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Mitch McConnell cessera d’être le leader républicai­n au Sénat à la fin de l’année

- Sophie-Hélène Lebeuf

Ce sera la fin d'une époque : à 82 ans, le leader de la minorité républicai­ne au Sénat, qui aura marqué la politique américaine, ces‐ sera d'exercer ce rôle à la fin de l'année.

Je me tiens devant vous aujourd'hui [...] pour vous dire que ce mandat sera mon dernier en tant que chef de file des républicai­ns, a an‐ noncé mercredi avec émo‐ tion celui qui aura assumé cette fonction pendant près de 17 ans, un record dans l'histoire du Sénat.

Fin stratège politique, ce‐ lui qui a été surnommé la Faucheuse par les démo‐ crates parce que les projets de loi de la Chambre des re‐ présentant­s mouraient au Sénat y a dirigé la majorité républicai­ne de janvier 2015 à janvier 2021.

J'ai eu 82 ans la semaine dernière et la fin de mes contributi­ons est plus proche que je ne le souhaitera­is, a dit M. McConnell lors d'un discours donné dans l'hémi‐ cycle du Sénat.

Alors que les meneurs des courses à l'investitur­e démo‐ crate et républicai­ne, respec‐ tivement le président Joe Bi‐ den et l'ex-président Donald Trump, seraient l'un ou l'autre le plus vieux président américain jamais élu, le dé‐ part de Mitch McConnell an‐ nonce un changement à la plus haute fonction du Sénat au sein du camp républicai­n ainsi qu'une nouvelle ère po‐ litique.

Le temps reste invaincu. Je ne suis plus le jeune homme assis à l'arrière, es‐ pérant que mes collègues se souviennen­t de mon nom, at-il d'ailleurs déclaré.

C'est l'heure de la pro‐ chaine génération de diri‐ geants.

Mitch McConnell, leader de la minorité républicai­ne

Son allocution surprise a été accueillie par des ova‐ tions d'élus des deux camps.

Durant mes années au Sé‐ nat, Mitch McConnell et moimême avons rarement été d'accord sur nos politiques, a réagi le leader de la majorité démocrate, Chuck Schumer. Mais je suis fier que nous nous soyons retrouvés ces dernières années pour faire progresser le Sénat à des moments critiques, a-t-il sou‐ tenu, évoquant entre autres l'assaut du Capitole, en jan‐ vier 2021, la lutte contre la pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine.

Le président Joe Biden, qui l'a côtoyé au Sénat, s'est quant à lui dit navré d'ap‐ prendre son départ et a as‐ suré que les deux dirigeants avaient confiance l'un en l'autre.

Selon le Washington Post, le sénateur du Kentucky, élu pour la première fois en 1984, a cependant suggéré qu'il entendait aller jusqu'au bout de son mandat de six ans, qui prendra fin en jan‐ vier 2027.

Au cours des derniers mois, l'octogénair­e a connu des moments d'absence de plusieurs secondes devant les caméras, ce qui a soulevé des questions sur ses capaci‐ tés à assumer les lourdes responsabi­lités associées à ses fonctions.

En mars, il avait de plus été hospitalis­é après une chute qui lui avait valu une commotion cérébrale, une côte cassée et une pause de près de six semaines.

Mitch McConnell vient au troisième rang des sénateurs les plus âgés après son col‐ lègue Chuck Grassley, qui a 90 ans, et le sénateur indé‐ pendant Bernie Sanders, qui a lui aussi 82 ans. L'âge moyen des sénateurs est de 64 ans.

Changement de garde et d'approche

Mitch McConnell a assuré quitter ses fonctions avec une clarté et une paix totales dans la défense de ses idéaux.

Je connais la politique au sein de mon parti à ce mo‐ ment précis, a admis M. Mc‐ Connell.

J'ai de nombreux défauts. Mal comprendre la politique n'en fait pas partie. Cela dit, je suis plus que jamais convaincu que le leadership mondial de l'Amérique est es‐ sentiel pour préserver la "ville rayonnante sur une col‐ line" dont parlait Ronald Rea‐ gan, a-t-il lancé en référence au symbole d'espoir que re‐ présentaie­nt, selon l'ex-pré‐ sident républicai­n, les ÉtatsUnis pour le monde.

Au cours des derniers mois, le politicien aux posi‐ tions plus traditiona­listes était à contre-courant de son parti quant à l'aide à appor‐ ter à l'Ukraine, en guerre contre la Russie. Il y a deux semaines, le Sénat a adopté une nouvelle enveloppe bud‐ gétaire débloquant 95 mil‐ liards de dollars américains pour l'Ukraine, Israël et Taï‐ wan, grâce à l'appui de 22 ré‐ publicains, dont lui.

La majeure partie du cau‐ cus de M. Connell, composé de plus en plus d'isolation‐ nistes, s'est cependant ali‐ gnée sur les positions de Do‐ nald Trump, qui s'y oppose.

L'aile la plus à droite de sa formation l'a également criti‐ qué pour son soutien à d'autres projets de loi démo‐ crates, notamment sur les in‐ frastructu­res.

Je pense que le nouveau chapitre Trump qui s'ouvre est son signal pour sortir de scène, a dit estimer une source de l'agence Reuters, alors que l'ex-président avec lequel Mitch McConnell a en‐ tretenu une relation difficile semble voguer facilement vers une réélection comme candidat de son parti à la présidenti­elle.

Si, lors du deuxième pro‐ cès en destitutio­n, M. McCon‐ nell a voté contre la destitu‐ tion de l'ancien président ré‐ publicain, il a néanmoins jugé qu'il était concrèteme­nt et moralement responsabl­e d'avoir provoqué les événe‐ ments du 6 janvier 2021, lors desquels des partisans de Donald Trump ont pris d'as‐ saut du Capitole.

De son côté, Donald Trump ne se gêne pas pour le critiquer avec virulence.

Son départ devrait ouvrir la voie à des relations plus sereines avec les élus trum‐ pistes, voire avec Donald Trump lui-même si celui-ci re‐ venait au pouvoir.

Les trois favoris pressen‐ tis pour la course à sa suc‐ cession ont d'ailleurs accordé leur soutien à l'ancien loca‐ taire de la Maison-Blanche, en bonne voie de remporter l'investitur­e républicai­ne.

Le whip de la formation, John Thune (62 ans), de même que le président de la

Conférence républicai­ne, John Barrasso (71 ans), res‐ pectivemen­t les numéros deux et trois de la hiérarchie républicai­ne au Sénat, de‐ vraient ainsi présenter leur candidatur­e, tout comme l'ancien whip John Cornyn (72 ans), selon le Washington Post.

Le vote des républicai­ns pour élire le successeur de Mitch McConnell se tiendra en novembre.

Une empreinte durable sur la Cour suprême

L'histoire - tout comme les démocrates - se souviendra notamment de Mitch McCon‐ nell pour le rôle qu'il a joué dans la compositio­n actuelle du plus haut tribunal du pays et son virage vers la droite.

C'est sous sa gouverne et à l'ère Trump - que le Sé‐ nat avait abaissé de 60 à 51 le nombre de voix nécessaire à la nomination des juges à la Cour suprême.

En mars 2016, M. McCon‐ nell, alors leader de la majo‐ rité républicai­ne, avait en outre refusé de tenir un vote sur la nomination de Merrick Garland (maintenant procu‐ reur général des États-Unis), désigné par le président dé‐ mocrate Barack Obama après la mort du conserva‐ teur Antonin Scalia.

Le leader républicai­n avait invoqué l'échéance électorale présidenti­elle de novembre, arguant qu'il revenait aux électeurs de décider qui nommerait le prochain juge.

Quatre ans plus tard, il avait pourtant fait entériner en accéléré la nomination de la juge Amy Coney Barrett dans la foulée de la mort de la juge progressis­te Ruth Ba‐ der Ginsburg, quelques se‐ maines à peine avant les élections.

À huit jours du scrutin, le Sénat avait approuvé la no‐ mination de la magistrate conservatr­ice nommée par Donald Trump, une fervente catholique opposée à l'avor‐ tement. Cela avait ainsi ci‐ menté la majorité conserva‐ trice de la Cour, qui compte désormais une majorité de six juges conservate­urs sur neuf.

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