Le gazon est long et c’est voulu!
Vous marchez dans un parc et constatez que d'un côté le gazon a été tondu, et de l'autre, l’herbe et le pissen‐ lit poussent librement.
L'employé qui tondait le gazon aurait-il laissé son tra‐ vail en plan? Non, il a fait ce qu'on lui a demandé : il a cou‐ pé seulement où cela est né‐ cessaire. Un choix écologique.
La gestion différenciée, comme le décrit la Ville de Montréal, est un entretien adapté des espaces verts se‐ lon leurs caractéristiques et leurs usages.
Le parc Félix-Leclerc dans l'arrondissement Mercier–Ho‐ chelaga-Maisonneuve en est un bon exemple, explique Sier-Ching Chantha, agente de recherche en verdissement pour l’arrondissement.
Ici, il y a de grands espaces gazonnés. On est sur le bord du boulevard Langelier et c’est en pente. Cet espace n'est pas très utilisé et il ne peut pas non plus faire l'objet d'aménagement, donc c'est très approprié pour la gestion différenciée.
Par exemple, un terrain de soccer. C'est sûr, qu'on a be‐ soin que le gazon soit tondu court pour pratiquer le sport, donc c'est vraiment justifié de tondre de façon hebdoma‐ daire, mais d'autres endroits moins utilisés, non!
Sier-Ching Chantha, agente de recherche en ver‐ dissement
Cette pratique a l'avantage de réduire les coûts et le nombre d’heures de travail al‐ louées à la tonte de la pelouse et, surtout, de favoriser la bio‐ diversité.
Ça permet aux plantes de fleurir et de terminer leur cycle de vie. Les herbes longues, c'est un habitat pour les insectes et ça attire les oi‐ seaux! Et ça aide à réguler la température, fait-elle valoir. Il y a une différence entre le ga‐ zon coupé et le gazon non tondu, il peut faire 5 degrés Celsius de moins.
Depuis deux ans, l'arron‐ dissement Mercier–Hochela‐ ga-Maisonneuve applique cette approche, comme bien d'autres arrondissements et, chaque année, d'autres parcs et espaces verts s'y ajoutent, comme le parc de la Prome‐ nade-Bellerive.
La gestion différenciée est aussi appliquée pour certains terre-pleins et aux abords des grands axes routiers.
Écouter le reportage de Karine Mateu diffusé à l'émis‐
sion L'heure du monde.
Pas besoin d'un gazon parfait!
Dans l’entrepôt de Gloco, des sacs de semences à gazon sont empilés jusqu’au pla‐ fond. L'entreprise québécoise vend aux centres jardins, aux villes, au ministère du Trans‐ port et aux golfs, entre autres.
On a plus de 180 mé‐ langes. On a ici un mélange utilisé pour la revitalisation des mines, on en fait un mé‐ lange qui s'appelle MTQ, mi‐ nistère du Transport du Qué‐ bec, pour mettre sur le bord de l'autoroute. On en a pour les terrains secs, humides, sa‐ blonneux, rocailleux ou des terrains en pente, poursuit Bruno Chabot, représentant aux ventes en horticulture de Gloco. Celui-là, c'est un mé‐ lange qui tient le sol pour évi‐ ter l'érosion.
Le gazon a beaucoup d'avantages, fait-il valoir. En plus de s'adapter à différents sols et climats, il résiste au piétinement et au sel de dé‐ glaçage et est bien moins chaud que le béton. Et pour en profiter, pas besoin d'avoir un gazon parfait!
On ne doit pas le couper tous les samedis à 10 h après avoir fait le ménage! Souvent, les gens ont tendance à cou‐ per la pelouse trop court, avertit-il. Ça, ça vient principa‐ lement de l'Angleterre, de la monarchie, où l'on voyait des gens riches avoir des beaux gazons. Les gens sont mainte‐ nant rendus à une autre étape.
Et, ajoute-t-il, il n'est pas nécessaire d'avoir une pe‐ louse à la grandeur du terrain, mais plutôt à certains en‐ droits où l'on veut en profiter et le reste du terrain, on peut le combler avec des fleurs sauvages, par exemple.
Ce qui est important, dans le meilleur des mondes, c'est d'éviter la monoculture. C'est la même chose si on décide de mettre du trèfle plutôt que du gazon.
Bruno Chabot, représen‐ tant aux ventes en horticul‐ ture chez Gloco
L’entreprise, qui existe de‐ puis plus de 100 ans, s'est adaptée au fil des ans aux be‐ soins de ses clients, assure Bruno Chabot, et elle produit désormais un gazon dit écolo‐ gique. Ça change, on le voit. On a donc confectionné un gazon où il y a du trèfle et autres graminées, et il est uti‐ lisé à Montréal.
Au-delà du Québec
Danielle Dagenais, profes‐ seure à la Faculté de l’aména‐ gement de l’Université de Montréal et spécialiste des in‐ frastructures vertes, revient tout juste de Londres, où elle a constaté que la pratique de la gestion différenciée y est de plus en plus appliquée.
Dans le monde, il n'y a pas de doute que l'approche [de la gestion différenciée] prend de l'ampleur, c'est clair!
Danielle Dagenais, profes‐ seure à l'Université de Mont‐ réal
À Londres, il y a 15-20 ans, ça m'avait frappée : dans des parcs royaux de très haut standing comme Regent's Park, il y avait des sections où on n'entretenait pas la pe‐ louse, surtout sous les arbres, explique la professeure. Cette fois-ci, dans tous les parcs, pe‐ tits, grands, majestueux, la gestion différenciée est appli‐ quée.
Ça ne veut pas dire que l'on ne tond plus du tout. Le