À partir de quel âge les femmes devraient-elles passer une mammographie de routine?
Au Canada, les mammogra‐ phies de routine sont sur‐ tout recommandées aux femmes à partir de 50 ans. Des expertes exhortent toutefois le groupe qui éla‐ bore la ligne directrice à l’échelle du pays de préco‐ niser cet examen dès l'âge de 40 ans, convaincues que cela pourrait sauver des vies.
Si la Société canadienne du cancer note une prévalence du cancer du sein principale‐ ment chez des femmes âgées entre 50 et 69 ans, la Québé‐ coise Annie Slight a pourtant reçu un diagnostic alors qu’elle n’avait que 42 ans.
Après 10 ans de médica‐ tion, des traitements de chi‐ miothérapie, une hystérecto‐ mie complète, une mastecto‐ mie bilatérale et deux chirur‐ gies de reconstruction, elle demande des autorités du domaine une meilleure écoute des survivantes et une mise à jour des lignes direc‐ trices à l'instar de celle qui a eu lieu aux États-Unis. Les mammographies y sont à pré‐ sent recommandées dès 40 ans plutôt qu'à partir de 50 ans.
À 40 ans, on n’est pas trop jeune pour un cancer du sein.
Annie Slight
Quelles sont les direc‐ tives actuelles pour le dé‐ pistage au Canada?
La ligne directrice pour le dépistage du cancer du sein pour les femmes qui ne sont pas à risque accru est établie par le Groupe d’étude cana‐ dien sur les soins de santé préventifs. Elle repose sur un rapport bénéfices-préjudices.
Qu’est-ce que le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs?
Il s’agit d’un groupe de 15 experts qui élabore des lignes directrices qui sou‐ tiennent les fournisseurs de soins de santé primaires dans la prestation de soins préven‐ tifs. Créé par l’Agence de la santé publique du Cana‐ da (ASPC), il s’appuie sur une analyse systématique de preuves scientifiques.
Ce rapport est moins favo‐ rable chez les femmes de 40 à 49 ans que chez les femmes plus âgées, peut-on lire dans sa dernière ligne directrice, mise à jour en 2018.
Chez les femmes âgées de 40 à 49 ans, nous ne re‐ commandons pas le dépis‐ tage par mammographie; la décision d’avoir ou non un dé‐ pistage dépend de la valeur relative qu’une femme ac‐ corde aux bénéfices et aux préjudices potentiels du dé‐ pistage.
Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préven‐ tifs
Selon la Dre Guylène Thé‐ riault, coprésidente du Groupe et médecin de famille, les faux positifs constituent un préjudice, à cause des torts physiques et psycholo‐ giques causés aux femmes. Il s’agit de mammographies qui exigent des examens supplé‐ mentaires, comme une écho‐ graphie ou une biopsie, mais qui ne décèlent pas de cancer en fin de compte.
Un autre préjudice, ce sont les surdiagnostics, explique-telle, des cancers du sein qui, s'ils n'avaient pas été détec‐ tés, n'auraient jamais causé de problème. Les surdiagnos‐ tics mènent à des traitements inutiles, selon elle.
Trouver plus de cancers, ça ne veut pas dire qu'on a un bénéfice. Il faut que ça [mène à] une diminution de la mor‐ talité.
Dre Guylène Thériault, co‐ présidente du Groupe d’étude canadien sur les soins de san‐ té préventifs
Selon le Groupe, sur 1000 femmes de 40 à 49 ans subissant des dépistages ré‐ guliers sur une période de 7 ans sans avoir de risque ac‐ cru, moins d’un décès par can‐ cer du sein est évité, en moyenne.
Le Groupe note toutefois que des femmes de cette tranche d'âge peuvent vouloir un dépistage de routine.
Chaque femme a ses propres valeurs et préfé‐ rences et [accorde] plus ou moins d’importance à certains bénéfices ou préjudices. Si les femmes de ce groupe d’âge souhaitent un dépistage, elles devraient avoir une discus‐ sion avec leur professionnel de la santé, indique-t-il.
La Dre Thériault souhaite que des informations justes et transparentes soient don‐ nées aux femmes, puisqu'il leur revient de décider si les risques l'emportent sur les bénéfices.
Des bénéfices sous-esti‐ més, selon d'autres spécia‐ listes
Selon la Dre Paula Gordon, radiologiste spécialiste du sein à Vancouver et profes‐ seure à l'Université de la Co‐ lombie-Britannique (UBC), en‐ viron 17 % des cancers du sein surviennent chez des femmes dans la quarantaine, soit à peine moins que chez les femmes dans la cinquan‐ taine, et ils se développent plus vite.
La Dre Jean Seely, cheffe du Service d'imagerie du sein de l'Hôpital d'Ottawa et pro‐ fesseure titulaire à la Faculté de médecine de l'Université d'Ottawa, croit que la recom‐ mandation du Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs sous-es‐ time les avantages du dépis‐ tage avant 50 ans.
Le plus important, selon elle, est la détection des can‐ cers à un stade précoce, ce qui peut notamment per‐ mettre d'éviter des traite‐ ments plus lourds.
Dans un article publié dans le Journal de l’Association ca‐ nadienne des radiologistes en mai, les docteures Jean Seely et Paula Gordon, entre autres, affirment que la mammogra‐ phie de dépistage réduit la mortalité du cancer du sein de 41 % chez les femmes dé‐ pistées entre 40 et 69 ans.
Elles ajoutent que les lignes directrices du groupe d'étude sur les soins préven‐ tifs ne tiennent pas compte de recherches récentes. Ces lignes directrices s'appuient uniquement sur des essais randomisés réalisés entre les années 1960 et 1980, notentelles.
Il faut inclure d'autres types d'analyses, parce que quand on a des études sur deux ou trois millions de per‐ sonnes, on ne peut pas les ignorer. C'est ça la limite des
Taskforces.
Dre Jean Seely, cheffe du Service d'imagerie du sein de l'Hôpital d'Ottawa et profes‐ seure titulaire à la Faculté de médecine de l'Université d'Ot‐ tawa
Mise à jour de la ligne di‐ rectrice à venir
La Dre Guylène Thériault affirme que le Groupe d’étude canadien sur les soins de san‐ té préventifs a entrepris une mise à jour complète de sa ligne directrice pour le dépis‐ tage du cancer du sein au dé‐ but de 2023.
Elle explique que la revue systématique des données de la littérature à laquelle le groupe s’adonnera inclura aussi des études observation‐ nelles.
On veut mettre tout ça en‐ semble et voir ce qu'on va re‐ commander dans le futur. [...] Mais à notre connaissance, même en ayant lu toute la re‐ vue systématique des ÉtatsUnis, il n'y a pas beaucoup de choses qui sont différentes de 2018, note toutefois la Dre Thériault.
Elle n’a pas précisé la date de publication de la mise à jour, mais elle assure que le Groupe travaille très fort pour faire ça le plus rapidement possible.
Au Canada, seuls la Colom‐
bie-Britannique, la NouvelleÉcosse, l’île du Prince Édouard et le Yukon permettent aux femmes de 40 à 49 ans de passer une mammographie sans référence du médecin.
Ailleurs sur le web :
La ligne directrice sur le dé‐ pistage du cancer du sein du
Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs