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Droits des jeunes LGBTQ+ : la lettre ouverte de Blaine Higgs ne convainc pas

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Les explicatio­ns du pre‐ mier ministre du NouveauBru­nswick, qui a clarifié dans une lettre ouverte vendredi ses motifs pour demander la révision de la politique 713, n’ont pas semblé convaincre ceux qui ont à coeur la sécurité des jeunes LGBTQ+.

La politique 713, mise en place en 2020 par le gouver‐ nement progressis­te-conser‐ vateur du Nouveau-Bruns‐ wick, établit les exigences mi‐ nimales afin que les écoles publiques soient des milieux sécuritair­es pour tous les élèves LGBTQ+ dans la pro‐ vince.

Dans sa lettre publiée par le Telegraph-Journal, le pre‐ mier ministre Blaine Higgs in‐ dique que trois sections de la politique seront réexami‐ nées : le droit des jeunes de ne pas partager avec leurs pa‐ rents un changement infor‐ mel de prénom ou de pro‐ nom à l’école, le choix de la salle de toilette à utiliser, et la participat­ion des personnes transgenre­s aux sports sco‐ laires.

Mettre les enfants di‐ rectement en danger

Au moins, on est un petit peu moins dans le noir. On sait qu’est-ce qu'il s'attend de changer, mais ce qu'il s'attend de changer, c'est pas vrai‐ ment ce qu'on veut, a résumé Caitlin Furlong, agente de communicat­ion de Fierté Dieppe Pride, dans un entre‐ tien samedi.

Il dit dans sa lettre qu'on va rendre la politique meilleure. Bien non, c'est pas rendre la politique meilleure. C'est en train de mettre les enfants directemen­t en dan‐ ger.

Caitlin Furlong, agente de communicat­ions, Fierté Dieppe

Dans les deux dernières semaines, un concert de voix s’est élevé pour demander le maintien de cette politique. La présidente de la Fédéra‐ tion des jeunes francophon­es du Nouveau-Brunswick (FJFNB), Clémence Langlois, ne lit dans la lettre rien de plus qu’une synthèse de ce que Blaine Higgs a mentionné ces derniers jours.

Ses propos n'ont pas chan‐ gé par rapport à ce qu'il avait dit dans les dernières se‐ maines, observe-t-elle. Notre point de vue ne change pas particuliè­rement non plus.

On est encore vraiment conviancus que la poli‐ tique 713 est d'une énorme importance dans les écoles, tout de suite, et on ne pense pas qu'une révision pour en‐ lever certains aspects de la politique est la bonne chose à faire, a déclaré Clémence Lan‐ glois, samedi.

Non, ça ne nous rassure pas du tout, renchérit Caitlin Furlong, abasourdie par cer‐ taines des préoccupat­ions de Blaine Higgs. Je comprends pas pourquoi qu'en 2023 on est encore en train d'avoir ce débat-là sur les salles de bain.

Le monde veut juste aller à la salle de bain. Personne n'est là pour une mission ulté‐ rieure. Le monde veut aller à la salle de bain et sortir.

Caitlin Furlong

D'avoir une personne trans qui va dans la salle de bain, martèle Caitlin Furlong, ne va pas mettre d'autres per‐ sonnes en danger. C'est plu‐ tôt eux autres [les personnes trans] qui vont se sentir en danger en rentrant dans ces salles de bain, en raison des médias, puis des stéréotype­s qu'on propage envers les per‐ sonnes qui sont transgenre­s.

Droits parentaux

Les personnes rencon‐ trées samedi se sont en parti‐ culier attardées sur l’insis‐ tance du premier ministre à vouloir élever les droits des parents au-dessus de la sécu‐ rité de certains jeunes. La poli‐ tique 713 stipule que, lors‐ qu’un élève utilise un autre prénom à l’école, que les auto‐ rités scolaires ne peuvent pas le révéler à ses parents sans l’accord du jeune.

Selon Blaine Higgs, cela ne respectera­it pas le droit des parents d’être tenus informés.

Les jeunes ont besoin d'un espace pour explorer la vie hors de la maison, selon une personne qui est passée par là. Alex Brownstein explique avoir fait son coming out à 15 ans auprès de ses cama‐ rades de classe et de profes‐ sionnels de son école secon‐ daire. Je ne l'ai pas dit à mes parents tout de suite. Ce n'était pas pour les exclure.

Dans un autre milieu, hors de la maison, je sentais un peu plus d'ouverture pour pouvoir m'exprimer au début et pouvoir tester avec mes amis d'une génération sem‐ blable comment ça allait aller. Ensuite, je l'ai dit à mes pa‐ rents. Mais j'ai pu me sentir à l'aise et gagner cette confiance avec mes amis avant de le dire aux parents, explique Alex Brownstein.

Dans sa lettre de vendredi, Blaine Higgs affirme que les enfants de moins de 16 ans peuvent changer leur prénom sans en informer leurs pa‐ rents ni obtenir leur consen‐ tement. Cela est inexact, puisque l’accord des parents est obligatoir­e pour un chan‐ gement de nom légal, qui n’est pas du ressort de la poli‐ tique713.

Encore une fois, pour les jeunes qui sont âgés de moins de 16 ans, si on fait des chan‐ gements dans des documents administra­tifs, les parents vont être mis au courant, ré‐ sume Caitlin Furlong.

De façon informelle, n'im‐ porte qui dans notre jeu‐ nesse, on se faisait appeler des [surnoms] dans nos vies de tous les jours, puis les pa‐ rents se faisaient jamais aver‐ tir. C'était jamais un pro‐ blème. Ça devient juste un problème quand on parle des personnes qui sont trans, soutient-elle.

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Alex Brownstein avance qu’il semble y avoir chez le premier ministre une incom‐ préhension quant à la nature même de l’orientatio­n sexuelle ou l’identité de genre, qui ne sont pas des choix, ditiel.

Moi, je suis une personne trans, non binaire, queer, gaie. Et si j'avais eu le choix, au se‐ condaire, je n'aurais pas choisi de l'être! J'aurais choisi d'une personne cisgenre et hétéro‐ sexuelle, déclare Alex Brown‐ stein.

Le questionne­ment par rapport à mon identité de genre et mon orientatio­n sexuelle m'a tellement trau‐ matisé.e que j'avais des idées suicidaire­s à cause de ça. Estce qu'on dit que c'est ça qu'on veut créer dans nos écoles? Des idées suicidaire­s chez les jeunes?

Alex Brownstein

Alex Brownstein ajoute qu’une représenta­tion saine de la diversité sexuelle et de genre dans les écoles crée un milieu où les enfants peuvent se découvrir dans un espace sécuritair­e.

Les écoles sont censées être un endroit sécuritair­e, un endroit où les jeunes se sentent inclus et respectés. Cette politique justement as‐ sure ça, assure que les jeunes se sentent inclus et en sécuri‐ té, mentionne de son côté Clémence Langlois, de la Fé‐ dération des jeunes franco‐ phones du Nouveau-Bruns‐ wick (FJFNB).

La FJFNB n'est pas contre la révision de la politique, tant que c'est pour amener des changement­s pour le positif, dit-elle. Toutefois, elle ne croit pas que les motifs de préoc‐ cupations du premier mi‐ nistre doivent mener à une abolition de certaines disposi‐ tions de la politique, ou à leur réforme en profondeur.

La porte-parole jeunesse ajoute qu’elle voit d’un bon oeil la prise de position, dans la dernière semaine, de plu‐ sieurs membres du Cabinet de Blaine Higgs, qui ont affir‐ mé leur soutien à la poli‐ tique 713.

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