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Attaques de James Smith : les jurés présentent 4 recommanda­tions aux forces policières

- Vincent H. Turgeon

Quatre recommanda­tions ont été faites jeudi soir par les jurés de l’enquête du co‐ roner portant sur l’arresta‐ tion et la mort de Myles Sanderson, l’auteur des at‐ taques survenues le 4 sep‐ tembre 2022 en Saskatche‐ wan. L’ensemble de ces re‐ commandati­ons se sont adressées aux forces poli‐ cières. Que s’est-il passé le 4 septembre 2022?

Le 4 septembre 2022, Myles Sanderson a poi‐ gnardé 11 personnes, dont son frère, Damien Sander‐ son, et en a blessé 17 autres dans la Nation crie James Smith et dans le village voisin de Weldon, en Saskatche‐ wan. Il s’agit de la pire at‐ taque à l’arme blanche de l’histoire du Canada.

S'en est suivie une chasse à l’homme pendant trois jours, jusqu'à ce que les forces de l’ordre aient repéré, le 7 septembre, la voiture vo‐ lée dans laquelle se déplaçait Myles Sanderson près du vil‐ lage de Rosthern, à 66 km au nord-est de Saskatoon.

Peu de temps après son arrestatio­n, le fugitif s'est re‐ trouvé en état de détresse respiratoi­re. Des ambulan‐ ciers ont été appelés sur les lieux pour l’emmener dans un hôpital de Saskatoon, où son décès a finalement été déclaré.

Les six membres du jury recommande­nt à la Gendar‐ merie royale du Canada (GRC) d’offrir un entraîne‐ ment obligatoir­e de conduite automobile, notamment en y incluant la technique d'im‐ mobilisati­on provoquée.

C’est cette dernière, effec‐ tuée par la gendarme Heidi Marshall, qui a permis d’arrê‐ ter Myles Sanderson alors que les forces policières étaient engagées dans une poursuite automobile avec le fugitif.

Les jurés aimeraient éga‐ lement que la GRC réévalue leurs politiques concernant les poursuites automobile­s à grande vitesse, et ce, afin d’assurer la sécurité de toutes les personnes impli‐ quées dans ce type de situa‐ tion.

Le jury demande aussi à la GRC d’offrir davantage d’entraîneme­nt dans les tech‐ niques d’extraction de per‐ sonnes, notamment d’un vé‐ hicule, dans le but de procé‐ der à leur arrestatio­n.

Finalement, le jury recom‐ mande au Service de police de Saskatoon de mettre en place une équipe dédiée à la recherche des personnes ayant un mandat d’arresta‐ tion à leur endroit.

Ces quatre recommanda‐ tions sont basées sur les preuves et les témoignage­s entendus au cours des quatre derniers jours.

Ce sera ensuite aux diffé‐ rentes agences concernées de déterminer quelles re‐ commandati­ons elles sou‐ haitent appliquer et com‐ ment procéder.

Les jurés concluent égale‐ ment que Myles Sanderson est mort accidentel­lement d’une surdose de cocaïne. Une conclusion qui fait échos au témoignage du psycho‐ logue aux enquêtes crimi‐ nelles, Matt Logan, entendu plus tôt dans la journée.

Des semaines difficiles qui apportent un soulage‐ ment

Eddie Head, le représen‐ tant de la famille de Myles Sanderson dans le cadre de cette enquête, se dit heureux des témoignage­s et preuves entendus au cours des der‐ niers jours.

Il y avait des rumeurs se‐ lon lesquelles Myles avait été maltraité par la police, ex‐ plique-t-il par exemple. Nous avons vu que ça n’a pas été le cas.

Eddie Head se dit égale‐ ment heureux de voir que les forces de l’ordre ont tout fait ce qui était en leur pouvoir pour sauver la vie de Myles Sanderson.

Même son de cloche du côté de Wally Burns, le chef de la Nation crie James Smith.

Je veux remercier les poli‐ ciers de la GRC pour le travail qu’ils ont fait. [...] Au nom de notre communauté, j’aime‐ rais envoyer toutes nos prières aux ambulancie­rs, aux gendarmes et à tous ceux qui ont aidé [le jour de l’arrestatio­n de Myles].

Pour sa part, la comman‐ dante divisionna­ire de la GRC de la Saskatchew­an, Rhonda Blackmore, estime que les re‐ commandati­ons faites à l'en‐ droit de son organisati­on sont très pertinente­s.

Nous allons étudier ces recommanda­tions et verrons si nous sommes en mesure de les implanter, affirme-telle.

Rhonda Blackmore note toutefois que le type de ma‐ noeuvre effectuée par la gen‐ darme Heidi Marshall est ra‐ rement utilisé. Ce genre de situation arrive rarement, mais est très risquée. Nous devons voir quel entraîne‐ ment nous pouvons offrir pour ça.

De son côté, le conseiller du coroner, Timothy Hawry‐ luk, reconnaît la difficulté qu’ont représenté­e les deux enquêtes du coroner concer‐ nant les attaques de James Smith.

Ce fut l’un des dossiers les plus difficiles que j'ai eu au cours de ma carrière. En même temps, ce fut l’un des plus enrichissa­nts.

Timothy Hawryluk, conseiller du coroner

Malgré les défis que lui ont posés ces nombreuses semaines d’audience, Timo‐ thy Hawryluk souligne le côté humain qui en est ressorti, notamment les relations qui se sont créées entre des membres de la Nation crie et des gendarmes de la GRC.

Un tueur indifféren­t à sa propre mort

Dernier témoin entendu jeudi matin, le psychologu­e aux enquêtes criminelle­s Matt Logan juge que Myles Sanderson était indifféren­t à sa propre mort .

Ce dernier n’aurait donc pas eu le désir de se suicider, et ce, même s'il est finale‐ ment mort d'une surdose de cocaïne, estime l’expert.

Le psychologu­e aux en‐ quêtes criminelle­s fait valoir que si le fugitif avait voulu se tuer intentionn­ellement, il aurait pu le faire avant que les policiers ne l’arrêtent.

Il donne notamment pour exemple la poursuite auto‐ mobile entre Myles Sander‐ son et les forces de l’ordre alors qu’il roulait à plus de 140 km/h sur l’autoroute 11 en sens inverse de la circula‐ tion. Le fugitif aurait alors fa‐ cilement pu diriger sa ca‐ mionnette vers un autre vé‐ hicule.

Matt Logan croit que Myles Sanderson voulait, à ce moment, terminer sa mis‐ sion.

Cette dernière, explique le psychologu­e, était probable‐ ment de se rendre à Saska‐ toon pour tuer sa conjointe, Vanessa Burns.

Matt Logan maintient éga‐ lement que la surdose de co‐ caïne ayant finalement eu raison de Myles Sanderson était accidentel­le, et ce, mal‐ gré l'énorme quantité de drogue ingérée (plus de 10 fois la dose mortelle).

L'expert ne croit pas que l'intention du fugitif était de se tuer, et ce, même s'il est évident que Myles Sanderson a causé sa propre mort.

Le psychologu­e reconnaît cependant que l’état d’esprit du fugitif a pu changer au moment de son arrestatio­n.

L’analyse psychologi­que effectuée par Matt Logan

s’est faite après le décès de Myles Sanderson. Les conclu‐ sions du psychologu­e, bien qu'elles soient basées sur son expertise, ne sont donc que des suppositio­ns.

13 témoignage­s pour dé‐ cortiquer la mort de Myles Sanderson

Ayant débuté le 26 février dernier, 13 témoins ont pris la parole au cours des quatre jours qu’aura duré l’enquête du coroner.

Les différents témoi‐ gnages de même que les preuves entendus, tant par les jurés que par l’audience, ont parfois soulevé la colère chez certains membres de la Nation crie. Cette enquête leur a toutefois également permis de panser leurs plaies et de favoriser leur deuil.

Selon la Loi sur les coro‐ ners, une telle enquête doit être menée lorsqu’une per‐ sonne meurt alors qu'elle est en détention, à moins que le coroner en chef estime que la personne en question est décédée de manière natu‐ relle et que cette mort était inévitable.

Une première enquête avait été organisée en janvier dernier. Cette dernière se concentrai­t sur les attaques elles-mêmes dans la Nation crie James Smith et dans le village de Weldon ainsi que sur la mort des victimes.

Vingt-neuf recommanda‐ tions visant à éviter qu'un drame similaire se répète ont été faites après près de trois semaines d’audience.

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