle.
Ses propos rejoignent des témoignages de familles d’ac‐ cueil, d’intervenants et d’avo‐ cats spécialisés en protection de la jeunesse qui se sont confiés à Radio-Canada.
La DPJ répond qu'elle fait déjà preuve de flexibilité lorsque c’est possible. Il y a des critères sur lesquels on s’assouplit. On peut donner des dérogations temporaires, mais il y a d’autres critères qu’on ne souhaite pas abais‐ ser pour toutes sortes de rai‐ sons. Si on génère trop de déséquilibres, on met en péril le projet de vie de tous les en‐ fants hébergés dans un mi‐ lieu, rétorque Mathieu Bé‐
dard.
Des intervenantes pré‐ occupées
Le syndicat qui représente les intervenants de la DPJ s’in‐ quiète de voir que de plus en plus d’enfants en bas âges sé‐ journent dans des installa‐ tions temporaires.Ça veut dire qu’il y a de moins en moins de marge de manoeuvre avec les familles d’accueil indique Ma‐ non Hamel, de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS).
Cette dernière estime que la DPJ joue avec les mots en affirmant que ses installations temporaires n’équivalent pas à un foyer de groupe. Manon Hamel craint que les séjours se multiplient et s’allongent pour les bambins. S’ils sont physiquement en sécurité au‐ près des intervenants, selon elle, leur sécurité affective est en jeu.
La DPJ dénombre environ 540 familles d'accueil pour plus de 1200 enfants.
Avec les informations d’Amélie Desmarais