Hypertrucage : « Il faut le vivre pour comprendre »
Un projet de recherche de l'Université Laval dé‐ montre qu'après avoir créé volontairement du faux contenu en utilisant l’intel‐ ligence artificielle, une quinzaine d’adultes se sen‐ taient davantage mobilisés dans la lutte à la désinfor‐ mation.
L'étude dirigée par Nadia Naffi, professeure en sciences de l'éducation à l'Université Laval, a été pu‐ bliée dans le Journal of Constructivist Psychology.
Elle et son équipe ont re‐ cruté 16 participants de 18 à 24 ans qui pour la plupart ont une présence sur les mé‐ dias sociaux.
Les participants ont pu, dans une rencontre, créer en moins de trois heures et grâce à l'intelligence artifi‐ cielle (IA), de faux contenus qui reprennent l'image ou la voix de personnes de façon hyperréaliste pour induire en erreur [...] à partir d'applica‐ tions sur un téléphone cellu‐ laire, peut-on lire dans un ré‐ sumé de l'étude.
Facilité à créer du faux contenu
Il y a beaucoup d'applica‐ tions d'IA qui sont acces‐ sibles sur nos téléphones mobiles, prévient Nadia
Naffi. Ce n’est pas les groupes techniques avec des compétences avancées qui sont capables de faire ça, c'est tout le monde.
Les participants ont aussi été soumis à des entrevues individuelles, à une série d'ateliers pratiques et à des discussions. Au départ, si la plupart se sentaient impuis‐ sants dans la lutte à l'hyper‐ trucage, leur comportement à changer après leur créa‐ tion.
C'est vraiment à partir de l'expérimentation de l'hyper‐ trucage que le déclic se fait.
Parler de la désinformation générée par l'IA, sensibiliser, ça ne suffit pas. Il faut le vivre pour comprendre comment ça peut nuire, comment des membres de notre famille peuvent tomber dans le piège, croit la professeure Naffi.
D'observateurs passifs, les jeunes adultes sont devenus mobilisés et prêts à lutter contre ce fléau, ajoute-t-elle. Tous ces ateliers m'ont mon‐ tré à quel point c'est facile d'en créer et encore plus fa‐ cile d'y croire , a lancé une participante. Si cinq per‐ sonnes sensibilisent cinq per‐ sonnes et que ces personnes en sensibilisent cinq autres à leur tour, au bout de 13 ou quelques fois, une grande communauté est sensibilisée
, a fait valoir un participant.
Les dangers des « deep‐ fake »
Le risque est énorme, fait savoir la chercheuse au sujet de l'hypertrucage, de plus en plus présent dans l'espace public.
Elle prend l'exemple de campagnes électorales, où la désinformation peut mener à des conséquences. C'est grave. On est arrivé à un mo‐ ment où on ne peut plus croire à ce que l'on voit, on ne peut plus croire à ce que l'on entend.
Elle appelle à une plus grande éducation chez les jeunes. Il faut une éducation ciblée sur les deepfake pour créer une génération de ci‐ toyens numériques conscien‐ tisés, pour développer leurs compétences à évaluer la va‐ lidité des informations en ligne et pour qu'eux-mêmes puissent alerter leur entou‐ rage.
La professeure poursuivra ses études, cette fois avec les personnes âgées, qui sont aussi confrontées à l'hyper‐ trucage.
À consulter aussi :
Comment reconnaître un hypertrucage?