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L’industrie forestière doublement frappée par les feux et le plan de protection du caribou

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Les temps sont durs pour les compagnies forestière­s. Une partie de leur gagnepain est en train de partir en fumée avec les feux de forêt qui sévissent partout au Québec. Elles doivent aussi conjuguer avec le dé‐ ploiement de la stratégie de rétablisse­ment du cari‐ bou forestier. Une bonne partie du bois qui devait être coupé par l'industrie cette année lui a déjà été retiré par le gouverne‐ ment.

Toutes les opérations fo‐ restières sont présenteme­nt arrêtées au Québec alors que l'indice d'inflammabi­lité de‐ meure extrême et que la prio‐ rité est de combattre les feux de forêt.

Mais l'industrie forestière se demande ce qui va rester pour approvisio­nner ses usines après tout ce branlebas de combat en raison des immenses superficie­s affec‐ tées par des incendies.

Quand on regarde dans l'ensemble du Québec, c'est très préoccupan­t. Qu'est-ce qui va arriver avec la possibili‐ té forestière avec autant d'hectares qui brûlent présen‐ tement? C'est très, très, très préoccupan­t pour la suite, s’est inquiété Claude Dupuis, directeur général de la coopé‐ rative forestière Groupe Fo‐ restra.

En plus des hectares qui brûlent, des installati­ons fo‐ restières ont été menacées. Dans la nuit de vendredi à sa‐ medi, le feu de forêt s'est ap‐ proché dangereuse­ment de l’usine de pâte Nordic Kraft de Chantiers Chibougama­u si‐ tuée à Lebel-sur-Quévillon, cette municipali­té du Norddu-Québec évacuée d'ur‐ gence vendredi soir.

Il y a un noyau de quelques personnes qui sont demeurées sur place de ma‐ nière absolument coordon‐ née avec la Sécurité publique pour supporter l'interventi­on autour de l'usine pour la sécu‐ riser, pour réduire les risques qui étaient liés, a déclaré Fré‐ déric Verreault, le directeur exécutif développem­ent cor‐ poratif pour Chantiers de Chi‐ bougamau, lors d'une entre‐ vue accordée à Place pu‐ blique.

Des impacts déjà sentis

De plus, un autre cassetête s'ajoute pour Chantiers Chibougama­u.

L'entreprise a reçu la direc‐ tive du gouverneme­nt de ne pas procéder aux coupes pré‐ vues cet été dans des sec‐ teurs qui vont se retrouver au coeur de la stratégie pour sauver le caribou. Cette stra‐ tégie doit être dévoilée en juin, mais le gouverneme­nt a décidé d'agir de manière pré‐ ventive pour protéger l'habi‐ tat de cette espèce menacée.

Pourtant, les permis de coupe avaient été délivrés par Québec il y a quelques se‐ maines à peine et les chemins forestiers ont déjà été construits.

Cette informatio­n a d’abord été dévoilée par Le Quotidien. Selon ce qu’il a été possible d’apprendre, il serait ainsi très mal vu que des abatteuses soient déjà en train de couper dans des sec‐ teurs clés quand la stratégie sera annoncée.

Pour Chantiers Chibouga‐ mau, ce changement de der‐ nière minute représente 2000 camions chargés de bois à trouver ailleurs.

On estime, avec l’informa‐ tion préliminai­re que l’on a de‐ puis une dizaine de jours, que c’est 80 000 mètres cubes qui étaient planifiés pour être ré‐ coltés en 2023 qui ne le seront pas. Ces secteurs-là sont im‐ médiatemen­t soustraits de toute planificat­ion. Évidem‐ ment, 80 000 mètres cubes c’est passableme­nt de bois, c’est du bois pour plus d’un mois d’activité à l’usine. Donc depuis qu’on a l’informatio­n on est sur la planche à dessin pour essayer de voir s’il existe des solutions, des alterna‐ tives, a étalé Frédéric Ver‐ reault, lors d'une seconde en‐ trevue.

Forestra a agi de façon préventive

La situation est cependant différente pour la coopérativ­e Groupe Forestra de Laterrière qui devait couper dans le sec‐ teur du réservoir Pipmuacan cette année.

À cet endroit, les Innus de Pessamit réclament une aire protégée depuis 2019, parce que c'est un territoire névral‐ gique pour le caribou.

Le ministre de l'Environne‐ ment a promis d'en créer une avec la stratégie caribou, mais sans annoncer de superficie.

Alors même si Forestra a toutes les autorisati­ons pour récolter et qu'elle a investi dans un camp forestier et pour construire des chemins forestiers dans un secteur dif‐ ficile d'accès, la coopérativ­e a décidé de reculer, de se retirer du secteur en 2023-2024, pour ne pas envenimer les choses.

Nous, on a décidé de se re‐ tirer de ces secteurs-là ce prin‐ temps à la suite de toute la pression qu'il y avait. On a dit au gouverneme­nt et aux au‐ tochtones :"Réglez vos choses, parlez-vous." On ne veut pas mettre d'huile sur le feu, comme on dit, donc on va laisser la chance au cou‐ reur. On n’ira pas jouer dans ces secteurs-là, a expliqué Claude Dupuis. On a deman‐ dé des autorisati­ons pour de nouveaux secteurs qui nous ont été autorisées, donc on a déplacé nos opérations dans de nouveaux secteurs.

Forestra a donc déplacé ses opérations dans la réserve faunique des Laurentide­s, sans savoir qu'il y aurait là aussi des revendicat­ions au‐ tochtones.

Rappelons que la semaine dernière, un groupe composé d'Innus qui veut empêcher l'exploitati­on forestière sur des parties du Nitassinan, le Collectif Mashk Assi, a envoyé des avis d'expulsion aux com‐ pagnies forestière­s avant de bloquer un chemin forestier dans la réserve faunique des Laurentide­s..

Cependant, il n’est pas question de reculer de ce côté pour Forestra.

À un moment donné, si les gens veulent du bois de constructi­on, il faut pouvoir couper quelque part, lancé Claude Dupuis.

À l'opposé, le directeur gé‐ néral de Groupe Lignarex, Éric Rousseau, s'était dit ouvert à négocier avec le groupe qui avait des revendicat­ions sur le territoire. L'entreprise avait cessé ses opérations dans le secteur de la rivière Pikauba en raison du blocus.

Des compensati­ons de‐ mandées

Tant du côté de Chantiers Chibougama­u que Forestra, des compensati­ons seront demandées au gouverne‐ ment pour les coûts engen‐ drés par ce cafouillag­e puisque c'est la planificat­ion forestière de Québec qui est en cause. Les deux compa‐ gnies se disent toutes deux préoccupée­s par l'avenir du caribou forestier et disent poursuivre le dialogue pour trouver des solutions.

D'après un reportage de Priscilla Plamondon Lalan‐ cette et avec les informatio­ns de Marie-Michèle Bourassa

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